Je suis anti-spéciste, végétarienne en transition vers le végétalisme, et pourtant oui, j'aime l'équitation. La seule chose qui me fait me sentir aussi bien que l'héroïne, c'est être dans la nature, sur le dos d'un cheval...
Ceci dit, lorsque j'ai commencé à monter, à l'âge de 5 ans, c'était dans un petit club tenu par des femmes très sensibles au respect des animaux. Elles étaient végétariennes, outre les chevaux et poneys il y avait des poules (des poules jamais assassinées comme le sont malheureusement la majorité des poules), une chèvre, des chiens, des chats... Tous les chevaux et poneys vivaient la plupart du temps au pré même s'il y avait aussi des box. On apprenait à brosser les poneys, à les vermifuger, à graisser les pieds, à refaire les clôtures, à porter à boire et à manger, à nettoyer les box... Et lorsqu'on montait, les enrênements étaient doux. Oui, les mors étaient utilisés. Mais on apprenait aussi à monter avec juste un licol. Lorsqu'un-e enfant frappait un poney, ma monitrice le/la faisait descendre de cheval et il/elle passait le reste du cours à marcher à pied à côté du poney. Elle disait "comme ça tu verras ce que ça fait de marcher une heure dans une carrière et tu réfléchiras la prochaine fois avant de frapper ta monture". Certains parents râlaient à cause de ça (du genre "j'ai payé un cours d'équitation, c'est pas pour que mon/ma gosse passe le cours à marcher à pied") mais pour ma monitrice, apprendre l'équitation c'était aussi apprendre le respect du cheval/poney. Moi cette méthode me convenait (de toute façon je ne frappais jamais les poneys et n'étais donc pas concernée par la punition), c'était important pour moi, déjà à 5 ans, qu'on respecte les animaux non-humains. Et ça convenait aussi à mes parents.
Mais lorsque mes monitrices se sont séparées et que le club a fermé, il a été compliqué d'en trouver un autre...! J'en ai essayé des dizaines, d'abord les plus proches géographiquement, puis de plus en plus loin. J'ai vu des choses horribles, un endroit où on pratiquait l'élevage de poneys en même temps que les cours d'équitation, et on enfermait les poulains pour monter la mère le temps du cours. La pauvre passait l'heure à pleurer en appelant son petit, qui pleurait lui aussi seul dans son box... Éthiquement c'était puant, et même du seul point de vue de l'équitation, la jument n'avait pas la tête au travail, elle était juste là pour faire acte de présence. Une vraie torture. Dans un autre club, on montait à la chaîne, ceux du cours précédent descendaient de poney, on attachait le poney dans un endroit sordide et sombre, avec une chaîne de chaque côté, filet et selle restaient en place, les enfants du cours suivant arrivaient, détachaient le poney et montaient dessus. Pas de pansage, pas une minute passée à s'occuper du cheval, juste une heure sur son dos et salut ! Je n'y suis allée qu'une seule fois.
Bien plus tard, une amie qui était monitrice s'est mise à travailler dans un club, assez éloigné de chez moi, mais où les chevaux et poneys étaient bien traités. Je suis donc allée monter là-bas. Ouf, soulagement ! Les cours n'étaient pas dispensés en heures de cours, mais en après-midi. Il y avait une heure de monte, le reste du temps étant consacré à tout le reste (aller chercher les poneys et chevaux au pré, les panser, les seller, prendre soin du matériel, changer les chevaux de pré, débourrer les jeunes, nourrir tout le monde, nettoyer les écuries... Bref, tout ce qu'un-e cavalier/ère ou "propriétaire" de chevaux doit savoir faire !).
Et puis j'ai une amie d'enfance qui adore les chevaux, et qui a eu son premier poney à l'âge de 14 ans. Un poney qui était dans son club et pour lequel elle avait craqué, non pour des raisons esthétiques ou sportives mais pour des raisons sentimentales : ces deux-là s'aimaient (et s'aiment toujours) beaucoup. J'ai cessé de monter en club pour monter avec elle, voire monter son poney "seule". Son poney (le plus gentil petit cheval du monde, le roi des bisous) est aujourd'hui en pré-retraite. Elle a tout fait pour que sa vie soit heureuse. Par exemple, une année il était en pension au box. Lui qui a grandi en semi-liberté dans les montagnes, le box lui était une torture : il déprimait, ses pieds pourrissaient à cause de l'humidité, il toussait à cause de la poussière contenue dans la litière. Elle s'est dépêchée de lui trouver un pré où le remettre. Le centre équestre où elle travaillait lui a confié une jument qui était en retraite anticipée pour cause de cancer. Elle s'est occupée d'elle comme si c'était la sienne, et l'a remise sur pieds (elle était maigre et fatiguée en arrivant, mais grâce à mon amie elle a vécu plusieurs années une vie paisible et sans trop de souffrances). En plus comme ça son poney avait une amie de pré.
