A quel moment l'émotion, la compassion, sont-elles passées du côté de celui qui a tué au lieu d'être du côté de celui qui est mort? Je comprends pas.
J'ai parfois l'impression que les gens voient la justice comme un match de foot; j'ai fait à une époque de la sensibilisation à la situation des prisonniers, et les gens avaient des réactions bizarres du type "alors vous, vous soutenez les détenus?" d'un ton qui voulait clairement dire: "donc vous avez choisi d'être du côté des coupables plutôt que de celui des victimes? Intéressant...". On dirait qu'on ne peut pas avoir de la compassion pour la victime et souhaiter en même temps une peine juste, proportionnée et utile pour le coupable; non, si on est pas un monstre, on doit souhaiter le voir souffrir le plus possible. Et là, les gens ont pris parti pour le bijoutier. Un homme est mort, abattu dans le dos en pleine rue, on prend parti pour son meurtrier.
Et même moi, j'ai été tentée au début de voir les choses sous l'angle de l'émotion et de la compassion; de me dire que ce bijoutier était un salaud et que ça s'arrête là. Mais surement qu'il a vécu avec la peur d'être un jour tué dans un braquage, peur joyeusement alimentée par les médias, que le jour où il a cru que ça allait arriver pour de vrai, il a juste pété un cable; l'adrénaline, quand on se sent agressé, ça n'aide pas toujours à avoir une réaction juste et proportionnée, on peut pas savoir à l'avance comment on réagira...
J'aimerais tellement que les gens qui se sentent désolés pour ce bijoutier en déduisent que la prison, ça peut tous nous arriver, au lieu d'utiliser ce fait divers pour stigmatiser encore plus ceux qui ont un jour dans leur vie dérapé.