J'avoue que je n'ai pas lu tous les commentaires mais étant moi-même professeure de français (pour ma 3ème rentrée), je me permets de réagir également vu que c'est un sujet qui me touche au quotidien.
Oui, il y a de moins en moins de candidats, et quand j'entends des gens me traiter de fainéante parce que je suis prof, je leur dis de passer le concours puisqu'on est si fainéants avec autant de vacances... Bizarrement, ça refroidit toujours les ardeurs !
C'est vraiment un métier passionnant, que j'adore, que j'ai toujours voulu faire (et que pour l'instant je n'envisage d'abandonner pour rien au monde), mais c'est parce que pour beaucoup de professeurs c'est un métier de vocation ou de passion que l'institution met toujours plus de charges sur le dos des mules que nous sommes, l'institution sait très bien que l'on va accepter "pour les élèves", pour aider le plus grand nombre de notre mieux et advienne que pourra. Et la comparaison avec les métiers artistiques me semble tout à fait pertinente : parce qu'on a voulu ce boulot, on doit tout accepter ou presque, et pour des clopinettes (tant pécuniaires que morales) à la fin...
Pour moi, le signal d'alarme le plus effrayant est surtout le nombre de burn-out/dépression des professeurs en poste (parfois depuis de nombreuses années mais qui n'en peuvent plus), de même que le nombre de stagiaires qui abandonnent et ne valident pas leur stage.
Là où je suis d'accord avec la proposition du ministre, c'est que la formation est moisie, que ce soit en initial ou en continu.
J'ai eu un parcours "royal" avec un master recherche puis préparation de l'agrégation. Heureusement pour moi (trololol), j'ai toujours dû bosser pour payer mes études donc je me suis orientée vers des boulots dans l'éducation (j'ai bénéficié de l'EAP - emploi avenir professeur, puis j'ai été surveillante dans un collège), mais cela m'a permis de côtoyer des élèves "d'aujourd'hui" et de ne pas fantasmer ou transposer l'élève que j'étais (donc douée, curieuse et polie) sur les élèves qu'ils sont. Parce que le master recherche et l'agrégation c'est la voie royale du concours mais qui ne nous prépare absolument pas à nous confronter à de vrais élèves vu que ce sont des connaissances purement académiques qui sont évaluées. Donc zéro formation initiale, et certains de mes camarades de promo se sont retrouvés devant des collégiens, espèce qu'ils avaient vu la dernière fois... quand eux-mêmes étaient collégiens !
L'année de stage a été une (très très très) grosse désillusion quant à la formation. J'étais dans l'académie de Créteil (par choix) et la vidéo qui tourne depuis 2-3 jours de la chorale le jour de la pré-rentrée ne m'a pas du tout étonnée. C'est une académie qui se veut "novatrice" dans le domaine de la pédagogie et qui se retrouve souvent à être d'une démagogie assez incroyable. Il faut savoir déjà que tous les stagiaires sont convoqués à des journées de formation de pré-rentrée pour lesquels ils ne sont ni payés (mais ça, on commence à avoir l'habitude), ni même assurés en cas de souci. Je ne savais même pas à ce moment-là (donc le 26 août) les classes auxquelles j'allais enseigner pour la première fois quelques jours plus tard (paye ton stress). La formation a consisté à faire un jeu de rôle pour savoir ce qu'il faut faire la première heure de cours et à travailler des textes adaptés pour des sixièmes afin de nous "mettre dans la peau des élèves". Aucune indication sur la façon de construire une séquence, une séance, de gérer des problèmes ou quoi que ce soit de plus concret. Et ça a été comme ça toute l'année, avec des cours d'abord un peu théoriques sur telle ou telle notion puis une mise en ateliers où on devait parler des problèmes qu'on rencontrait en classe. Les exemples de "vraies classes" qu'on avait (vu que nos formatrices étaient encore professeures en collège) n'étaient que des copies ayant 13 et plus donc on a tous commencé à croire qu'on était des sombres merdes parce qu'on avait des mauvais élèves. Et si on avait un problème concret et qu'on demandait une astuce pratique, la réponse était toujours "il faut trouver ta propre solution, celle qui soit adaptée à ton enseignement" (très utile en effet quand on demande un conseil). Quand j'en ai parlé à la fin de l'année avec la formatrice, elle m'a fait comprendre que c'était une directive officielle du rectorat de nous laisser nous débrouiller et qu'elle n'avait pas vraiment le choix.
