Bonjour à toutes.
Je vois que cet article (et la conversation qui va avec) date mais dans la mesure où il a été linké dans un autre, plus récent, ça m'a interpellée, je suis tombée dessus, l'ai lu avec beaucoup d'intérêt.
Pour ne rien cacher les éléments "à décharge" émaillant le reportage m'ont franchement interloquée et presque choquée, comme beaucoup ici, mais pour être tout à fait honnête et même si l'idée était bonne, et l'article, indéniablement travaillé, il avait ses défauts comme celui d'être un peu trop réducteur... Enfin je me permets juste ces petits reproches pas bien virulents pour expliquer, justifier peut-être, la réaction épidermique de certaines lectrices et le rebond d'émotion qu'il peut provoquer.
Alors effectivement, par la force des choses il se limite aux témoignages des personnes ayant accepté de témoigner, et il est possible que ces personnes-là aient sincèrement connu un tel process de "revanche" et un tel mécanisme de défense pour passer du côté actif du harcèlement.
La seule chose que je voudrais dire même si ça touche au coeur, même si ça ravive des souvenirs plus ou moins enfouis et douloureux, c'est qu'à mon sens il n'existe pas qu'un profil de harceleur comme un profil de harcelé (d'ailleurs au passage, merci -ironique- à celles et ceux qui sous couvert d'une expérience de harcelés, se targuent de pouvoir déclarer de façon assurée et certifiée que les victimes sont responsables de leur sort par leur attitude, leur style vestimentaire ou pour être généralement... des têtes à claques! j'ai serré les dents très très fort devant tant de méconnaissance, ce qui peut certes arriver, mais aussi devant si peu de remise en question et de volonté de comprendre réellement, et au delà... Préjugés bonjour! et ce n'est pas ainsi qu'on fait avancer le débat et... la société).
Pour ne pas être originale et c'est pourtant la réalité, j'ai comme beaucoup d'entre vous subit du harcèlement et après lecture de l'article, et des commentaires, et légère analyse, ce qui m'a frustrée et donné une impression bancale, ce sont des détails (ou pas?) comme le fait qu'on parle de harceleuses comme si ce rôle leur était dévolu, déjà d'une. Parce que okay, on entend parler par vagues de ces groupes de filles violentes ou vicieuses, qui jouissent d'acharnement sur les plus faibles, on entend même dire qu'elles sont "pires que les mecs" mais selon moi, rentrer là-dedans relève d'un ressort de généralisation dangereux que d'habitude, Madmoizelle combat et essaie d'éviter. Pour le coup, ce constat déséquilibré s'est accentué avec une bonne partie de commentaires donnant l'impression que la majorité voire la totalité des bourreaux étaient des femmes.
Je ne nie pas qu'il y aie une réalité de ce type.
Possible que l'être humain possède tout simplement la propension au sadisme, c'est peut être naturel, ou culturel, inné ou acquis, peut être sommes nous des animaux, peut être pas: franchement c'est une question que je ne parviens pas encore à élucider, étudier.
Mais, hommes comme femmes quoi.
Pour en revenir à un niveau bien plus personnel même si ce n'est pas franchement dans mes habitudes (je poste peu, d'ailleurs, mais ça me touche, donc déjà merci au site dans lequel je ne me reconnais pas forcément toujours d'aborder ce sujet, à plusieurs reprises, de le disséquer et de s'y investir, franchement), il y a eu de tout, mais principalement des garçons (je ne vais pas dire hommes puisqu'il s'agissait du collège, et début lycée).
Ca m'a un peu frustrée de surmonter l'arrière-goût anxiogène dans la bouche, prendre sur moi pour lire cet article qui m'intéressait, pour essayer de comprendre, vraiment, non par voyeurisme mais sûrement pour une forme d'exorcisme ou je ne sais quoi, mais en tous les cas oui comprendre, et me sentir si peu représentée.
Si peu représentée puisqu'il s'agit exclusivement de filles, bien sûr (alors effectivement le public de l'appel à témoins étant féminins, ceci implique cela, reste que ça devient une forme de parti pris) et que toutes ont cette justification de processus "revanchard". Encore une fois, plausible que ceux qui n'avaient aucun motif, ceux qui agissaient par pur sadisme puisque oui, n'en déplaise à certains je pense que c'est le cas d'au moins une proportion, n'aient pas vu l'annonce, pas eu envie de participer ou n'aient même pas conscience d'être des harceleurs.
