@AngelTen Richard II : alors merci de tes remarques, je vais faire des précisions ^^
1)
- Concernant les blagues sur les hommes, ils y en a qui participent aussi à l'oppression : les blagues sur l'avsence de virilité ou sur l'homosexualité...Donc oui ça participe à l'oppression pour certaines et il me semble utile de le rappeler.
Ça me semblait évident, mais je considère évidemment qu'une blague sur l'absence de "virilité" (de machisme en fait) ou homophobe est une blague oppressive.... les hommes dépourvues d'une "virilité symboliquement dominante" ainsi que les homos (en particulier les hommes cis, puisque dominant sur d’autre axes) sont dominés selon un axe oppressif lié au genre et/ou à l'orientation sexuelle. Evidemment que se moquer d'ielles est oppressif et qu'il faut lutter contre ça ^^:
2 )
@Seinouille je viendrais poser deux ou trois petites nuances.
-Ont peut être dominant (je suis blanc) et pourtant ne pas rire à une blague sur les blancs par un non blanc parce que... Plein de choses. On peut être vexé (ça arrive même aux meilleurs) ne pas saisir de suite parce qu'on a pas encore complètement ouvert les yeux ou juste ne pas trouver drôle (boire trouver drôle mais ne pas rire
a) Je précise qu'on parle bien de blague sur le privilège blanc et non pas de blagues sur les Blancs.
Par exemple, un truc du genre : "les blancs ne savent pas danser" ou un truc comme ça, c'est juste naze. On se moque des blancs sur une base racialiste et en opposition avec un autre cliché raciste, "Les noirs qui savent danser". Ben ça c'est tout pourri comme blague. on est d'accord là-dessus.
Par contre se moquer du privilège blanc, c'est autre chose
Donc quand je parle d'humour anti-dominant, ça ne veut pas dire se moquer n'importe comment des groupes dominants. Si c'est pour reproduire ou calquer les méthodes employées par l'humour oppressif, c'est contre-productif et ce n'est que de la "vengeance", ou un X-inversé.
b) Une petite remarque sur ta phrase « je suis blanc…. Ne pas rire à une blague sur les blancs par un non-blancs »
La binarisation de cet humour n’est pas en fonction du caractère blanc/non blanc des interlocuteurs.
"les blagues sur les Blancs", je rappelle que c'est sur le privilège blanc, (je l'avais précisé plusieurs fois dans mon 1er texte, mais il faut bien différencier les deux) , et que cela soit faite par un non-blanc, ou un blanc, on s’en fiche ! C’est le fait c'est le privilège blanc qui est politiquement et socialement drôle de montrer, que ce soit dénoncé par un blanc ou un non-blanc, ça ne change rien.... en principe [ J'y reviendrais dans un instant, en c) ]
Techniquement, ce n’est pas la binarisation des interlocuteurs qui fait cet humour, ou son inversion qui importe ( blanc/non-blanc) mais montrer la domination dominant/dominé, cad la teneur du message et l'application à se moquer des privilèges , tout en évitant de reproduire les formes racialisantes, sexistes, homophobiques, genrées, transphobe, validiste, grossophobe, slut-shamisante, contrôlant la sexualité, la politique de respectabilité etc de l'humour oppressif... sinon on ne fait qu'une autre forme d'humour oppressif et ce n'est ni subversif ni révolutionnaire.
c) Je reconnais que la perception d’une même blague anti dominante réussie, cad réellement anti-privilège et non oppressive sur d’autre axes, peut-être perçue différemment selon que ton interlocuteur bénéficie ou non du privilège questionné. Donc dans ton exemple, un non-blanc ou un blanc qui fait une vraie bonne blague anti-dominant face à un blanc. Cette différence de perception même est à interroger.
Il est possible qu’une personne blanche prenne peut-être un peu mieux une blague anti-dominante sur le privilège blanc de la part d’un blanc que d’un non-blanc.
Pourquoi ? Simplement parce que le blagueur blanc face à un autre copain blanc reconnait lui aussi bénéficier du privilège blanc, et ils se moquent d’eux-mêmes et de leur classe sociale tout en reconnaissant leurs privilèges blanc. Il y a une culpabilité qui est partagée. Ainsi on est « moins vexé » de se voir balancer les privilèges à la gueule.
Tandis que face à un blagueur non-blanc, celui-ci ne bénéficiant pas de ce privilège blanc, le copain blanc verra peut-être cette blague comme une remise en cause ou une accusation… même s’il reconnaît la pertinence du propos, il peut éventuellement mal le prendre, pour une question d’égo ou de sensibilité.
C'est vrai, je l'ai déjà vu faire, la perception n'est parfois pas la même.
