Bonjour , je reprends l'antenne deux minutes, réactivation de mauvais souvenirs, besoin de parler tout ça...
Je ne supporte pas quand les gens me parlent de mon acné.
En gros, j'ai de l'acné depuis mes 14 ans. Pendant l'adolescence, ce fut un carnage, acné sévère, gros boutons, kystes, tout ça sur le visage évidemment, la fête est plus folle. Plutôt que "les ados sont méchants", je dirais : "les ados sont des cons". Le nombre de réflexions quotidiennes que je prenais à cause de mon acné, tête de ceci, tête de cela, certains qui me demandaient si j'avais récuré un chiotte avec ma tête, d'autres qui me disaient que moche comme j'étais jamais personne ne voudrait de moi, et encore, tout ça c'est du soft. Le pire dans tout ça, c'est que le harcèlement scolaire dont j'étais victime ne faisait qu'empirer les choses.
C'est fou, j'écris et il me revient un souvenir très précis de ma classe de 3°. Un garçon me détestait par principe, il était toujours à m'emmerder, et je n'ai jamais su pourquoi moi (avait-il au moins une "raison" ?). Lors d'un cours de français, on devait donner des exemples d'antiphrases, c'est à dire une phrase qui dit le contraire de ce qu'on pense. Ce garçon a levé la main, la prof lui a donné la parole. Il s'est tourné vers moi avec un immense sourire, et il a dit bien fort : "GrosHibou a gagné le concours de beauté". Je m'en souviens encore, c'était en 2006. La prof lui avait dit de se taire, et il s'était d'ailleurs pris un torrent de réflexions de la part de la moitié de la classe qui lui avait dit que c'était dégueulasse de me faire ça, qu'il était qu'une merde... Mais le mal était dit.
J'ai consulté plus de médecins pendant dix ans que certains pendant toute une vie. La seule chose que j'ai pas essayé, c'est consulter un chaman ou un druide. (
Si vous avez une adresse, au cas où) J'ai pris des tonnes d'antibiotiques qui m'ont dézingué l'intestin, auxquels j'ai fait des réactions allergiques à la limite de l'oedème de Quincke. J'étais plus malade à cause des traitements qu'à cause de mon acné. Le stress ne faisait qu'augmenter mon acné, mes études... Un jour, un médecin m'a dit "Bah si vous supportez pas les médicaments, je sais pas quoi vous dire moi hein ! Evitez le stress mademoiselle !" Je suis en M2, Dugland, comment veux-tu ?..
Depuis cinq ans, j'ai cessé tout traitement. Médicaments, lotions "miracles", tous ces produits dont on fait la pub à longueur de journée pour une peau "parfaite". Je surveille mon alimentation de très près. Mon suivi psy a considérablement amélioré les choses, j'évacue tout ce que j'ai, toute ma colère, et bizarrement, mon acné diminue. Maintenant, mon acné se limite a des boutons à l'approche de mes règles, par contre j'ai toujours de l'acné dans le dos, apparemment récalcitrante. Mais je me soigne, au naturel, je détoxifie progressivement mon corps de tous les médicaments que j'ai pris.
Alors certes, cela a pris du temps, mais j'ai appris avec mon psy que toutes les remarques sur mon acné ne partent pas d'un mauvais sentiment. Mais il reste encore des gens qui m'agacent, qui sont sûrement maladroits, mais alors qui m'énervent... Vous savez, ces gens qui scrutent votre visage, comme s'ils voulaient coller leur nez dessus, qui vous regardent en louchant, et qui commencent leurs phrases par "
pour tes boutons...". Le pire, c'est les gens que je connais à peine et qui se permettent de donner des conseils pour moi via mes parents. "
Alors tu sais pour ton acné il/elle m'a dit que...". Pardon mais, de quoi ils se mêlent ? Autre chose, les gens que je vois pour la première fois et qui me disent "Vous avez essayé ça pour vos boutons ?"... Les remarques ne sont pas toutes mauvaises oui, mais pour moi ça me fait toujours penser à ces gens qui faisaient courir la rumeur que si j'avais des boutons, c'était parce que j'étais sale, que je ne me lavais pas le visage. Ça réactive quelque chose de l'ordre du trauma.
Ça va vous paraître bizarre, mais depuis le covid, depuis le masque obligatoire, je découvre ce qu'est la vie sans qu'on scrute mon visage, sans qu'on s'attarde sur mes boutons, puisqu'ils sont tous cachés par le masque.
J'aimerais sincèrement que les gens arrêtent avec leurs "conseils", leurs produits miracles, leur aloé-vera, leur propolis ou je ne sais pas quoi. C'est comme si chaque remarque, aussi bien intentionnée soit-elle, me rappelaient que j'ai des boutons. Parce que c'est bête, mais comme ils sont sur ma tronche, je ne les vois que lorsque j'ai un miroir. Le reste du temps, je suis GrosHibou, avec ses passions, ses amis, sa vie, ses projets, son cheval, son métier... Mais parfois je me demande si pour les autres, je ne suis rien d'autre qu'un bouton d'acné géant.
Aigle d'Amérique, fin de transmission.