Voilà du coup ce que je voudrais répondre à la colère exprimée par certaines Madz: elle est certes compréhensible, on ne dénigre pas votre souffrance, mais plutôt que tenir un discours manichéen il serait potentiellement judicieux d'apprécier cet éclairage sur CET aspect du harcèlement, sans pour autant considérer qu'il s'agit d'une généralité et qu'il excuse tout, ou fait de n'importe quelle personne harcelée un bourreau légitime en devenir; je ne pense pas que c'est ce que l'article sous-entendait.
Le profil-type du harceleur n'existe peut être pas (beaucoup de peut être dans ce post, mais je suis persuadée d'une seule chose, c'est finalement qu'il est très difficile voire impossible d'établir des certitudes et des règles de base, beaucoup d'entre vous l'ont déjà démontré au sujet des profils de victimes, par exemple) et n'oublions jamais avant de vouloir catégoriser; la variété des personnalités humaine et circonstances (même si ça nous parait énorme qu'on veuille les faire passer pour "atténuantes" dans ce cas précis, certes).
Pour ma part, je préfère considérer ces éléments comme des facteurs de distanciation d'avec la victime, qui corrélés avec l'effet de groupe la déshumanisent et laissent le sentiment de puissance et la galvanisation qu'entraîne la popularité, prendre le pas sur l'affect et l'empathie, la compassion; plutôt que comme des excuses. Je ne vois d'ailleurs pas franchement d'excuses à l'acharnement: une prise de tête, une agressivité ponctuelle, à la limite, mais l'acharnement, reste tout de même plus insidieux, plus machiavélique, lourd et pernicieux qu'autre chose, il laisse peu de place à la possibilité d'une maladresse.
Par ailleurs, comme le sujet du pardon est plusieurs fois évoqué, pour ma part difficile encore une fois d'être radicale (parce que ça m'interroge vachtement quoi) mais je ne sais même pas si la question mérite d'être posée: ces personnes là en ont elles tout simplement quelque chose à faire? Et puis pourquoi devrions nous rentrer dans un schéma chrétien de mansuétude et pardon à l'égard de personnes qui non contentes de nous avoir fait vivre un enfer, nous avoir fait pleurer, douter de nous, trembler de peur à l'idée de les voir, mènent désormais tranquillement leur petite vie bien au chaud sans conséquences alors que, je ne sais pas trop pour vous, mais nous devons gérer encore des années après avec le "handicap" et les séquelles que tout ça a laissé... J'ai lu des choses comme
"'avoir été traité comme un objet sans valeur, moche, décalé, répugnant, que personne n'aime et n'aimera jamais, qu'aucun homme n'osera jamais approcher et qui devrait mourir pour le bien du monde parce que sa présence "pollue" l'ambiance ça ne s'oublie pas, ça ne s'efface pas.", entre autres, et c'est exactement ça, lire ça prend aux tripes quand on l'a connu donc pour être extrême je dirais que pour certaines victimes ou ex-victimes, c'est malgré le souvenir qui s'efface matériellement et concrètement; des habitudes et des pensées ancrées, un psycho et un inconscient affectés et une reconstruction, si on prend la peine de la faire, une rééducation
à vie quant aux aspects relationnels de notre existence. JE suis aujourd'hui personnellement complètement brisée d'un point de vue relationnel, on aime s'en moquer gentiment dans mes cercles plus ou moins proches, ou me reprocher mon manque de sociabilité, d'intégration sans forcément connaitre mon passif de tête de turc, de bouc émissaire d'une classe entière, de petite has been ou je ne sais quoi reléguée toute seule en cours comme en récré, celle qu'on dénigrait, délaissait, insultait, de face ou de dos, parce que trop moche etc. Celle dont on inscrivait le nom accompagné des commentaires qui vont bien sur les tables de salles de perm', qu'on fixait de regards goguenards et narquois en chuchotant, qu'on suivait sur le trajet du bus pour lui écraser des desserts de la cantine sur la tête ou la mettre par terre en mettant de la neige dans ses vêtements, son cou, etc.
Je n'avais rien fait. Je n'avais voulu causer de tort à personne et pourtant, je culpabilisais tout de même de "déranger", d'être de trop dans le paysage et en faisais toujours plus pour me rendre transparente. Et ça, c'est resté.