Maintenant que je suis dans le métier, la formation n'est pas mieux. Il existe en effet des formations en cours d'année (mais qui nous font sauter des heures devant élèves donc qui nous font encore plus considérer comme des fainéants) mais elles sont trop peu nombreuses et il n'y a pas assez de places pour tout le monde. Donc, à part se former soi-même, sur son "temps libre", il n'y a pas beaucoup de possibilités.
Je suis également d'accord avec je ne sais plus quel commentaire que notre travail personnel n'est pas assez valorisé. Je ne parle pas forcément des heures invisibles de réunions insipides, de corrections de copies ou de préparation de cours, mais également donc de cette formation personnelle qu'entraîne ce métier, et de l'évolution de carrière qu'elle permet. Si l'on veut faire une thèse, on peut soit obtenir un détachement (pour convenances personnelles en effet, comme si une thèse était le Club Med), soit ... ben rien du tout et on doit se débrouiller pour jongler entre les cours devant les élèves et la thèse. Il est même possible que le rectorat annule un contrat doctoral pour qu'on reste devant les élèves pour éviter les trous. Ce qui laisse une impression d'enfermement assez oppressante, on ne peut pas vraiment sortir du système sinon en démissionnant.
L'institution ne fait absolument rien pour nous aider à nous épanouir en tant qu'individus et en tant qu'employés (quand on voit qu'il y a un médecin du travail, maximum deux par académie, c'est une blague quoi), que ce soit par les systèmes de mutation ; et pourtant je voulais être en région parisienne, mais jusqu'alors j'ai eu le droit à des établissements à l'autre bout de l'académie, pas du tout dans ce que j'avais demandé (et je ne demandais pas que des coins hyper-huppés/demandés), c'est-à-dire à 1h45 de chez moi (mon copain étant envoyé de l'autre côté, nous deux que pour un an donc complètement inutile de déménager) puis à 1h20 de chez moi, cette année, pour la première fois, je vais passer sous la barre de l'heure de transport matinale ! Et en effet, les rares fois où nous rencontrons l'institution, c'est plus souvent pour nous blâmer que pour nous féliciter et nous encourager, c'est bien connu, c'est de la faute du prof !
Enfin, la vision de la société est ce qui me pose le plus de souci, notamment pour le français que j'enseigne. On revient toujours à cette idée d' "utilité" : "à quoi ça sert ? ça sert à rien, madame...", même si parfois à la fin du cours ils en viennent à dire "oh, mais en fait, le texte il est vieux mais il nous aide à comprendre tel truc de notre vie !" et que c'est probablement l'une des plus belles récompenses de ce métier. Quand je vois qu'à l'époque de mes parents, le professeur, c'était un notable vraiment, c'était un peu le king du coin, c'était respectable et respecté comme métier, et qu'aujourd'hui c'est un pique-assiette toujours à se plaindre, ça me révolte. D'autant plus que si on regarde dans le détail les revendications des syndicats, c'est quand même principalement les conditions de travail pour les élèves qui sont pointées du doigt, que ce soit le matériel obsolète ou insuffisant, les classes surchargées qui ne permettent pas l'individualisation tant demandée, les équipes éducatives (donc également CPE, surveillant-e-s, infirmier-e-s, assistant-e-s sociaux-ales) qui se réduisent de plus en plus à peau de chagrin, le manque de moyens humains et matériels pour s'occuper des problèmes des élèves (notamment le harcèlement), l'inadéquation entre les programmes et les réalités des élèves, etc. Et, pour le coup, Madz n'est pas la dernière pour critiquer les professeurs. Parce que bien sûr qu'il y a des cons (comme partout j'ai envie de dire), mais il y a aussi beaucoup de professeurs investis, motivés, qui font de leur mieux au quotidien avec ce qu'ils ont pour faire grandir et évoluer les élèves par leurs connaissances et par leurs qualités humaines.
En conclusion de ce message beaucoup trop long, ce n'est pas en mettant un pansement sur une fissure que la fuite va s'arrêter donc plutôt que de donner 50 ou 100 euros par mois aux professeurs de REP (et pourtant j'en suis et je ne cracherais pas sur un salaire un peu plus élevé), que l'Education Nationale donne vraiment les moyens matériels et humains aux professeurs et aux personnels de l'EN pour qu'ils accomplissent leur travail dans de bonnes conditions pour préparer les élèves à devenir des citoyens éclairés demain.
