C'est les yeux pas en face des trous que je viens vous parler de
L'homme qui savait la langue des serpents de Andrus Kivirähk que je n'ai pas pu lâcher cette nuit avant d'avoir tourné la toute dernière page et qui entre directement dans ma liste des livres-préférés-de-tous-les-temps-immémoriaux (ouaip)
Avant tout, je me permets de poker
@ca_rou_selle car c'est grâce à elle que j'ai découvert ce petit chef d'oeuvre et aussi
@Khyra qui avait l'air d'attendre avec impatience mon éloge.
Le premier contact avec un livre, c'est sa couverture. Celle-ci je la trouve magnifique: sobre et en même temps travaillée, je ne saurais dire autrement (et puis la couleur du fond qui fait un peu livre ancien, j'adore)
Et puis l'histoire! Une imagination débordante, inspirée de contes nordiques.
Petit résumé tiré d'amazon: "Voici l'histoire du dernier des hommes qui parlaient la langue des serpents, de sa soeur qui tomba amoureuse d'un ours, de sa mère qui rôtissait compulsivement des élans, de son grand-père qui guerroyait sans jambes, de son oncle qu'il aimait tant, d'une jeune fille qui croyait en l'amour, d'un sage qui ne l'était pas tant que ça, d'une paysanne qui rêvait d'un loup-garou, d'un vieil homme qui pourchassait les vents, d'une salamandre qui volait dans les airs, d'australopithèques qui élevaient des poux géants, d'un poisson titanesque las de ce monde et de chevaliers teutons un peu horrifiés par tout ce qui précède."
J'ai d'ailleurs commencé à lire en le considérant ainsi: un conte.
Et puis très vite m'est apparu que sous cette histoire totalement farfelue, dont les rebondissements semblent sans queue ni tête alors que tout s'enchaine de façon très logique pour donner une impression de réalisme, un second niveau de lecture apparait. Une interrogation, à l'aide d'allégorie, sur l'évolution du monde car cet homme qui savait la langue des serpents est le dernier représentant de sa "génération", celle qui vivait en communion avec les animaux et vénérait les génies de la forêt, ses contemporains ayant préféré les villages, le travail de la terre, Dieu et les modernités apportées par les chevaliers étrangers en armure. J'ai aimé que cela reste une interrogation, l'auteur ne tranchant jamais, montrant les dérives d'une vision du monde comme de l'autre, mettant plutôt l'accent sur l'aspect cyclique de l'Histoire (différente et finalement toujours la même). Au lecteur de se faire son opinion (je vous avoue que certains propos me faisaient vraiment réagir "maiiiiis n'importe quoi! ouvre les yeux mec!!.
Mention spéciale au mot du traducteur à la fin (
à la fin! Car ce livre est plein de bon sens : il n'y rien qui m'insupporte plus que les avant-propos qui spoilent la moitié de l'ouvrage et parlent de personnages dont je n'ai pas encore fait la connaissance). Car figurez-vous qu'un troisième niveau de lecture se cache dans cette oeuvre: l'auteur étant estonien, le traducteur nous explique le parallèle entre l'histoire et l'Histoire (la langue des serpents représentant la langue estonienne, etc.), développe les jeux de mots utilisés par l'auteur. Une superbe façon de clôturer sa lecture.
J'ai ameuté tout mon entourage pour qu'il le lise et sincèrement, vous devriez faire pareil.