Je vous avais lâché.e.s quand je luttais avec
Black Bazar d'Alain Mabanckou. Au final je l'ai abandonné, trop sexiste à mon goût, même si en un sens ça reflétait aussi la culture de son pays. Du coup cette déception + reprise intense du travail m'ont plongée dans un creux de lecture d'où je suis ressortie il n'y a pas longtemps.
Bilan:
Nous avons toujours vécu au château de Shirley Jackson (je me connais, les ambiances un peu flippantes, ça me remet toujours le pied à l'étrier). Déjà, il y a le cadre: un manoir-prison dont on ne sait s’il protège ses habitants de la haine des villageois ou les emprisonne dans un tête-à-tête à devenir fou. Ensuite, il y a les personnages: Constance, qui n’aime rien moins que cuisiner, sortie innocentée sans conviction du meurtre par empoisonnement de la quasi totalité de sa famille, Mary Katherine qui, en plus d’y accueillir le lecteur, n’est visiblement pas seule dans sa tête et l’oncle Julian, petit vieux qui a perdu la boule et la santé après avoir réchappé de peu à l’empoisonnement. Vient s’ajouter plus tard Charles, pervers manipulateur et cupide. Un huis clos glaçant. J’adore les auteurs qui arrivent à me tenir en haleine alors que concrètement il ne se passe pas grand chose à part un quotidien malaisant. Shirley Jackson est la reine à ce jeu-là. Dès la première page, on ressent une tension, une aura étrange et oppressante qui plane et le crescendo dramatique ne fait que s’amplifier.
La fortune des Rougon d'Emile Zola. Fini le papillonnage, j’ai décidé de m’atteler dans l’ordre à cette saga. Voilà donc les aïeux, ceux par qui tout commence, en dignes rats de labo des ravages de l’hérédité naturelle et du milieu social. Laisse-moi te présenter Pierre Rougon et Antoine Maquart, demi-frères, fils et petits-fils de gens qui ne tournent pas rond, à ce détail près qu’Antoine cumule aussi la bâtardise et le père alcoolique, histoire de bien démarrer dans la vie. Et bien sûr toute leur marmaille respective, sournoise, avide, fainéante, vicieuse, avec quelques bons gars par-ci par-là qui font figure de moutons noirs. Un beau tableau de famille. Mais comme un livret de famille ne remplit pas un roman de 500 pages, Zola place ses persos au moment de la révolution de 1848, date à laquelle deux générations de Rougon-Maquart sont à l’affût de la fortune par tous les moyens. Selon les caractères, ça s’insurge ou ça profite éhontément de la situation, ça présente de grandes vertus ou ça n’est que vices de petits hommes. Les gens, la période, la vie: tout est moche chez Zola. Alors, pour adoucir avant le coup de grâce, il nous offre quand-même l’idylle bien mignonne de deux jolies âmes. J’ai beau avoir aimé le traitement des personnages et la manière qu’a l’auteur de mettre directement les pieds dans le plat en termes d’injustice sociale, ce tome ne figurera pas parmi mes préférés, mais reste nécessaire pour ancrer le reste de la série.
Dans le tram de Benito Pérez Galdos. Cette fois, ce n’est ni avec le chandelier, ni dans la bibliothèque (dis-moi que toi aussi tu aimes jouer au Cluedo) que le majordome a fait le coup. C’est plutôt avec une lettre de chantage…et dans un roman-feuilleton publié par un journal, que le narrateur de ce tout petit livre (60 pages) lit par hasard en attendant que le temps passe sur sa banquette de tram madrilène. Là où ça devient cocasse, c’est quand le majordome et tous les personnages du feuilleton se matérialisent face à lui en usagers dudit tram. Réalité ou imagination d’un homme qui a un peu trop tendance à laisser son esprit divaguer? L’auteur floute volontairement la frontière sur le fond, mais aussi dans sa forme (roman policier, philosophique, fantastique, comique? un smoothie de tout, en fait) et on obtient ce charmant petit ouvrage à lire…dans le métro (on fait avec les transports qu’on a). Une lecture qui ne laissera pas un souvenir impérissable, mais qui est sauvée par sa brièveté. Au final, c’est le « pourquoi pas? » qui l’emporte.
