En sortant de ma séance avec le psy, en descendant les escaliers, l'odeur, l'Odeur, l'Odeur de mon Infirmier, l'odeur de sa présence, l'odeur de sa douceur, l'odeur de LUI, l'odeur m'a saisie, elle m'a liquéfiée sur place, petrifiée. Je me suis tenue à la rampe comme j'ai pu, je vacillais, et j'ai regardé comme à chaque fois en descendant les escaliers la salle de réunion en coin sur la droite et l'ordinateur à l'écran noir et le fauteuil où je l'y voyais souvent s'asseoir, on ne sait jamais, en cas qu'il soit toujours vivant, on ne sait pas, en cas que j'ai rêvé depuis tout ce temps, en cas qu'il ne se soit rien passé et que je le croise et que je croise son regard et son sourire et que de ses yeux au miens tout se passe et qu'il m'apaise juste en le voyant, juste quelques secondes de bonheur. J'ai regardé aussi la baie vitrée grand ouverte sur le balcon, dans la salle de réunion et le porte-manteaux, rien n'avait changé, tout l'attendait encore, tout était prêt, toujours, pour lui, et je l'ai cherché, près des tables, là aussi, on ne sait jamais, il pouvait y être, debout, il pouvait encore exister dans ce décor, tout lui répondait. L'odeur, l'Odeur de mon Infirmier. Elle m'a pris par surprise, elle est montée de mes narines à mon cerveau et s'est écoulée dans mon corps entier, elle s'est diffusée à mes organes, à mes sens, à mon coeur. J'étais anéantie. Je suis sortie, j'ai traversé sans faire attention aux voitures qui passaient, je ne savais pas si elles étaient proches ou loin de moi, j'avais perdu la notion de la distance, les choses étaient tellement floues, j'étais dans un état second.
Mes yeux étaient douloureux à crever, les larmes attendaient de sortir, déjà dans les escaliers je me battais avec elles pour ne pas les faire voir aux secrétaires en sortant, et je n'ai eu à cette instant précis qu'une envie, putain, une seule envie, mourir, mourir et en finir, pour de bon. Mon Dieu cette odeur, Mon Dieu, c'est comme s'il passait en coup de vent, c'est comme s'il la répandait comme un traînée de souvenir pour s'assurer que je ne l'oublie pas, c'est comme s'il venait de temps en temps me rendre visite là-bas, me dire: "Je suis toujours là, regardez."
Et dire que quand j'étais entrée, en début d'après-midi, au CMP, elle n'y était pas, ç'en était une autre, une autre odeur, que je n'aimais pas, et toutes les autres odeurs je ne les aime pas et je pensais à celle de mon infirmier qui me manquait, je me disais: "Tiens aujourd'hui il n'est pas là". Son odeur. Lui. mon infirmier.