Légère déviation par rapport au sujet, mais justement sur cette histoire de masturbation dans les livres jeunesses : ça s'est déjà vu, notamment dans les romans de Judy Blume, qui pourtant datent des années 70-80 ! C'est une auteure américaine connue pour aborder les sujets relatifs à la sexualité dans ses romans destinés à un public adolescent (majoritairement des jeunes filles), et de fait elle a essuyé pas mal de critiques là-dessus, allant même jusqu'à la censure dans plusieurs bibliothèques des États-Unis.
Je comprends ton propos, et mais Judy Blume écrivait sur les émois adolescents, leurs déchirements intérieurs, leur vie quotidienne, tout ce qui fait la complexité de la crise d'adolescence, ce qui inclut l'éveil à la sexualité (j'étais une grande lectrice Ecole des loisirs, j'adorais leur ligne édito). C'était destiné à des ados qui voulaient lire des livres qui les "comprennent", des livres où ils puissent reconnaitre leur vie. Harry Potter, non.
Moi, ça m'a beaucoup "traumatisée" quand j'étais ado de lire des descriptions de pratiques sexuelles là où je ne m'y attendais pas. Je me souviens encore des descriptions de perte de virginité où le "sang de l'hymen" était ultra esthétisé dans certains romans de fantasy comme les Dames du lac qui m'ont littéralement traumatisée pendant des années alors qu'au final, yavait qu'une description brève comme "au moment où le sang de l'hymen se mêlait à la semence doré, elle poussa un gémissement de plaisir mêlé de douleur" (je me souviens encore avec dégoût de l'image du sperme mélangé au sang et de l'angoisse que ça a créé chez moi à l'idée de perdre ma virginité).
Idem, les romans de l'Ecole des Loisirs, à l'époque, c'était très centré vie adolescente donc quand on les lisait, on s'attendait à des tranches de vie y compris les premiers émois amoureux. On les lisait même plus ou moins pour ça. Malgré tout, dans un de mes romans préférés de l'Ecole des Loisirs, que j'ai lu 150 fois entre mes 13 et mes 18 ans, j'ai été tout aussi hantée par la perte de virginité de l'héroïne à laquelle je m'identifiais. Maintenant que je suis adulte, je sais que le roman décrit une héroïne en plein mal-être adolescent qui couche avec un mec qui ne l'intéresse pas des masses avec un mélange de curiosité et de dégoût d'elle-même, ce qui était au final ultra-réaliste et explique pourquoi j'adorais tant ce genre de roman : il comprenait le mal-être adolescent. Pourtant, la description de scène, pourtant ultra pudique (pas de description vraiment sexuelle) était très très dérangeante pour moi et m'a beaucoup préoccupée pour ma propre première fois.
Et même les histoires de sexe plus positives, elles me mettaient souvent mal à l'aise, un peu comme si tu ouvraiss la porte de la chambre de ta grande soeur et que tu te tombais sur elle en train de sexer avec son copain. Tu te demandes ce que tu fous là, tu as l'impression que tu te retrouves dans un truc trop intime pour toi, tu te sens un peu sidérée et ça a beau être aussi positif que possible puisqu'elle a l'air de kiffer, ça te créé des clichés sur ce que tu dois attendre d'une première fois.
Bref, à moins qu'on lise spécifiquement un livre sur la vie quotidienne des ados, ou de choisir un bouquin qui te promet de grandes romances, je ne trouve pas si logique de parler de sexe dans un roman jeunesse. Ce n'est pas être prude que de penser que le sexe puisse choquer les enfants et les mineurs. Ce n'est pas parce que le sexe est naturel qu'on peut décrire sans problème des trucs aussi intimes que la masturbation à un public pas mature qui s'attend à lire des trucs sur des sorciers et des potions d'invisibilité.
J'ai même des copines de 30 ans qui lisent volontairement des romans jeunesse pour tout ce qui est bit-lit et fantasy parce que les références sexuelles des romans adultes les gênent énormément, comme si elles regardaient par la fenêtre d'un inconnu en plein ébat. Alors imagine la gênance quand tu as 12 ans et que tu n'es pas spécialement curieux de tout ça, tu as un peu l'impression qu'on t'impose des sujets trop précocément!
Bref, moi je trouve ça normal de pas spécialement parler de ça dans un roman jeunesse sur une école de magie!