PS : La preuve du marasme actuel, on est censés appliquer la réforme du lycée dont on n'a actuellement toujours pas les programmes... Comment voulez-vous qu'on oriente les élèves correctement avec ça ?
Oui, il y a de moins en moins de candidats, et quand j'entends des gens me traiter de fainéante parce que je suis prof, je leur dis de passer le concours puisqu'on est si fainéants avec autant de vacances... Bizarrement, ça refroidit toujours les ardeurs !
C'est vraiment un métier passionnant, que j'adore, que j'ai toujours voulu faire (et que pour l'instant je n'envisage d'abandonner pour rien au monde), mais c'est parce que pour beaucoup de professeurs c'est un métier de vocation ou de passion que l'institution met toujours plus de charges sur le dos des mules que nous sommes, l'institution sait très bien que l'on va accepter "pour les élèves", pour aider le plus grand nombre de notre mieux et advienne que pourra. Et la comparaison avec les métiers artistiques me semble tout à fait pertinente : parce qu'on a voulu ce boulot, on doit tout accepter ou presque, et pour des clopinettes (tant pécuniaires que morales) à la fin...
Pour moi, le signal d'alarme le plus effrayant est surtout le nombre de burn-out/dépression des professeurs en poste (parfois depuis de nombreuses années mais qui n'en peuvent plus), de même que le nombre de stagiaires qui abandonnent et ne valident pas leur stage.
Là où je suis d'accord avec la proposition du ministre, c'est que la formation est moisie, que ce soit en initial ou en continu.
J'ai eu un parcours "royal" avec un master recherche puis préparation de l'agrégation. Heureusement pour moi (trololol), j'ai toujours dû bosser pour payer mes études donc je me suis orientée vers des boulots dans l'éducation (j'ai bénéficié de l'EAP - emploi avenir professeur, puis j'ai été surveillante dans un collège), mais cela m'a permis de côtoyer des élèves "d'aujourd'hui" et de ne pas fantasmer ou transposer l'élève que j'étais (donc douée, curieuse et polie) sur les élèves qu'ils sont. Parce que le master recherche et l'agrégation c'est la voie royale du concours mais qui ne nous prépare absolument pas à nous confronter à de vrais élèves vu que ce sont des connaissances purement académiques qui sont évaluées. Donc zéro formation initiale, et certains de mes camarades de promo se sont retrouvés devant des collégiens, espèce qu'ils avaient vu la dernière fois... quand eux-mêmes étaient collégiens !
L'année de stage a été une (très très très) grosse désillusion quant à la formation. J'étais dans l'académie de Créteil (par choix) et la vidéo qui tourne depuis 2-3 jours de la chorale le jour de la pré-rentrée ne m'a pas du tout étonnée. C'est une académie qui se veut "novatrice" dans le domaine de la pédagogie et qui se retrouve souvent à être d'une démagogie assez incroyable. Il faut savoir déjà que tous les stagiaires sont convoqués à des journées de formation de pré-rentrée pour lesquels ils ne sont ni payés (mais ça, on commence à avoir l'habitude), ni même assurés en cas de souci. Je ne savais même pas à ce moment-là (donc le 26 août) les classes auxquelles j'allais enseigner pour la première fois quelques jours plus tard (paye ton stress). La formation a consisté à faire un jeu de rôle pour savoir ce qu'il faut faire la première heure de cours et à travailler des textes adaptés pour des sixièmes afin de nous "mettre dans la peau des élèves". Aucune indication sur la façon de construire une séquence, une séance, de gérer des problèmes ou quoi que ce soit de plus concret. Et ça a été comme ça toute l'année, avec des cours d'abord un peu théoriques sur telle ou telle notion puis une mise en ateliers où on devait parler des problèmes qu'on rencontrait en classe. Les exemples de "vraies classes" qu'on avait (vu que nos formatrices étaient encore professeures en collège) n'étaient que des copies ayant 13 et plus donc on a tous commencé à croire qu'on était des sombres merdes parce qu'on avait des mauvais élèves. Et si on avait un problème concret et qu'on demandait une astuce pratique, la réponse était toujours "il faut trouver ta propre solution, celle qui soit adaptée à ton enseignement" (très utile en effet quand on demande un conseil). Quand j'en ai parlé à la fin de l'année avec la formatrice, elle m'a fait comprendre que c'était une directive officielle du rectorat de nous laisser nous débrouiller et qu'elle n'avait pas vraiment le choix.
