J'avoue que je suis mal à aise avec l'expression "ne pas se respecter" .
Je comprends car cette expression est utilisée de plein de façons différentes, dont cette façon culpabilisante et hyper sexiste. Ce n'est pas dans ce sens-là que je l'utilise...
Je le vois dans le sens où en tant que femme, et fille/enfant, on ne nous a jamais appris à nous écouter, à écouter nos limites. On a grandi, surtout les filles, avec ce truc de "souris, sois belle et tais-toi", si t'as mal c'est normal, si un homme te met mal à l'aise, les gens rient et se moquent de toi (son comportement à lui est "normal", considéré comme normal), j'ai grandi avec ce truc de "prendre sur moi" pour absolument tout, de "si moi je suis pas bien, c'est pas grave, surtout il ne faut pas mettre l'autre mal à l'aise", de surtout ne pas prendre de place, ne pas déranger, éviter, fuir, avoir peur, tout le temps.
Quand je dis que ce bouquin m'a poussée à me respecter, c'est d'abord parce qu'il m'a fait comprendre que tout ça, tous ces ressentis-là, déjà ils étaient communs à plein de femmes, que
ça n'est pas notre faute puisqu'on a été construites là-dedans, et surtout que c'était anormal en fait d'accorder plus d'importance au bien-être des autres plutôt qu'au mien (dans la mesure où mon bien-être ne nuit pas autres)
que ça n'est pas se respecter soi-même que de préférer me taire, bouffer mon malaise, attendre que ça passe, et "oublier". Et l'autre pendant ce temps qui distille des malaises sans souci, sans qu'on dise rien, que personne dise rien parce que personne n'ose verbaliser que "là tel comportement n'est pas ok". (edit : au passage, globalement les mecs n'ont pas trop de difficulté à faire bien passer leur bien-être avant toute chose, ce qu'on observe bien avec l'arrivée d'un enfant dans la famille...)
Et à partir de là, pour moi maintenant "me respecter", c'est écouter bien profondément au fond de moi si y'a un malaise, et l'exprimer, au lieu de l'ignorer.
Alors oui, bien sûr, tout ça ça paraît loin du moment où on se fait réellement agresser, mais c'est une base qui permet d'appréhender toute sa vie quotidienne différemment. Parce que si on écoutait notre instinct beaucoup plus souvent, de façon plus "intuitive", je pense qu'on s'éviterait plein de situations de merde (et encore une fois, je ne dis pas là que les victimes d'agressions sont responsables de leurs agressions, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit
).
Parce que je pense aussi que dans une interaction avec autrui, on est deux. L'un peut très vite prendre le dessus sur l'autre (et se retrouver en position d'agresseur) parce qu'en face il y en a la possibilité (et pour les femmes, la possibilité est là, elle est hyper grande et ouverte puisqu'on a été éduquées à ne pas prendre soin de nous, à ne pas poser nos limites, à mettre un mouchoir sur nos malaises, etc etc etc, tout est lié et encore une fois y'a pas de culpabilité à avoir !!).
On parle beaucoup de déconstruction dans le féminisme, et OUI un grand oui on a tellement de choses à déconstruire.. Une fois qu'on a pris conscience des constructions toxiques qui basent notre personnalité, perso j'ai envie d'agir en fait
de pas rester dans un attentisme (pas sur ce sujet-là en tout cas
) qui est mauvais pour moi. Je pense que les hommes ont BEAUCOUP à déconstruire (et c'est long et loin d'être évident pour ceux qui s'engagent sur ce chemin), je pense que les femmes AUSSI ont beaucoup à déconstruire, et que c'est pas forcément agréable non plus.
Je cite un petit passage du bouquin "Non c'est non, Petit manuel d'autodéfense à l'usage de toutes les femmes qui en ont marre de se faire emmerder sans rien dire" d'Irene Zeilinger :
"Se défendre, ça marche !
Face à la violence, quelles sont les stratégies les plus efficaces ? Il existe malheureusement très peu de données permettant de répondre précisément à cette question. Alors que nous savons relativement beaucoup de choses sur la statistique des violences, sur les dynamiques et les facteurs de risque - et encore ! - il y a eu très peu de recherches scientifiques sur l'efficacité des différentes approches de prévention des violences. C'est regrettable car seules de telles recherches permettraient d'évaluer les politiques de prévention. Voici néanmoins les quelques informations que j'ai pu trouver sur cet aspect.
