J’ai l’impression que certains de ses défenseurs pensent que c’est tellement too much de rendre sexy sérieusement la pédophilie qu’il est forcément en mode grotesque, fantasmagorie irréelle, troll et pas du tout en train d’instiller auprès de ses lecteurs une vision du monde spécifique.
A l’époque de la polémique Petit Paul il y a quelques années, je me souviens avoir lu un interview de lui (je crois par rapport aux Melons de la Colère) où il racontait qu’il était fasciné par les gros seins mais qu’il ne pouvait pas vraiment traiter les femmes à forte poitrine comme des personnes car il ne voit que leurs seins, du coup il ne leur adresse pas la parole et préfère sortir avec des femmes à petits seins avec qui il peut avoir une relation normale (je parle de mémoire donc sa manière d’objetiser les femmes était ptete moins décomplexée). Il expliquait que sa copine de l’époque avait une meilleure amie qui avait des gros seins et du coup, pour réussir à sociabiliser avec elle, il dédramatisait la situation en lui faisant plein de commentaires sexuels rigolos sur sa poitrine, que c’était un jeu hyper sympathique entre eux.
Alors est-ce qu’il trollait? Je veux bien lui laisser le bénéfice du doute mais pourquoi choisir d’être un troll misogyne qui réduit les femmes de son entourage à une paire de seins? Honnêtement? Est-ce que ce genre de commentaires sur les femmes ajouté aux commentaires sur l’inceste ne laisse pas fortement penser que même s’il n’est pas réellement intéressé par des relations avec des enfants, c’est un homme qui ne remet pas du tout en cause la domination masculine forcée des hommes, en particulier dans la sphère sexuelle, et trouve OK d’employer un discours humiliant et déshumanisant vis-à-vis d’une partie de la population? Est-ce que ça ne suffit pas à trouver choquant sa présence en tête d’affiche d’un grand festival, même si “c’est pour rire”?
J’ai grandi en lisant des BD et pas juste Astérix, et ça a toujours été un univers hyper macho. J’étais abonnée à des magazines de BD et je lisais donc régulièrement des interviews d’auteurs, et les nouvelles générations vénéraient la BD érotique franco-belge macho mais culte qui les avait précédés. Je pense qu’ils revendiquent toujours cette culture et que c’est en partie pour ça qu’ils refusent de questionner le travail de Vivès. Les scènes sexys et érotiques étaient présentées comme des incontournables qui faisaient le côté iconoclaste de la BD européenne. Même des séries qui avaient un public familial comme Thorgal étaient pleines de scènes avec des femmes nues aux belles poitrines, des scènes de viol “sexys” et des lesbiennes perverses mais excitantes.
J’ai lu des scènes de viol hyper érotisées et très graphiques à plusieurs reprises pendant mon enfance parce des histoires d’aventures pourtant intéressantes pour des enfants en comprenaient presque toujours dès que le dessin s’éloignait de Spirou et Astérix pour devenir plus réaliste (et encore, j’ai lu plusieurs albums du type Pervers Pépère dont les dessins ne faisaient pas penser aux BD adultes et c’était pas une lecture géniale pour des enfants même si c’était pas porno). Alors oui, les adultes auraient pu mieux contrôler les BD auxquelles j’avais accès mais c’était si chronique qu’il ne réalisait pas qu’il fallait tout m’interdire. Et puis, même, la bibliothèque adulte du quartier (dans le sens l’autre section que la section jeunesse) était accessible dès 13 ans, et la vision de telles images de manière aussi routinière, je pense que ça ancre en nous certains fantasmes en les banalisant.
Parce que oui, Vivès n’a pas tort de dire que les enfants sont fascinés par ce genre d’histoires, et c’est justement pour ça qu’on doit les en protéger. J’ai relu des dizaines de fois une scène de “viol collectif sexy” dans Les Passagers du Vent quand j’étais enfant, et quand j’y repense aujourd’hui, ça me dégoûte que l’auteur ait intégré ce passage totalement gratuit à son histoire.
Je me souviens même d’une fois où chez des amis de mes parents, j’ai trouvé des BD et il y avait une femme qui se faisait violer. Je ne savais pas lire, mais ça m’intéressait beaucoup alors j’étais allé trouver ma mère OKLM pour lui demander de me lire les dialogues

Elle était tombée des nues devant le contenu (Le reste de l’histoire semblait tout à fait acceptable pour des enfants) et m’avait évidemment retiré le livre, mais je me souviens encore de ma frustration de ne pas pouvoir savoir exactement ce que les personnages se disaient pendant cette scène érotique. Mais vous vous rendez compte de la banalisation et de la gravité du truc si desenfants de 5 ans sont exposés OKLM à ces histoires et le milieu de la BD ne se remet jamais en cause? Parce que les auteurs de BD qui intervenaient dans des mags comme Spirou, littéralement adressé aux lecteurs “de 7 à 77 ans”, donc que les enfants apprenaient à aimer, c’était régulièrement des auteurs qui allaient dessiner des scènes de violences sexuelles ou de femmes nues objectifiées ailleurs (Bastien Vivès y a d’ailleurs collaboré pour quelques one shot) même pas classées dans le rayon réservé aux adultes de la Fnac (rayon à deux étagères des BD enfants où d’ailleurs on voyait tranquillou les couvertures érotiques et sexistes juste en passant à côté). Donc non seulement, y’avait quand même un gros risque qu’un jeune lecteur de Spirou fan d’un auteur se retrouve à acheter un truc pas spécialement bénéfique pour les enfants, mais en plus ça pose quand même question sur la vision du monde de ces auteurs…
Bref tout ça pour dire que le milieu de la BD est clairement macho voire un peu misogyne, avec un gros entre-soi masculin, et ça explique cette défense aveugle de Vivès… Franchement, la France a vraiment un soucis avec les artistes et hommes de pouvoir misogyne, à systématiquement défendre ça comme une partie de notre culture rebelle et anticonformiste…