Quelques questions se posent :
-Est-ce que la connaissance des privilèges et leur reconnaissance, et plus tard notre capacité à en rire, ne dépend que l’interlocuteur qui vous en fait la remarque ?
-Est-ce que nous ne pouvons être sensible à un argument anti-privilège que s’il vient d’une personne qui a les mêmes privilèges que nous ?
Ex : une blague anti-privilège blanc ne vous fera rire que si c’est un blanc qui l’a fait ? Vous ne la comprendriez et vous seriez sûr de ne pas vous offusquer que dans ce sens-là ?
Donc un non-blanc devrait éviter de faire des blagues anti-privilège blanc face à un blanc ?
On ne devait faire des blagues anti-privilège que si on partage le privilège en question avec notre interlocuteur ?
C’est une idée. Je n’en suis pas entièrement satisfaite sur le principe, mais ça peut effectivement être une stratégie pour ne pas braquer les "dominants" alliés, potentiels alliés ou non …
Mais sincèrement, ça me désole de toujours ménager les blancs, même quand ils doivent se remettre en cause sur leur racisme. Comme ça me désole de ménager les hommes quand on doit leur faire remarquer leurs privilège masculins.
Mais bon allons plus loin, dans cette logique : si c’est comme ça, face aux blagues mettant en cause les privilèges, cela peut être la conduite à suivre sur TOUS les discours remettant en cause les privilèges !
Donc on laisse le féminisme au hommes, comme ça on est sûr que les hommes le prendront bien. On laisse l’antiracisme aux blancs, comme ça les blancs le prendront bien, et on laisse le combat anti-homophobie aux hétéros comme ça on est sûr que les hétéros le prennnet bien , etc etc.
Sérieusement ? On va attendre que les dominants fassent la lutte pour nous, à notre place, avec les termes qui leurs conviennent, afin de ne pas froisser leurs égos ?
Hmmm ... Non, pour moi, c'est juste pas possible.
Bref, je ne suis pas convaincue.
Mais est-ce que je n'ai jamais ménagé les blancs quand je fais de l'antiracisme ? Si, et même trop! Et ça me coûte émotionnellement, systématiquement.
Est-ce que je ne ménage pas les hétéros, les valides, les cis, et touts les autres dominants, si très souvent, et c'est une des plus grande stratégie utilisée pour se faire entendre, comprendre, attirer la sympathie et l'empathie.
Ce n'est pas parce que cette technique de ménagement est la plus utilisée qu'elle est la meilleure.
Elle est aussi basée sur l'aliénation sociale, sur la trop grande interpénétration des relations de pouvoir et sur des sentiments d'infériorité/supériorité, ainsi que l'imposition de normes sévères obligeant les dominés à toujours moduler leur discours afin de ne serait-ce que se faire entendre un minimum.
Quant à rire ou sourire, oula, ça ça dépend de la psychologie et la reception de chacun, on n’a pas juger ! Personnellement, je "ris" peu mais je souris souvent à une blague du type anti-dominant. Je considère que "sourire" = avoir compris la blague et basta, par contre en rire à gorge déployée, euh ben ça va dépendre de la forme de la blague, de la surprise, de son originalité etc ou tout simplement de la façon dont c'est raconté, où la façon dont nous nous rions en général, du moment, de lasensibilité du jour etc… bref...
Par contre si tu ne comprends pas la blague, mais que pour une raison X/Y tu n’as pas envie d’en rire, est-ce que pour autant, il te viendrait à l'idée de t'en prendre à la personne qui l'a sortie?
Je ne crois pas non ?
Soraïa parlait surtout de gens qui l'ont critiqué pour avoir fait ce genre de blague.
C’est que manifestement, ces gens n’ont pas conscience de leurs privilèges ou qu’ils se sentent mal à l’aise à l’idée qu’on les évoque, et que ces mêmes personnes font peut-être de l’humour oppressif et qu’il n’y voit aucun problème…
-On peut avoir conscience ( du moins en partie) du racisme des privilèges et de la différence et être color blind dans sa maniere de traiter autrui. Je veux dire je suis prof je suis color blind dans les notes que je donne. Et je ne fais pas de blagues sur les noirs ni devant un blanc ni devant une noir.
Ah oui , effectivement. Mais avoir conscience des privilèges et de la différence c'est déjà ne plus être colorblind.
Ne pas faire de différence dans sa manière de traiter autrui, c'est essayer justement de dépasser les discriminations, la différentiation sociale, la stigmatisation etc.
Est-ce qu'on peut vraiment utiliser le mot colorblind dans le contexte de "traiter avec les gens"?