Les femmes qui ont déjà vécu des situations de violence sont à mon avis bien placées pour nous dire ce qui pourrait éviter qu'elles ou d'autres femmes en (re)deviennent victimes. Dans une étude suisse sur les violences sexuelles, les femmes victimes de viol considéraient que la défense physique, en combinaison avec la confiance en soi, serait la meilleure stratégie de prévention (issu de
Bieder, brutal. Frauen une Männer sprechen über sexuelle Gewalt, Zurich 1989, Alberto Godenzi). Elles demandaient plus de solidarité entre les femmes et des cours d'auto défense pour toutes. En termes de prévention, elles disaient que les femmes devraient savoir reconnaître et identifier la violence plus tôt et éviter de dépendre des hommes en la matière. Une étude allemande sur le harcèlement sexuel au travail confirme cette manière de voir : les femmes concernées disent regretter de ne pas avoir réagi plus directement et se disent résolues à poser plus immédiatement leurs limites à l'avenir (issu de
Grenzverletzungen. Sexuelle Belästigung im Arbeitsalltag, Francofrt 1993, Renate Sadrozinski). Parmi les femmes ayant vécu une situation de harcèlement sexuel, celles qui avaient réagi en prenant l'initiative et en posant leurs limites se disaient davantage satisfaites de leur réaction et souffraient de conséquences psychologiques moins graves."
Ces informations peuvent déjà vous encourager à faire le nécessaire pour votre sécurité. Mais il y a encore mieux ! Toutes les statistiques de la police attestent qu'une grande partie des violences ne vont pas jusqu'à leur terme (c'est pourquoi on parle de tentatives de meurtre, viol ou vol). De nombreuses agressions ne sont probablement pas rapportées à la police, parce qu'elles n'ont pas abouti grâce à la défense des victimes, souvent des femmes. Mais encore plus important est le nombre de violences qui n'ont pas eu lieu parce que la victime a su éviter le danger, par exemple en désamorçant verbalement la situation."
J'arrête là l'extrait, mais c'est passionnant, elle parle ensuite des violences conjugales et de tout l'aspect psychologique qui se met en place et rend difficile de se défendre (mais où, si on sait identifier et poser ses limites AVANT que ça ne se mette en place, on peut se prémunir de ces situations).
Encore une fois, pour moi la question c'est pas de se sentir coupable de pas réussir à se défendre face à une violence qui ne devrait pas exister. Pour moi, la violence existe, le travail de déconstruction de la masculinité toxique est un pan essentiel qui va prendre du temps, en même temps on se doit de soutenir les victimes (et de se soutenir entre victimes), de prévenir la violence masculine ET AUSSI c'est essentiel que les femmes en général se déconstruisent, prennent conscience de tous les mécanismes qui rend le fait d'être victime plus aisé face à quelqu'un éduqué pour dominer. Pour moi c'est reprendre du pouvoir en fait, pas contre les hommes, mais bien en tant qu'individu, en tant que moi élevé comme une nana mais qui est tout aussi apte à me protéger des autres que n'importe qui.
@jorda je me répète peut-être un peu, mais dans ce bouquin elle dit aussi que si c'est plus sécurisant de "se taire et attendre que ça passe", il faut le faire, car ce qu'on doit garder en tête à tout moment c'est notre propre survie (surtout dans les cas d'agressions physiques/sexuelles). L'un n'empêche pas l'autre
Perso j'ai pas envie de me faire agresser, et j'ai pas envie que d'autres femmes subissent des agressions, donc j'ai envie de proposer les outils qui moi m'ont fait du bien et m'ont rendue plus "puissante" intérieurement. Et y'a un nombre de migro agressions qu'on laisse passer sans cesse, ce qui contribue aussi à maintenir tout ce système patriarcal etc, et perso ben j'essaie d'en laisser passer le moins possible, et les nanas autour de moi aussi, et les mecs ben ils font avec, ils ferment leur bouche, et vu qu'il y a aussi de plus en plus de mecs déconstruits, globalement à plusieurs on avance (je pense) dans la bonne direction. Ça empêche pas non plus de laisser passer des trucs quand on a pas l'énergie !! y'a pas à culpabiliser de quoi que ce soit.
Après je vois sur le forum c'est un peu "compliqué" car je fais des gros raccourcis dans mes idées ou en utilisant certains mots ("se respecter soi-même" par exemple), pour pas développer à chaque fois tout l'état de la réflexion derrière et éviter les posts à rallonge....... Mais j'essaie de pas culpabiliser de pondre des pavés