@MorganeGirly : ça m'étonne pas plus que ça pour Valls, je me trompe peut-être mais par bi-nationaux j'ai l'impression qu'on sous-entend "arabe et noir" (je sais noir n'est pas une nationalité mais je pense que c'est l'imaginaire collectif), je suis bi-national et je me sens pas concerner par cette mesure, je me sens pas attaquer même si intellectuellement je vois le problème. Ma mère est espagnol ne veut pas la nationalité française pour pas perdre celle espagnol mais crie après "ceux qui ne s'intègre pas", bon elle, elle c'est fait toute petite mais elle à vécu et parfois encore de la xénophobie (alors que bon l'espagne c'est un pays de blanc on est occidentaux donc c'est BEAUCOUP moins violent ce qu'elle a vécu).
Et pour elle les étrangers par exemple ne doivent pas voter et elle ne voit pas d'un très bon oeil que Valls soit au pouvoir.
Alors non je ne généralise pas ma mère ne représente pas tous les étrangers mais que Valls soit mal à l'aise, ça m'étonne pas, faudra que je me renseigne, j'ai peut être tort mais voilà
Bon c'est peut-être une impression mais j'ai quand même l'impression qu'énormément de bi-nationaux blancs se sentent ciblés.
Je suis d'accord avec
@adita, l'intention de la loi est de cibler les Français qui ont des liens avec un pays perçu comme musulman mais ça n'empêche pas que des binationaux pas musulmans du tout se sentent symboliquement attaqués. Même si un groupe précis est dans le viseur, beaucoup d'autres groupes peuvent s'y reconnaitre.
Après au-delà du passing, tout le monde a un rapport différent à sa nationalité qui fait que ça peut t'être indifférent. Je pense aussi que tout dépend de la manière dont on t'a fait sentir Français ou si tu as l'impression que ta citoyenneté est fragile, que tu sois arabe ou pas.
Par exemple, j'ai deux copines dont les parents sont Anglais ou Suédois, qui sont nées en Angleterre/Suède mais qui ont fait leur scolarité en France. Elles ont été naturalisées françaises après être arrivées en France vers 3/8 ans. Ces deux copines se sentent personnellement touchées par la symbolique de la déchéance de nationalité parce que la naturalisation est souvent présentée comme une faveur et non comme un dû. En gros, on a bien voulu "t'accorder" le passeport français alors qu'à la base t'es pas Français, tu dois donc démontrer ta loyauté éternelle et puis on peut te le reprendre si on veut. Tu as obtenu un passeport mais ça ne te donne des droits de citoyens que jusqu'à ce que le pays se lasse de toi. Même si ces deux filles sont blondes aux yeux bleus, pas musulmanes, que de toutes façons elles ont un autre passeport européen, elles ont bien compris que symboliquement, tous les passeports français ne se valent pas et cette mesure les blesse intimement. Le gouvernement ne voulait pas viser la bi-nationale suédoise blonde mais concrètement, il la vise aussi.
Bien sûr, le symbole est particulièrement violent pour les personnes perçues comme arabes ou musulmanes à cause de l'intention derrière cette mesure. Cependant, je pense que la question de la nationalité touche les gens au-delà des questions de racisme.
C'est pour ça que je m'interroge sur le rapport de Manuel Valls à ses origines espagnoles. Il a récémment accordé une interview pour "combattre le FN" où il revendiquait ses origines étrangères et ses propos montrent bien qu'il a connu certains questionnements comme le sentiment de ne pas être perçu comme Français. Je trouve assez étonnant qu'il soit si incohérent avec ces propos qu'il tenait le mois dernier.
http://www.lejdd.fr/Politique/Manue...l-a-compris-qu-il-n-etait-pas-francais-722506
http://www.lefigaro.fr/politique/le...es-un-interrogatoire-dans-un-commissariat.php
Peut-être qu'il ressent toujours aujourd'hui le besoin de prouver qu'il est un "vrai Français" en ne s'attardant pas sur les questionnements autour de la double-nationalité?
Je ne sais plus qui parlais de Manuel Valls mais il me semble qu'il est bien bi-national. Il n'est devenu français qu'à 18 ans (et à moins que l'on perde automatiquement la nationalité espagnol en devenant français il reste bi-national). Par contre, Anne Hidalgo est binational (c'est même indiqué sur sa fiche Wikipedia).
Pour la bi-nationalité de Valls, c'est justement un sujet très flou mais je pense qu'il n'a plus la nationalité espagnole même si ce n'est pas toujours clair dans le presse. Grazia mentionne une double nationalité mais je suis pas sûre que ce soit une source très fiable sur ce point
. Tous les journaux et magazines parlent de ses "origines espagnoles" et
Europe 1 ou le
Huffington Post disent clairement qu'il n'a pas la double nationalité.
Il est possible qu'il ait choisi d'abandonner la nationalité espagnole pour des raisons personnelles ou que l'Espagne ne reconnaissait pas les bi-nationaux à l'époque.
