@Denis Je trouve que tu ne réponds pas directement questions parce qu'on a soulevé plein de points sur le texte, et sur sa pertinence, mais tu n'as rien répondu là dessus, qu'en penses-tu de tout ça? il y a beaucoup de choses à discuter sur ce texte quand même. Comme c'est toi qui l'a posté je pensais que tu aurais envie d'en discuter.
Le white savior c'est un concept, ça ne concerne pas forcément les personnes blanches mais plutôt les personnes de culture occidentale qui pensent que les personnes ou les peuples issus d'autres cultures ont besoin d'être sauvées (par eux) sans comprendre leur culture et leur histoire. Ça c'est la définition, après c'est un concept assez large qui fonctionne souvent avec des schémas d'oppression systémique et justifie l'action du dominant sur le dominé, tout en faisant passer le dominant pour un héros (et le dominé se retrouve assez infantilisé). Il y a vraiment plein d’exemples très variés dans la culture occidentale. Par exemple faire passer les natifs américains pour des peuples non civilisés "proche de la nature" ne sachant pas exploiter les ressources de leur pays ce qui a justifié qu'on envahisse leurs terres. C'est aussi le fait de faire croire que les pays d'Afrique ont besoin de nous pour manger et construire des écoles. C'est aussi faire passer les femmes musulmanes comme incapables de définir elles même leur position dans la société, incapables d'avoir leur propre autonomie, ou d'exprimer leurs propres revendications. Ça justifierait donc qu'on parle à leur place et en les faisant sans cesse passer pour opprimées mais incapables d'agir elles mêmes, ça justifie que les occidentaux interviennent et mettent des règles sur elles comme par exemple, leur interdire de porter le voile ou une jupe.
Dans le texte ça correspond à ces lignes :
"A aucun moment il ne nous est venu à l’esprit de stigmatiser cette même L qui mettait une jupe au-dessus du genou, du rouge à lèvres rose pétard et s’enlaçait avec son petit copain à l’intérieur de nos murs et portait un hidjab dès le portail passé. L était d’abord notre élève avant d’être une musulmane. Si nous avions interprété chaque geste, chaque vêtement de L comme un signe de sa croyance, si nous l’avions vue uniquement comme une musulmane, L n’aurait jamais pu nous demander de l’aide quand elle a cru être enceinte et qu’elle a eu besoin d’une personne majeure pour l’accompagner au centre de planification."
Là on est dans un schéma où on a une jeune fille de confession musulmane qui est en fait pas opprimée par l'islamophobie galopante ni par les occidentaux qui veulent lui imposer comment s'habiller ou pratiquer sa religion mais bien par sa famille. D'ailleurs, dans ce texte, elle n'a même pas ENVIE d'être musulmane, ça ne correspond pas à son choix, au point qu'elle est obligée de mener une double vie où elle peut être bien plus libre.... dans une institution publique. Pour finir le texte enfonce bien le clou en montrant que c'est pas juste symbolique, elle a vraiment eu besoin d'aide mais vu que la CPE ne la "voyait pas comme une musulmane" elle a pu lui sauver la mise. Je pense que c'est ça que les gens voulaient dire.
Si tu veux en savoir plus sur ce concept (car il est très large et recouvre de nombreux phénomènes), il y a beaucoup d'analyses de films qui reposent sur ce concept qui sont analysés sur le net (on en trouve beaucoup dans le cinéma américain, mais la France a aussi son lot). Par exemple il y a le film La Couleur des Sentiments ou tout simplement... Avatar ^^. Le point commun dans ces films, c'est qu'ils parlent de personnes opprimées qui sont dans une situation difficile, mais n'arrivent pas à s'en sortir eux même. Le personnage principal de l'histoire est une personne de culture occidentale, qui se retrouve immergée dans le monde d'une minorité désignée, l'histoire va essentiellement être vue à travers son regard, et c'est elle qui va en fait aider les personnes opprimées de la domination qu'ils subissent.
Dans Avatar c'est pareil, le terrien (représenté par un occidental) arrive dans une civilisation sauvage qui subit une guerre dont ils ne peuvent se sortir seuls, jusqu'à l'intervention de l'occidental.
C'est très problématique car ça présente souvent des personnes occidentales et blanches comme sauveuses de l'humanité, ou même de l'esclavage (plein de gens pensent que c'est grâce à Lincoln que l'esclavage a été aboli pas grâce aux protestations de noirs), ça justifie toutes les oppressions, c'est une façon de réécrire l'histoire.
Le passage cité dans ce texte est vraiment dans cette mouvance, la pauvre petite musulmane victime de sa religion et de sa famille, qui n'est en sécurité que dans l'enceinte de l'école, et n'a accès aux "avancées" de notre culture (avortement, respect des femmes, liberté sexuelle, propriété de son propre corps) qu'à travers une personne "laïcarde" (ce qui est déjà bien plus extrême que laïque), représentante de l'Etat. Même si au départ le texte vante la neutralité du personnel de l'Etat, au final il présente quand même un tableau où la religion musulmane est celle qui enferme la jeune fille qui a besoin d'aide et où c'est la culture occidentale qui est bonne et qui la sauve.
Je m'attends à ce que tu me dises que c'est peut être une histoire vraie. Certes, et c'est surement arrivé dans plein de lycées, mais c'est aussi une façon très stéréotypée de représenter les choses (quand les musulmanes disent "mon voile, mon choix" personne ne veut les entendre) qui justifie l'attitude paternaliste du gouvernement vis à vis des femmes voilées. Il y a plein d'histoires à raconter sur la laïcité, et ils ont choisit de publier celle là, ce n'est pas anodin. L'auteur et le point de vue a son importance. On a eu des tas de débats sur le voile dans les médias, sans jamais avoir une seule femme voilée sur les plateaux ou interrogées dans les médias (débats souvent tenus par des hommes qui invitent d'autres hommes sur leurs plateaux d'ailleurs). On supprime complètement leur point de vue, et on ne leur donne pas l'opportunité de s'exprimer, et on les dépeint toujours en entités muettes attendant d'être libérées. Donc tout est fait pour faire passer en douceur l'idée que la répression sur les femmes musulmanes est quelque chose d'évident et de bon pour elles (ça nous valorise même).
Edit : pardon pour le pavé, tu vois il y a vraiment plein de choses à dire
Je comprends bien le concept que tu décris, mais je vois mal quelle conclusion en tirer dans le cas vécu par cette CPE et L. L a une relation sexuelle avec son copain et redoute d'être enceinte. Elle décide (c'est son choix, personne ne l'y oblige) d'en parler à sa CPE.
Que doit faire la CPE ? Lui dire "ha non désolé, tu es une musulmane racisée donc je ne peux rien faire pour toi, si je t'aide sur ce coup là, je suis une white savior et ça, pas question, débrouille toi".
Autrement dit, la CPE doit elle assigner cette jeune fille à sa seule condition de musulmane racisée ou doit elle la considérer comme un être humain en détresse qui lui demande son aide, sachant qu'elle a le pouvoir et le devoir de l'aider ?
Dans un lycée public laïc français, la question, normalement, ne se pose même pas. Quelle que soit la couleur de peau et la religion de la personne qui te demande son aide, tu fais le job. Je vois mal au nom de quoi on décrèterait que les CPE ne peuvent venir en aide qu'aux rejetons des populations blanches athées ou chrétiennes.
En fait, je comprends bien ce que tu dis mais je ne vois pas du tout du tout quelle solution concrète tu proposes dans un tel cas.