Ca fait des lustres que je ne suis pas venue ici
La faute à tout plein de travail, mais ma frustration a été quelque peu comblée ces dernières semaines: j'étais en mode lecture/insomnie
Qu'ai-je lu?
Plusieurs amis m'ont parlé d'un très bon film tiré d'un roman de Sarah Waters,
l'indésirable. En toute logique au lieu d'aller au ciné je me suis procuré le livre. Je n'avais aucune idée de où je mettais les pieds, je n'avais même pas vu la bande annonce du film. Ca a démarré dans une ambiance "Daphné du Maurier" (j'adore): le quotidien, sans plus, avec les choses qui évoluent à leur rythme, on en vient à se demander si unetelle réussit à mieux dormir, si la jambe d'untel guérit... Et puis très subtilement ça bascule en roman gothique, ce genre de roman dont on ne peut dire avec certitude si les drames qui le parsèment sont rationnellement explicables ou à imputer à une force de l'au-delà. A chacun d'interpréter comme il l'entend. En tout cas si vous aimez frissonner sans tomber dans de l'horreur glauque, ce livre est pour vous.
Le marchand de passés de José Eduardo Agualusa (Angolais. Dans le cadre de "je m'ouvre un peu aux écrits d'autres pays"). C'est frais, original et sérieux. L'histoire d'un bouquiniste albinos qui crée des passés prestigieux à des hommes influents, le tout raconté du point de vue de son gecko de compagnie, réincarnation d'un homme, peut faire croire à une lecture comique et loufoque mais il n'en est rien. Le fond reste posé et sérieux, avec des questionnements sur la vie et la mort, qui on est, le mensonge, dans un cadre angolais dont on apprend des détails (à moi inconnus) sur les paysages, la vie là-bas, son histoire. Une très belle découverte en ce qui me concerne.
Histoire de ma vie, Charlie Chaplin. Moi qui adore les biographies/autobiographies, j'ai été servie! Un peu comme tout le monde (je crois), je connais ses films les plus célèbres, je trouve les objets à l'effigie de Charlot chouettes et reconnaissables entre mille, mais je ne suis pas fan inconditionnelle, voire je trouvais l'homme malsain suite à ses histoires matrimoniales "hors normes" dirons-nous. Et puis j'ai lu ce livre. D'emblée, j'ai ressenti une espèce d'honnêteté dans l'écriture, il noie pas le poisson, à plusieurs reprises il en vient à expliquer "je ne m'attarderai pas sur cette relation pour ne pas blesser mes 2 fils" ou qu'il aurait pu faire/être mieux (ce que je trouve louable en soi. D'autant qu'il s'agit d'une biographie, pas d'une confession), il rappelle qu'il a vu le monde et les moeurs changer, qu'on ne peut juger la façon dont les mariages se décidaient (et comment ils finissaient) avec notre oeil actuel (là encore, il n'a pas tort). Et puis il y a le contenu: je me suis surprise à être contente pour lui d'avoir tant réussi, ce gamin des rues abandonné par son père qui finit riche à millions, j'ai adoré qu'il explique ce bouleversement dans sa vie, se sentant encore illustre inconnu quand des foules l'attendaient pour l'acclamer dans les gares, qu'il montre la vie mondaine de l'époque, qu'il se penche (pas très longuement) sur sa façon de concevoir un film, le travail d'acteur, etc. Une bonne lecture.
Enfants de nazis, Tania Cranianski. Il s'agit ici d'un documentaire qui se penche sur la vie des enfants des plus grands nazis et comment ils vivent/ont vécu cet héritage du nom. Il est certain que c'est un pan de la 2eme guerre mondiale qu'on traite rarement et cela m'a intéressée. Je suis un peu restée sur ma faim, chaque partie constitue une courte biographie (un brin romancée) de la personne, avec rappel des faits imputés à son père et détails de sa vie d'adulte. L'aspect psychologique est vite survolé et n'apporte rien à ce qu'une courte réflexion personnelle nous aurait fait conclure: doit-on se sentir coupable des faits de ses parents? certains ressentent le poids de la culpabilité (changent de nom, rejettent ou confrontent leur père, se font juifs) tandis que pour d'autres leur père reste le charmant papa aimant qu'ils aiment de tout leur coeur, peu importe ce qu'il a (est censé avoir) fait (même idéologie embrassée, amour inconditionnel, vie dans le culte du père, tentative de réhabilitation du père). Ca fait un peu catalogue, qui pose certes une question intéressante, mais n'apporte pas de lumière nouvelle.
La vie rêvée de Rachel Waring, de Stephen Benatar. Après un ouvrage sur le nazisme, je voulais retrouver un peu de légèreté et pas trop de prise de tête. Dans ces cas-là je me tourne vers la maison d'édition du Tripode, en général je trouve toujours un titre qui m'interpelle. Comme beaucoup de leurs romans, celui-ci est franchement atypique. Rachel est une vieille fille de 50 ans, ennuyeuse et qui s'ennuie dans sa vie, jusqu'au jour où elle hérite d'une maison. Rachel est pathétique et sympathique. Rachel est folle de joie et folle à lier. L'auteur a su gérer sa prose, qui traite de la solitude humaine. Pour la légèreté et le "pas prise de tête" on repassera, me direz-vous, mais en réalité le tout n'est jamais lourd, voire est empreint d'humour (et chansons!). Tout du long le lecteur est plongé dans la tête de Rachel, sait tout d'elle, de ses projets à ses pensées inavouables, et la voit creuser la distance entre elle et le monde.