Maintenant que je suis dans le métier, la formation n'est pas mieux. Il existe en effet des formations en cours d'année (mais qui nous font sauter des heures devant élèves donc qui nous font encore plus considérer comme des fainéants) mais elles sont trop peu nombreuses et il n'y a pas assez de places pour tout le monde. Donc, à part se former soi-même, sur son "temps libre", il n'y a pas beaucoup de possibilités.
Je suis également d'accord avec je ne sais plus quel commentaire que notre travail personnel n'est pas assez valorisé. Je ne parle pas forcément des heures invisibles de réunions insipides, de corrections de copies ou de préparation de cours, mais également donc de cette formation personnelle qu'entraîne ce métier, et de l'évolution de carrière qu'elle permet. Si l'on veut faire une thèse, on peut soit obtenir un détachement (pour convenances personnelles en effet, comme si une thèse était le Club Med), soit ... ben rien du tout et on doit se débrouiller pour jongler entre les cours devant les élèves et la thèse. Il est même possible que le rectorat annule un contrat doctoral pour qu'on reste devant les élèves pour éviter les trous. Ce qui laisse une impression d'enfermement assez oppressante, on ne peut pas vraiment sortir du système sinon en démissionnant.
L'institution ne fait absolument rien pour nous aider à nous épanouir en tant qu'individus et en tant qu'employés (quand on voit qu'il y a un médecin du travail, maximum deux par académie, c'est une blague quoi), que ce soit par les systèmes de mutation ; et pourtant je voulais être en région parisienne, mais jusqu'alors j'ai eu le droit à des établissements à l'autre bout de l'académie, pas du tout dans ce que j'avais demandé (et je ne demandais pas que des coins hyper-huppés/demandés), c'est-à-dire à 1h45 de chez moi (mon copain étant envoyé de l'autre côté, nous deux que pour un an donc complètement inutile de déménager) puis à 1h20 de chez moi, cette année, pour la première fois, je vais passer sous la barre de l'heure de transport matinale ! Et en effet, les rares fois où nous rencontrons l'institution, c'est plus souvent pour nous blâmer que pour nous féliciter et nous encourager, c'est bien connu, c'est de la faute du prof !
Enfin, la vision de la société est ce qui me pose le plus de souci, notamment pour le français que j'enseigne. On revient toujours à cette idée d' "utilité" : "à quoi ça sert ? ça sert à rien, madame...", même si parfois à la fin du cours ils en viennent à dire "oh, mais en fait, le texte il est vieux mais il nous aide à comprendre tel truc de notre vie !" et que c'est probablement l'une des plus belles récompenses de ce métier. Quand je vois qu'à l'époque de mes parents, le professeur, c'était un notable vraiment, c'était un peu le king du coin, c'était respectable et respecté comme métier, et qu'aujourd'hui c'est un pique-assiette toujours à se plaindre, ça me révolte. D'autant plus que si on regarde dans le détail les revendications des syndicats, c'est quand même principalement les conditions de travail pour les élèves qui sont pointées du doigt, que ce soit le matériel obsolète ou insuffisant, les classes surchargées qui ne permettent pas l'individualisation tant demandée, les équipes éducatives (donc également CPE, surveillant-e-s, infirmier-e-s, assistant-e-s sociaux-ales) qui se réduisent de plus en plus à peau de chagrin, le manque de moyens humains et matériels pour s'occuper des problèmes des élèves (notamment le harcèlement), l'inadéquation entre les programmes et les réalités des élèves, etc. Et, pour le coup, Madz n'est pas la dernière pour critiquer les professeurs. Parce que bien sûr qu'il y a des cons (comme partout j'ai envie de dire), mais il y a aussi beaucoup de professeurs investis, motivés, qui font de leur mieux au quotidien avec ce qu'ils ont pour faire grandir et évoluer les élèves par leurs connaissances et par leurs qualités humaines.
En conclusion de ce message beaucoup trop long, ce n'est pas en mettant un pansement sur une fissure que la fuite va s'arrêter donc plutôt que de donner 50 ou 100 euros par mois aux professeurs de REP (et pourtant j'en suis et je ne cracherais pas sur un salaire un peu plus élevé), que l'Education Nationale donne vraiment les moyens matériels et humains aux professeurs et aux personnels de l'EN pour qu'ils accomplissent leur travail dans de bonnes conditions pour préparer les élèves à devenir des citoyens éclairés demain.
PS : La preuve du marasme actuel, on est censés appliquer la réforme du lycée dont on n'a actuellement toujours pas les programmes... Comment voulez-vous qu'on oriente les élèves correctement avec ça ?