Et pour la petite parenthèse, je pense qu'on peut aussi sortir ici du clivage "collège huppé avec des fils à papa blindés" ou à l'opposé "établissement de ZEP avec des racailles qui rackettent et des professeurs tétanisés par la peur". Dans mon collège, puis mon lycée, peu ou pas de portraits sociaux extrêmes, mais bel et bien une classe plutôt moyenne majoritaire, comme quoi, non, pas besoin d'être un nanti blasé et sur-protégé, ni un individu issu d'une famille précaire et victime de difficultés sociales rigoureuses pour devenir un coupable.
Ca fait peut être mal quand on essaie d'être hyper-tolérant et compréhensif, ou encore d'écrire un article au coeur du sujet etc, mais il faut aussi envisager le fait que certains n'ont tout simplement pas d'excuses même si encore une fois je ne renie pas les arguments avancés par les témoignages pour justifier les comportements de quelques exemples.
En bref je n'ai pas souvenir que qui que ce soit m'ait demandé pardon donc finalement, je réitère que ces personnes vivent confortablement avec ça, sans mauvaise conscience et pour certains peut être même, outre la probabilité de l'oubli pur et dur, la certitude que j'étais en tort, comme les autres qu'ils ont pu torturer sans vraiment trop savoir pourquoi à part que nous étions à leurs yeux des outsiders, de bons défouloirs.
Finalement j'ai aimé à penser que j'étais supérieure (humainement) à eux et que j'avais au moins des valeurs, et que certains éléments de mon existence (l'éloignement, les études, avoir été à d'autres moments plus "populaire", etc)(au passage tous les "populaires" ne sont pas non plus des tyrans, d'ailleurs pour la blague j'ai eu une classe bien plus cool en cours de collège dont la plupart des leaders étaient plutôt gentils et ne comprenaient vraiment pas pourquoi j'étais si effacée, alors que j'étais tout simplement encore toute conditionnée de l'année d'avant et que me faire toute petite pour ne déplaire à personne était devenu une religion) m'avaient faite avancer et que ces mésaventures ne valaient finalement pas grand chose à l'échelle d'une vie, que ces personnes n'avaient pas tellement d'importance mais la situation s'est réitérée de façon totalement imprévisible dans le contexte professionnel une fois adulte, avec un groupe précis de collaborateurs et ça m'a franchement rendue malade de reprendre ça en pleine poire. C'est là qu'on réalise que c'est aussi un vice sociétal et qu'il est urgent d'en finir à tous niveaux et lutter contre ça, pas seulement le cyber-harcèlement, pas seulement le harcèlement scolaire... Parce que là, ultra concrètement, ces personnes qui s'en sont prises à moi et ensuite successivement d'autres collègues (à tour de rôle puisque c'est bien plus facile d'isoler une victime), n'avaient non seulement rien à nous reprocher mais aussi aucune circonstance atténuante de type "parents qui s'engueulent à la maison", ou "avoir déjà été harcelée dans la même enceinte et passer du côté des forts". Rien de tout ça, si ce n'est l'effet du groupe et la béate et stupide admiration mâtinée de crainte légère pour la plus grande gueule d'entre eux et leader auto-proclamée, qu'une rapide analyse suffit à cataloguer comme mentalement malade et ce, sans aucune ironie ni degré d'insulte.
Pour résumer la question est tellement dense, tellement complexe, tellement viscérale qu'elle mériterait peut être à terme, un article plus approfondi et plus étoffé, plus large comme par exemple un dossier sur le harcèlement avec des témoignages d'ex harceleurs complets (hommes, femmes, de tous âges, toutes tranches sociales, qui regrettent, ou non, qui racontent ce qu'il s'est passé et ce qu'ils ont fait, pourquoi, quelles ont été les conséquences et s'ils ont pris conscience d'être des oppresseurs, si oui quand, comment etc). Sans jouer de pathos, ni de provoc, ni d'excuser l'inexcusable, juste expliquer et comprendre comme il a fallu chercher à comprendre (attention point godwin inside) dans un autre registre et à une autre échelle, les horreurs commises pendant la GM2 et comment des individus à priori normaux et sains d'esprit ont pu suivre des directives inhumaines apparemment sans ciller. Parce que cela manque de productivité que de juste conspuer, et jeter le blâme, même si nous avons besoin de crier notre colère et que c'est légitime.
(après, je sais pas; un dossier comprenant aussi des témoignages structurés et un peu dépassionnés de victimes ou ex victimes aussi, des retours extérieurs -professionnels etc-, des conseils pratiques et concrets, des références et des services d'aides...)