Ceci est une vraie question, on est un peu dans les concepts et la sémantique là. c'est une piste à creuser pour trouver un meilleur mot pour qualifier ton exemple.
C’est aussi le problème d’utiliser des mots anglais qui ont un sens et un concept précis et pas forcément transposables en français.
-Certains peuvent partir de très loin et changer du tout au tout : j'ai été quelqu'un d'assez raciste, j'ai peut être encore des choses à revoir mais ça aurait été dommage de me condamner définitivement comme irrécupérable... C'est ne pas tenir compte de la capacité énorme d'autrui à changer que de dire que parce qu'on te reproche une blague contre les privilégiés tu seras à jamais sexiste et raciste...
Ben écoute, ça aurait dommage pour toi en effet, et pour tes collègues racisés... mais c'est pas forcément dommage pour moi
sur le moment. Non seulement ça me pemet de repérer les gens problématiques, mais ça m'épargnera peut-être des déconvenues sociales.
Moi dans ma conception
d'auto-préservation, je ne fréquente pas de gens qui m'engueule quand je parle d'antiracisme ou de sexisme etc …. ou du moins si je continue peut-être à les fréquentez mais je ne leur parle plus de ce genre de chose, si le dialogue est impossible.
Si je fais une blague anti-dominante et qui me rabroue publiquement, qu'elle reste insensible à mes arguments, et bien cette personne je la case pas dans mes alliés, ça c'est clair et net.
C'est peut-être dommage
collectivement, mais si sur le moment, je considère que j'ai pas à éduquer quelqu’un au détriment de
ma santé mentale, je m'en réserve le
droit.
J'ai souligné quelques mots, car c'est très important cette différenciation de l'individu et de la lutte collective, notamment en ce qui concerne les injonctions à la pédagogie et à la gentillesse infinie des militants face aux gens problématiques.
Je peux décider de continuer à l'éduquer, mais dans l'immédiat je considère que ce n'est pas un allié.
Ça ne veut pas dire que iel ne peut pas le devenir, mais là tout de suite, c'est pas le cas.
C'est mon avis, mon impression. Ça ne m’empêchera peut-être pas pour autant de le cataloguer comme sexiste ou comme un sexiste à réformer ou réformable, ou allié dans un futur +- proche, selon ce que je sais de iel par ailleurs.
Et il ne le deviendra que si *je*/quelqu'un d'autre continue à l'éduquer et que si iel fait l'effort d’aller se renseigner et se remettre en cause.
La question de Soraia était plutôt : dois-elle arrêter de faire des blagues anti-dominants vu comment c’est mal perçu autour d’elle? est-ce que cela ne l’empêcherait pas de trouver des alliés anti-X chez ces personnes qui critiquent ses blagues ?
La question peut s'élargir à : quel genre d’alliés tu veux avoir ?
Ca c’est à Soraïa de voir quel genre d’alliés elle veut.
Moi je sais quel genre je veux, et surtout quel genre, je ne veux pas.
Y a des gens avec qui je vais prendre le temps de faire de la pédagogie, d'expliquer, de raconter, et ce au détriment de ma santé psychique... et y en a pour qui je ne ferai pas cet effort.
Ah c'est peut-être dommage pour le dominant en question, mais franchement ? c'est moi qui perd le plus dans l'histoire, c'est pas lui. Lui il restera peut-être ignare de ces questions, mais il en a rien à faire de toute façon, et il est si confortable dans ces privilèges qu'il se moque de moi et de mes combats... il a une position dominante et se comporte en dominant.
Est-ce que je vais renoncer à le "guérir" de son X-hobie , l'aider "à se déconstruire", ben ça va dépendre de lui aussi.
Capacité de changement, bien sûr... mais dans une temporalité élargie, avec différents acteurs...
Je vais prendre pour exemple une très bonne amie féministe qui il y a 4 ans était abolitionniste,nous nous sommes sacrément fritées à l'époque, et nous n'arrivions pas à nous entendre sur ce sujet, alors que sur d'autres on s'entendait bien.
Et bien , j'ai arrêté de parler avec elle de prostitution.
2 ans plus tard, au détour d'une conversation j'ai appris qu'elle était devenu anti-abolo.
Bon, et bien elle a changé, dans mon sens, peut-être que notre discussion a joué pour quelque chose à l'époque, mais c'est aussi parce qu'elle a fait l'effort de réfléchir à la question de son coté et qu'elle a surement rencontré d'autre anti-abolo qui ont aussi ajouté de l'eau à ce moulin.
Et bien tant mieux!
Encore heureux que l'humain change... j'veux dire, si on y croyait pas, pourquoi on s'amuserait à lutter ?