@Mad_Ame : merci d'avoir partagé ça avec nous, ça m'a émue aux larmes. Mon père n'a jamais voulu d'enfant car il ne voulait pas transmettre son "milieu social compliqué" à ses enfants et les condamner à 300 ans de malheur. Lui a perdu sa mère, été abandonné par son père, élevé dans une ferme chez ses grands parents puis a arrêté les études à seize ans. Il s'en est remarquablement sorti avec mon frère et moi

. Nous a donné tout son amour, nous a transmis ce qu'il savait. J'ai bien plus appris qu'avec des parents CSP +, ça m'a donné une volonté et une sensibilité particulière. Ce n'est donc pas une fatalité. On a peut être pas eu tout le confort matériel du monde, mais nos parents sont tellement aimants et soutenant. Une partie du fait que je sois childfree est dû au fait que je ne ferai jamais aussi bien qu'eux.
@Pinceau_ &
@zohra_larousse : J'ai appris que ce dont vous parlez s'appelle le paradoxe d'anderson. En gros, faire des études qui vous placent au dessus du milieu social d'origine, mais avec une condition matérielle moindre. Je suis dans ce cas aussi, poussé à l'extrême. Mes parents sont non diplômés mais ont réussi à gagner leur vie correctement (ils sont ouvriers donc un peu plus de deux smics). Moi j'ai fait une école très prestigieuse, j'ai deux masters (dont un serait l'équivalement de l'ENM dans mon domaine, il est très difficile à obtenir). Et pourtant, je suis condamnées à très peu gagner ma vie. Là je vais faire deux mois de CDD où je bosse tous les weekends et la semaine, de 9h à 21H30 pour bien moins que le smic horaire (1600 brut en tout). J'ai passé trois semaines sur un projet qui m'a rapporté 130 euros, moins que le RSA.
Ce complexe d'Anderson, est du à la crise mais pas que. Peut-être que si j'avais des parents CSP++ ils m'auraient conditionnés à aller dans une branche bien plus porteuse que la mienne, auraient fait marcher leur réseau pour me trouver un job super bien payés etc... Par exemple mes beaux-parents payent une formation à 20.000 euros l'année, pour que leur fille puisse prétendre à un excellent salaire. J'ai pas du tout été élevée avec les valeurs de "l'argent" et de "la réussite", mes parents ont compris que je ne veuille pas continuer dans le droit, ils ont eu à coeur que je sois épanouie dans mon domaine plutôt que j'aie un statut sociable honorable. Voilà en partie pourquoi je suis victime de ce paradoxe à mon sens.
Le truc, c'est qu'une catégorie sociale ne se mesure pas uniquement en terme de salaire. Il y a aussi un capital culturel, très determinant (les enfants de profs, par exemple, réussissent souvent très bien). La classe sociale, c'est multifactoriel. Donc même si vous n'êtes pas aisés, vous avez un capital culturel important à transmettre à vos enfants.
Ex : un chef d'entreprise bien payé pourra léguer un appartement à son enfant, où lui payer une école privée. Une personne qui a un gros capital culturel aura à coeur que son enfant réussisse à l'école, aille dans une prépa, ait les bonnes références en société. Les deux enfants seront avantagés dans la vie, de manière différente mais avantagés. Ensuite, souvent les gens de catégories sociales aisées cumulent plusieurs types de capital. Ils sont donc riches et cultivés.
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EDIT : J'ajoute que ce fossé se creuse insidieusement dès le plus jeunes âges. Certains parents qui ont les moyens (financiers et intellectuels donc) vont avoir a coeur "le développement" de leurs enfants : leur faire faire des activités (comme de la musique, de la peinture), les mettre dans de bonnes écoles (je compte pas les parents qui foutent leurs gamins dans le privé ou biaisent la carte scolaire pour pas que leurs enfants de QUATRE ans soient avec Toufik et walid en maternelle), évitent de fréquenter des enfants qui n'auraient pas le même niveau social (ah non, ne fréquente pas untelle, ses parents sont des cassos), veulent absolument que leur progéniture sâche lire, écrire et compter avant le cp, ont la patience et le temps de leur faire éviter les écrans et consoles (parce que quand on trime toute la journée ou qu'on est épuisé, c'est pas la priorité numéro un) etc... C'est humain hein, mais il faut avoir conscience que ces différences, sont inégalitaires d'entrée de jeu. Et nous offrent pas les mêmes chances. Donc, en plus de cette injustice, c'est super violent de voir des parents qui n'ont PAS LE CHOIX, jugés en permanence.
désolée pour ce gros pavé.