Sauveur&Fils saison 5 de Marie-Aude Murail. On reprend les mêmes et on recommence…pas comme avant. Un bond de deux ans dans le temps nous place d’emblée dans le rôle du curieux qui veut savoir « que sont-ils devenus? ». Un beau tour de passe-passe qui permet à Marie-Aude Murail de s’appuyer sur le socle immuable du 12 rue des Murlins (Sauveur, sa famille recomposée et ses pièces rapportées) et de quelques patients déjà connus tout en opérant un renouveau de la patientèle. Comme d’habitude, c’est frais et ça aborde pas mal de thèmes d’actualité avec intelligence et bienveillance par le biais de ce psy empathique et ouvert d’esprit qui, avec ses propres failles et limites, laisse sa cape de superhéros au placard pour se montrer juste humain. On pourrait reprocher (ou pas) à l'autrice quelques maladresses dans le traitement de certains sujets mais l'ensemble donne une impression de justesse. Comme si c'était écrit avec le coeur. Et ça fait du bien.
Regarde les lumières mon amour d'Annie Ernaux. Là encore, livre très court, mais qui dit l’essentiel avec finesse. Comme c'est pas l'évidence, sachez que les lumières que l’autrice a l’air de montrer à son amoureux dans le titre ne sont pas de romantiques étoiles scintillantes, mais bien les néons éclairant les rayonnages d'un supermarché. Sujet qui me passionne pas des masses, d'emblée. Sauf que c’est Annie Ernaux, et Annie Ernaux, je sais qu’elle peut tout me raconter, même sur des sujets pas faciles, même sur les supermarchés. Et sans surprise, ça marche: sous forme de journal, l’autrice nous partage ses impressions et ses observations sur une année de fréquentation d’un supermarché d’île de France. Au final c’est le monde et la vie qu’elle nous raconte, concentrés entre les rayons de ces lieux de consommation où se rassemblent tant de personnes disparates. Le Auchan du coin comme nouvelle tour de Babel. Je ne m'attendais pas à trouver Annie Ernaux sur ce terrain, et pourtant on la reconnait à chaque page avec ses questionnements sur le genre, le féminisme, la diversité ethnique, l’exploitation ouvrière, la manipulation commerciale, le rang social au gré de ses déambulations aux rayons poissonnerie ou jouets.
Point final de William Lafleur. Mouais bof. Big brother à son apogée. Pensez donc: un homme fait croire à sa mort et en profite pour espionner les répercussions sur sa famille à l’aide de caméras et de micros. Mélange de cruauté, de manipulation et d’apitoiement sur soi-même (avec une tentative de jouer les anges gardiens histoire de se dédouaner), ce type prend plaisir à jouer les espions pour ensuite balancer ses impressions sur un blog anonyme suivi par un petit groupe d’internautes. J’étais pas super à l’aise dans ma lecture, parce que l’auteur nous prend en flagrant délit: à force de condamner le père de famille-voyeur et les followers qui se complaisent dans une lecture malsaine, on oublie que nous-mêmes nous prenons plaisir à tourner les pages de ce roman. Ou alors j’extrapole. Quel est le but de l’auteur? Le fait qu’il ait eu à s’expliquer en postface prouve à mes yeux que l’histoire n’est pas assez étoffée pour se faire une opinion par soi-même. Dommage, il y avait matière. Le véritable point fort de ce roman reste le traitement d’un sujet (presque?) inédit en littérature, mais pas assez creusé. J’en sors mitigée. A lire pour l’expérience.
Lecture en cours:
Misery de Stephen King. Je ne dois pas être loin de la moitié et oh la la, que j'aime ce livre! Je suis crispée sur les pages, j'en ai même cauchemardé cette nuit. Autant dire que S. King réussit son coup pour l'instant
@miss.acacia Si ce n'est pas déjà fait, dans la mesure où tu as aimé
De grandes espérances de Dickens, je pense que
David Copperfield te plairait aussi.