J'ai adoré monter ce poney, faire de grandes ballades dans les bois. Il a adoré faire la course avec mes chiens, se défouler au galop dans les prés, et le reste du temps marcher si lentement qu'il s'endormait presque. Oui, ces ballades me faisaient du bien, énormément de bien, et oui, je l'ai sans doute "utilisé" pour me sentir mieux. Mais je n'ai, honnêtement, pas eu le sentiment de l'avoir exploité. D'ailleurs même lorsque je ne le revois pas pendant des mois, à chacune de mes visites il est heureux de me voir et me fait des tas de bisous et de câlins.
Il y a quelques années, mon amie a fait appel à une femme qui pratique la communication animale et est spécialisée dans les chevaux. Elle ne lui a rien dit de son poney, elle les a simplement laissé-e-s ensemble le temps de discuter. De cette discussion est ressorti qu'il avait été heureux de vivre avec mon amie, qu'il était encore heureux, et que le seul moment où ça avait été très dur pour lui étaient ces mois passés en pension au box, et qu'il la remerciait de l'avoir vite sorti de là pour le remettre au pré avec une copine.
Cette amie a maintenant un poulain, qu'elle débourre elle-même, avec des méthodes éthologiques (respect des émotions du poulain, relaxation, travail sur la confiance, pas de rapports de force...). Il se couche sur demande et s'endort la tête sur ses genoux, totalement en confiance. D'ailleurs la première fois où je l'ai rencontré, il s'est aussi couché la tête sur mes genoux pour s'y endormir, c'était un moment très émouvant (aussi parce que ça m'a rappelé un jour où, étant ado, j'ai soutenu la tête d'une amie vache sur mes genoux le temps que le vétérinaire vienne pour abréger ses souffrances ; elle ne pouvait plus se lever et hurlait de douleur, alors je l'ai tenue dans mes bras et suis restée jusqu'à son dernier souffle... je n'oublierai jamais cette scène, la première fois qu'on mourrait dans mes bras...).
Mon amie m'a dit un jour que tant que son poulain était heureux, elle se fichait bien qu'il accepte ou non de la porter sur son dos. Je sais qu'elle était sincère. Et je sais que, vu la façon dont elle l'éduque, il a vraiment le choix. Ceci dit, calme et serein comme il est, curieux de tout et heureux d'apprendre, je ne serais pas étonnée qu'il soit un jour plutôt fier et heureux de porter son humaine sur le dos. Mais doucement ! Il n'a que trois ans, alors pour l'instant le plus lourd qu'il porte est une selle et rien d'autre.
Bref, j'ai écrit tout un chapitre en racontant ma vie, mais je pense que cela donne une idée de mon point de vue. En gros, oui j'aime monter à cheval et oui il y a sans doute une part d'égoïsme là-dedans, néanmoins il y a plusieurs façons de monter à cheval et le respect est un principe qui me reste en tête depuis la première fois où j'ai posé mes fesses sur le dos d'autrui (tiens je suis aussi montée sur des vaches et taureaux d'ailleurs, sans aucun débourrage ni dressage préalable, simplement parce qu'ils et elles étaient des ami-e-s et m'acceptaient sans problème). Pour faire bref, je pense qu'il y a deux grandes façons de concevoir l'équitation : il y a celles et ceux qui montent à cheval pour le pouvoir, pour le plaisir de plier plus fort que soi à sa volonté (et j'en ai croisé un paquet, des gens comme ça, des "c'est pas le cheval qui décide" et autres donneurs de coups de cravache), et il y a celles et ceux qui aiment le fait d'être porté-e-s par un être qu'ils aiment, qui aiment l'idée d'un partenariat dans le but de créer quelque chose de beau, ne serait-ce qu'une ballade dans les bois ou une course dans un pré...