Je viens de me faire refouler par l'université. A cette période de l'année, impossible de s'inscrire. Pourquoi j'en suis arrivé là ? Je hais ma procrastination, ça ne fait que se répéter, ça devient un enfer.
Sortie du bac avec mention très bien (faudrait que j'arrête de me reposer sur ce mince succès d'ailleurs), je me suis inscrite dans l'urgence dans un truc de comptabilité, un truc minable, qui me ressemble pas le moins du monde, créative et rêveuse que je suis. Pourquoi j'ai fait ça ? Aucune idée, j'ai tendance à me justifier par la pression parentale, mais est-ce que c'est pas moi qui suis juste une idiote irréfléchie ?
Je justifie mon mal-être par l'horreur et l'ennui que cette année m'a procuré. Mais c'est un peu facile de tout mettre sur le dos de son passé nan ?
Je me suis reconvertie dans une prépa HEC, le couloir d'à côté, parce qu'à partir de 18 ans je me suis mis en tête que toutes les portes m'étaient fermées... *erreur, Pauline, ERREUR*. C'est par manque cruel d'information que j'ai cru ça. Du coup c'est la faute de qui ? Mes parents j'aurais tendance à dire. Mais j'aurais pu me renseigner aussi non ? Même dans ma campagne profonde, Internet existe ? J'avais vu effectivement des tas de formations qui me parlaient, mais je les regardais de loin, convaincue que de toute façon c'était pas à ma portée.
Je rejette toujours la faute sur mes parents, le déterminisme social et sur ma situation géographique toute pourrie.
Il faut que ça cesse.
Même là j'ai du mal à me concentrer sur le but de ce défouloir personnel : identifier MES fautes, relativiser, redémarrer en adulte indépendante.
Adulte indépendante. J'ai l'impression d'être très loin de ces deux mots. "un jour je serai adulte et indépendante", impossible d'écrire ça sérieusement à propos de moi. J'y crois même pas.
C'est peut être ça qu'il me manque. La confiance en moi.
J'étais une grande timide, une observatrice du monde social. Je ne rêvais que d'avoir la même vie que mes copines populaires. Et puis j'ai grandi, j'ai eu des amis, je suis partie habiter en ville, je suis sortie tard le soir, au plus tard c'était au plus délicieuse était la victoire personnelle. N'importe quoi ...
J'ai flirté, je me suis rendue compte qu'il était facile d'attirer les garçons vers moi. Mon ego s'est renforcé, je suis devenue exécrable avec moi-même, puis avec les autres. Je ne vaut plus rien pour personne, à part les gens que je rencontre vite fait, pour qui je demeure intéressante et rigolote. Mais c'est pas la vérité, c'est qu'une enveloppe, un truc superficiel. Bref je me sens vide.
Tout est impossible. Jusqu'à sortir de chez moi.
Il faut que ça change, il faut que je fasse quelque chose, il faut que je me barre, que je m'éloigne des gens qui me font du mal : ma propre famille me fait du mal. J'en suis profondément convaincue et c'est encore plus douloureux. Mais tout le monde a des problèmes nan ?
La tentation de fuguer au bout du monde est énorme mais j'ai l'impression que c'est impossible, pas raisonnable, je ferais rien de plus là-bas. Et c'est vrai, je le sens, je le vois dans le regard de mes parents aussi. Mais on s'en fout de leur avis non ?
J'ai toujours cette mère fouettarde dans un coin de ma tête qui va me raisonner dès que je veux faire un truc. Même faire la cuisine : elle viendra toujours me dire : arrête ça, ça ne sert à rien tu y arriveras pas ça va partir en couille.
Elle me connait bien cette petite voix, et beaucoup trop bien... Il m'est devenu impossible de la surprendre, elle est beaucoup trop prévoyante et je suis beaucoup trop prévisible. On est bloquées. Je suis bloquée.
Faut que j'arrête de généraliser et que je traite mes problèmes un par un. Sauf que ces connards sont tous liés. Ou pas, si je le veux ?
Tendez-moi un bâton auquel m'accrocher, rien que ça ça m'aiderai ...