Je ne supporte pas mon désir d'être validée par les gens qui prennent une grande place verbale ou symbolique dans les échanges.
Les gens qui font la morale, parlent fort, émettent des jugements, semblent avoir des idées tranchées et arrêtées suscitent chez moi à la fois un sentiment de rejet et d'attraction.
Déjà, ils me déstabilisent. Leur tendance à prendre la parole et à sembler « sûrs » de leurs jugements leur confère un gros pouvoir symbolique sur moi, encore plus quand ils sont entourés, quand ils sont bien intégrés dans un groupe. Parfois, leur parole agit sur moi comme un couperet, comme si j'avais peur de leur sanction, alors-même qu'intimement, leur avis m'importe peu, beaucoup moins que l'avis de personnes plus mesurées.
Ensuite, ils m'attirent : Pour ne pas avoir l'impression qu'ils me sanctionnent symboliquement, j'ai envie de bien m'entendre avec eux, de les côtoyer. Je préfère flirter avec ces gens qui me font un peu peur plutôt que de les fuir. C'est encore une fois mon rapport à l'image que je renvoie qui est en jeu. J'ai envie de ne pas avoir d'histoire avec ces personnes qui, en société, « existent plus que les autres », que ce soit parce qu'ils font partie d'un petit noyau dur où les jugements vont bon train, ou bien parce qu'ils s'expriment fort, et semblent ne pas douter d'eux. Je recherche ces gens-là socialement, au sens où j'ai envie de les avoir « dans la poche », et pas « contre moi ». Je recherche leur approbation, ou en tout cas je cherche à ne pas subir les marques de leur désapprobation.
Mais intimement, lorsqu'il s'agit d'amis proches, j'ai du mal à me sentir en confiance et à avoir envie de me livrer à ce genre de personnes. En fait, je crois que je ne considère jamais ce genre de spécimens comme des amis proches, même quand je les vois très souvent

Je trouve cette manière de communiquer, assurée, et/ou moralisante, trop violente pour des échanges sereins. Quand je parle avec des amis, j'ai envie de pouvoir rencontrer des désaccords sans me sentir jugée, et ces gens me feraient peur dans l'intimité. Je pense d'ailleurs que c'est une idée que je me fais et qu'il est possible d'établir des relations de confiance avec ce genre d'individus aux apparences très exubérantes et affirmées, mais disons que moi ils ne me conviennent pas vraiment. Ces gens dont l'avis « compte », et qui disposent (à mes yeux !) du pouvoir symbolique (souvent parce que je les perçois comme un noyau où règne le consensus) ont toujours eu tendance à m'angoisser. C'est dingue d'avoir un rapport si paradoxal aux autres : leur avis compte pour ma tranquillité et mon bien-être, et pourtant, au regard de ma propre morale, je prends bien moins en compte leur avis que celui de personnes avec qui j'arrive à communiquer en profondeur. D'ailleurs, c'est fou de se dire que pour moi, certaines personnes vont agir comme des juges symboliques, alors que pour d'autres, l'avis de ces personnes n'aura absolument aucune importance (sans pour autant dire qu'ils n'ont pas leurs propres leaders sociaux et moraux, simplement, ce ne sont pas les mêmes que les miens, preuve qu'il n'y a rien d'absolu là-dedans).
J'aimerais très sincèrement réussir à me détacher de l'emprise de leur sanction.
Ce n'est pas parce que tu parles fort, et (surtout) que rien ne semble pouvoir venir ébranler tes principes, que tu es infaillible et que ta conception de la morale est « meilleure » que celle des autres. En fait je déteste mon incapacité à faire confiance à ma propre éthique, à ma propre construction mentale du bien et à ma propre conception mentale du mal. Je pense finalement que j'ai un rapport parfois malsain à ce type de personnes. Il arrive que je cherche à les voir, non pas pour le plaisir de leur compagnie mais surtout pour me décharger de la peur de leur désapprobation. Les voir, constater qu'ils me renvoient des signes d'affection ou en tout cas aucun signe de jugement ou d'animosité, c'est une manière de calmer ma peur de la sanction sociale, de me relaxer et de me rassurer. En y réfléchissant je trouve que c'est un peu affolant comme motif pour voir des gens, et que les jours où je n'ai pas envie de les voir pour apprécier leur présence, je ferais mieux de tout simplement ne pas aller les voir. Parfois,je le fais ! Parfois je les évite quand je sens que je les recherche, plus pour leur regard que véritablement pour leur présence. Mais j'ai du mal à me tenir à ça, et parfois je côtoie des personnes qui ne me font pas que du bien au moral (pas forcément via leurs propos donc, mais via leur manière de communiquer qui peut me faire violence) simplement pour m'assurer que tout va toujours bien entre nous.
Me détacher de leur influence et du poids de leur regard, ce serait aussi réussir à les côtoyer tels qu'ils sont (parce que si je les côtoie c'est quand même que, en moyen/grand comité, il y a plein de trucs que j'adore chez eux, je ne suis pas masochiste non plus

) tout en réussissant à prendre de la distance vis à vis de leur jugement. J'ai une amie qui est très douée pour laisser couler toutes les marques de jugement extérieur (dans une certaine mesure, elle a quand même une susceptibilité elle aussi) et je l'admire vraiment. J'admire son recul, son détachement face aux (micro) jugements des autres, je trouve que c'est une marque de sagesse et une manière de s'éviter bien des tracas inutiles.
Ne pas citer svp