D'après
le site du Sénat, les Espagnols acquérant la double-nationalité peuvent perdre leur nationalité espagnole s'il n'y a pas de traités entre les deux pays et qu'ils ne résident pas en Espagne. Il est possible que dans les années 80, l'Espagne pratiquait la déchéance de nationalité pour les bi-nationaux
Pour venir en complément de ce que dit
@Objet, c'est peut-être aussi lié à la différence entre xénophobie et racisme?
Si j'ai bien compris (Et toutes mes excuses si tel n'est pas le cas!), si les immigré-e-s espagnol-e-s, polonais-e-s, italien-e-s ou autres ont souffert du premier (Papa, si tu me lis...), elles, et à plus forte raison leurs enfants, échappent au second.
Du coup, il est peut-être plus facile pour un Valls, ou pour nos parents, de se fondre dans la logique du "nous contre eux": Séparés par la xénophobie, unis par le racisme.
D'autant plus qu'effectivement, ce "nous" étant blanc, il leur est plus facile de "s'intégrer" (Je me trompe peut-être, mais, pour moi, c'est au fond ce qu'on reproche aux personnes quand on parle de refus d'intégration: être trop visibles, et donc pas assez blanc-he-s)
Après, il y a un phénomène très classique dans certains groupes d'immigrés qui n'a pas vraiment de rapport avec des critères ethniques mais plutôt avec la perception de ce qui est étranger. C'est assez fréquent que des immigrés installés depuis plusieurs années dans un pays (pas leurs descendants en général mais bien les personnes qui ont quitté leur pays d'origine) tiennent des propos xénophobes à l'encontre d'autres immigrés qui mériteraient supposément moins leur place. En quelque sorte, ça peut être une manière d'essayer de démontrer que les anciens immigrés sont moins étrangers que les nouveaux. Le propos c'est "les étrangers c'est eux, pas moi". Je pense que cette "union par la xénophobie" est plus une question d'ancienneté sur le territoire en fait.
Bien sûr, il y a des critères racistes qui peuvent entrer en compte pour déterminer ce qui est étranger ou non. Pour certains l'étranger c'est la personne noire ou musulmane mais ça ne se résume pas à ça.
Hier, j'étais au supermarché. Le chef de caisse est marocain, un de ses collègues sénégalais. Deux clients roumains sont passés en caisse. Ils parlaient très fort en roumain et comprenaient mal le français mais à part ça, ils avaient un comportement absolument normal et respectueux, ils étaient habillés comme des jeunes lambdas.
Pourtant, dès qu'ils sont sortis, le chef de caisse marocain s'en est plaint à son collègue sénégalais. Au début, j'ai cru qu'ils les connaissaient et qu'ils s'en plaignaient car il avait déjà eu des problèmes avec eux. Mais non, il connaissait bien "les Roumains", pas ces gars-là en particulier.
Pendant 5 minutes, il a tenu un discours qui cochait toutes les cases du bingo raciste. Il a même dit "je ne suis pas raciste mais ces gens-là posent problème" et "ils viennent en France pour faire des enfants et toucher les allocations, ça m'énerve". A côté de lui, le caissier sénégalais approuvait vigoureusement.
La scène m'a frappée parce que je suis sûre qu'ils entendent ce genre de propos régulièrement appliqué aux Marocains et aux Sénégalais. Mais ça n'empêchait pas que là, l'étranger c'était ce Roumain pas francophone et qui visiblement n'avait pas vécu très longtemps en France.
Vu la manière dont une cliente avait tordu la bouche de dégoût en croisant dans les rayons les Roumains, alors qu'elle était charmante avec les caissiers sénaglais et marocains, je pense que dans ce contexte, l'étranger était défini par des critères différents des critères du racisme au sens propre (ex: il parle fort, il ne dit pas bonjour parce qu'il ne parle pas français et ne maitrise pas les usages, on ne comprend pas quand il parle à son ami etc.)
Bref, ce que je veux dire par là c'est que le rejet de l'étranger n'est pas exclusivement lié à des critères racistes et peut donc être ressenti par des personnes qui ne souffrent pas de racisme par ailleurs. C'est pour ça que je me posais des questions sur l'insensibilité de Manuel Valls. Ma perplexité s'appliquait aussi à d'autres personnalités politiques. Par exemple, Najat Vallaud-Belkacem a la nationalité marocaine... mais après, j'imagine qu'en tant que Ministre, elle ne doit pas sentir sa nationalité aussi fragile que le citoyen lambda (en même temps, elle est régulièrement attaquée là-dessus par le FN donc ça doit quand même être un sujet sensible pour elle).
Enfin désolée, c'est pas une analyse hein, je vous balance mes questionnements sur le vif en fait et je ne sais même pas si mon texte a l'air cohérent
En plus ça parait un peu "people" ce que je raconte mais je pense que c'est quand même intéressant de voir comment le multiculturalisme est géré par les personnalités politiques personnellement concernées. J'ai l'impression que c'est révélateur de certaines choses sur notre société.