Mais histoire de me répéter, je ne peux pas accepter l'idée d'imposer à quelqu'un une responsabilité de par le choix d'une autre personne.
D'accord, mais du coup, tu proposes quoi pour l'enfant ? Je veux bien que nos discours et nos lois actuelles ne te semblent pas équitables, mais qu'est-ce qui te paraîtrait mieux, par exemple ?
Quand je lis tes posts, ce qui m'embête le plus c'est que j'ai l'impression que tu ne prends pas du tout en compte le contexte historique et social qui soutiennent les argumentations contraire à la tienne.
- Juridiquement parlant : pour autant que je sache, l'accouchement sous X permet de couper complètement les ponts avec son enfants. Pourquoi est-il possible à une personne de couper complètement sa filiation, et à une autre d'au contraire pouvoir être forcée dans la filiation ? Je comprends (et soutiens, Captain Obvious) l'inégalité de l'avortement (la femme a le mot final) pour des raisons biologique (c'est son corps à elle), mais là par contre je ne vois aucune raison dans la différence de traitement (d'autant que c'est la femme qui peut choisir de continuer ou non la grossesse, donc la logique voudrait que ce soit l'homme qui ait un recours compensatoir dans l'histoire).
L'accouchement sous X est bien antérieur à l'avortement; on peut lui trouver deux deux fonctions : éviter le déshonneur aux "filles-mères" (à la base) et compenser le fait qu'une femme qui ne voulait/pouvait pas élever d'enfant pouvait se soustraire à cette responsabilité, quand il suffisait à monsieur de partir en courant.
En 75, l'avortement a été autorisé mais il reste encore deux obstacles qui peuvent justifier la survivance de l'accouchement sous X:
- le fait qu'en 75 et encore aujourd'hui, l'avortement n'était absolument pas bien vu et entré dans les moeurs, donc une femme n'avait/n'a pas toujours la possibilité (matérielle, financière, physique ou moral) d'avorter. On ne pouvait pas le supprimer du jour au lendemain puisque notamment les anti-IVG le présentent comme une "alternative" à l'avortement. Il faut du temps pour qu'on change totalement de vision sur l'IVG et l'accouchement sous X, les lois étant assez récentes je ne pense pas qu'on en soit encore au stade où on peut estimer que c'est une bonne chose de le supprimer juste parce que l'avortement existe.
- le fait que l'avortement n'est autorisé que pendant les trois premiers mois de grossesse, il en reste quand même six mois où la femme ne peut plus disposer de son corps car on donne la préséance au foetus. Donc il y aura toujours des femmes qui n'auront de facto pas la possibilité d'avorter, il suffit de découvrir sa grossesse trop tard.
De plus, l'accouchement sous X est en net recul au niveau "philosophique" pour reprendre ce qui t'interroge. La France est l'un des rares pays qui l'autorise; il a pas mal évolué ces dernières années sous la pression de la CEDH et des associations d'enfants nés sous X qui sont à la recherche de leurs origines, donc la mère peut maintenant accepter la levée du secret, laisser des éléments sur son identité, etc... Et il est probable qu'un jour il finisse par disparaître au nom du droit d'accès aux origines, justement.
Sinon, si on regarde les stats de l'accouchement sous X, on constate qu'ils ont été divisés par 2,2 environ depuis 1975; que 80% sont le résultat de situations où la femme n'a pas pu avorter; et que si elle ne le gardent pas c'est en raison de leur situation précaire ou de l'absence ou de la violence du père.
Du coup, l'accouchement sous X est quand même quelque chose de très résiduel, potentiellement amené à disparaître. Donc ce n'est pas forcément contradictoire d'être pour la responsabilisation des pères (car ne pas assumer son enfant c'est quelque chose d'assez récurrent de la part des hommes dans nos sociétés) et pour l'accouchement sous X (qui lui est réservé à des cas exceptionnels et en net déclin). Si vraiment on veut être égalitaire on peut très bien imaginer une situation où un homme pourrait effectivement échapper à cette responsabilité légalement (il ne m'en vient pas à l'esprit, là). Avec toujours ce problème de l'intérêt de l'enfant à la clé...
D'ailleurs, si vraiment on veut pousser le bouchon, on peut même voir l'intérêt de l'enfant dans l'accouchement sous X : une femme qui l'abandonne c'est vraiment qu'elle n'en veux pas/ne peut pas l'assumer (alors qu'un homme a plus de facilité à paniquer et à ne pas revenir, par exemple). Du coup est-ce qu'il faut vraiment imposer à un enfant une mère qui n'a pas réussi à vouloir de lui au bout de neuf mois de grossesse ? Etre obligée de porter un enfant puis de l'élever, ça implique sans doute un rejet bien plus violent qu'être "juste" obligé de payer une pension (parce que oui, si elle n'en veut pas et le père non plus, celle qui a le plus de probabilité de l'élever aujourd'hui, c'est la mère...).
- Parallèle avec l'adoption : si l'on considère que l'homme qui n'a jamais voulu l'enfant, qui n'a pas de relation avec l'enfant (et n'en veut pas) est quand même "le père" et en a la responsabilité, alors je n'ose imaginer les contradictions et le sac de noeud que cela signifie implicitement pour tout ce qui est des enfants adoptés.
A mes yeux, il n'y a aucun sac de noeuds: on considère que les parents biologiques de l'enfant sont ceux qui doivent en supporter la responsabilité par défaut*. Et si mieux se présente, on transfère cette responsabilité à d'autres personnes, dans l'intérêt de l'enfant. C'est le cas avec l'adoption, notamment, mais aussi avec les adoptions simples, les transferts/retrait d'autorité parentale ou même la possession d'état (chose un peu complexe, je ne me souviens plus de tout le régime mais en gros si une personne se comporte pendant 5 ans au moins comme le parent de l'enfant, ça fait naître pour lui des obligations identiques à celles d'un parent biologique; parfois je crois que ça peut même empêcher la contestation de sa filiation et l'établissement de la filiation à l'égard d'une autre personne).
* Raison: parce que procréer c'est avant tout une responsabilité, et on ne peut pas demander à l'Etat et à la société de supléer automatiquement les parents, ça n'est pas possible vu le nombre de naissances par an, la société ne peut pas assumer et je ne pense pas qu'elle le doive.