Je ne supporte pas mes difficultés à pouvoir m'exprimer avec des personnes proches.
Ce Noël ça a été particulièrment flagrant avec mes parents, avec qui j'avais une réelle envie et un réel besoin de leur communiquer mes états d'âmes. C'est juste que j'ai beaucoup appris depuis que j'ai quitté le foyer familial, j'ai remis en question certains aspects de leur éducation, j'ai lu des livres qui m'ont fait réfléchir, j'ai rencontré des personnes qui m'ont fait réfléchir, j'ai cherché un sens à ma vie, je n'en ai pas trouvé évidement, mais j'ai trouvé certaines choses qui sont importantes pour moi. Et en venant à Noël, j'avais cette excitation de pouvoir leur exprimer ma reconnaisance : Papa, Maman, j'ai tiré profit de votre éducation, je me suis questionnée sur moi même, j'ai trouvé quelques pistes, je suis en train de devenir adulte. Maintenant, entre adultes, on va pouvoir discuter, de la vie de l'amour, du sens de tout cela, du non-sens de tout cela, du sens que vous accordez à tout cela, et de ce qui pour moi est important. J'avais un réel besoin de conversation profonde, des sujets que je n'aborderais pas même avec mes amis proches, de peur de les faire fuire. Mais j'imaginais qu'en famille ce serait possible.
Et pourtant, nous en sommes restés à d'impersonelles banalités "Ah, la Juliette des machins à accouchée", "Ah tiens mon amie Lucie accouchée aussi" "ça c'est bien passé" "ouiiii, sans problème", "bon on va passer à table j'ai cuisiné un foie gras", "haha j'espère qu'il sera meilleur que l'an passé"
Et moi j'ai envie de dire à mes parents "Parlons de la vie, vraiment, parlons des hommes et des femmes qui peuplent la planète, changeons le monde, ce soir, changeons le monde, je sais que nous en sommes capables." J'ai envie de partager ce à quoi j'ai pensé dans ma tête, j'ai envie de partager ce que je vis tous les jours avec vous, après des années de mutisme adolescent. J'ai envie d'une conversation d'adultes avinés, j'ai envie de contredire leurs évidences, j'ai envie de les remercier de l'esprit critique qu'ils m'ont permis de construire, j'ai envie de leur faire partager ma peine, quand le monde n'est pas tel qu'ils me l'avaient prédit, j'ai envie de leur balancer mon expérience quand le monde n'a pas tel qu'ils me l'avaient tristement dépeint, j'ai envie de leur dire : vous m'aviez toujours dit que le monde est en perpétuel changement, et moi, MOI, votre fille, je tente d'y participer.
Mais non. On en restera à ces phrases qui constuisent "une bonne soirée" sans heurt, sans accroche, sans question. C'est Noël, et je sais bien qu'ils ne sont pas là pour ça

Pourtant j'ai envie de parler à tout ces gens qui me sont proches, je ne le fais pas, et je déteste ça.
J'espère juste qu'un jour nous aurons l'occasion de discuter sérieusment, avant qu'il ne soit trop tard.