Tout d'abord je voulais dire que ça me met toujours du baume au coeur de vous lire toutes en particulier les anciennes toi bien sûr
@madmoizelle N (
je citerai pas les autres parce que j'oublierai forcément quelqu'un) que ça soit ici ou dans les débats sur madz. Ce forum, ce topic en particulier ont beaucoup joué dans mon cheminement, dans mes réflexions.
Pour répondre à ta question il y a plein de petites choses comme ça qui me viennent en tête.
Je dirai que les choses ont réellement commencé quand j'ai débuté mes études supérieures. J'ai connu la solitude d'être la seule noire.
Dis comme ça a l'air complètement con mais je vous jure que ça vous marque d'être la seule noire sur 30 élèves quand vous n'avez pas l'habitude. Heureusement quelques jours après la rentrée une autre fille noire a rejoint ma classe.
Néanmoins la graine est tombée en terre ce jour-là, cette première année. On était deux filles noires et une fille arabe. Et tout le monde trouvait ça normal et moi je me demandais où étaient les autres. Et putain je continue de me le demander encore aujourd'hui ! J'évolue principalement dans des milieux tellement blancs, je fais mes stages dans structures où tout le monde est blanc, je fais des loisirs où tout le monde est blanc. Dans mon master parmi les français on était : une noire (moi), une arabe et une métisse.... C'est pas normal que les choses soient comme ça en France.
Puis il y a toutes les petites phrases, les gestes (des camarades de classe qui veulent me toucher les cheveux), les petites réactions étonnées que tu fasses quelque chose (lire, aller au théâtre, aimer une connerie quelconque) alors que t'es noire, tu t'exprimes bien pour une noire, t'as pas d'accent...
Autre chose qui me vient : voir des jeunes filles enlever leur voile avant de rentrer dans leur lycée, collège. C'est un geste très symbolique je trouve. Je me souviens encore du jour où j'ai réellement remarqué ce geste "anodin" pour beaucoup. Je crois que ça a retenu mon attention parce qu'entre temps j'étais allée à Londres et j'ai vu des vendeuses voilées. Sur un autre voyage j'avais croisé une classe en sortie scolaire et une des filles portait son voile, ça m'avait tellement étonné.
Pour répondre à une autre de tes questions : Mon entourage familiale et mes amis racisés ne me comprennent pas forcément. Après je cherche pas à convaincre sur ces sujets ni à partager mes idées. Parfois ils tiennent des propos ou des postions qui me crispent mais je réagis une fois et je ne recherche pas à débattre (tout dépend du sujet bien sûr). Disons que j'exprime très fortement mon désaccord (ils ont l'habitude le féminisme est passé avant :cretin).
Et par rapport aux blancs ? Ta question tombe bien parce que je me posais justement la question il y a quelques jours. Je différencie les blancs que je connais personnellement des autres que je fréquente vaguement à l'Université ou au travail. Ceux que je connais personnellement : je ne cherche pas forcément à partager mes idées avec eux. S'ils disent quelque chose qui me soule je réagirai plus ou moins en fonction de l'intérêt que j'ai pour eux (si c'est quelqu'un d'important pour moi j'essayerai de discuter si c'est pas le cas je dis rien. Si tu me soules au bout d'un moment je te vois plus. Et j'applique ça à tous les propos oppressifs).
Pour les autres : non je cherche pas non plus à discuter avec eux, je ne partage pas mes idées avec eux parce que je sais que je vais perdre beaucoup de temps à essayer d'expliquer pour rien. Au final je serai la seule perdante dans cette histoire.
Personnellement je suis arrivée à point où je me dis qu'avant d'essayer d'ouvrir les yeux aux non-concernés il faut déjà intéresser les racisés. Pour moi c'est même un point crucial. Aujourd'hui je me dis que la prise de conscience doit d'abord se faire chez les racisés (et parfois j'ai bon espoir). On a besoin qu'on NOUS parle (et non qu'on parle encore une fois aux mêmes), qu'on prenne conscience de notre propre valeur (la génération de nos parents ont tendance a estimé que le système est "normal"). Le déclic sur ce point m'est venu en consultant tous ces comptes instagram' sur les filles noires ou sur toutes les filles qui ont la peau foncée en général (notamment des indiennes). On a besoin de plus de diversité, de représentation, on a besoin de voir que nous aussi on fait des choses bien. Je suis arrivée à un point où je me dis qu'on a besoin de plus de communautaurisme (médias, festival...) parce qu'on doit se retrouver entre nous (je parle de tous les racisés de France en général).
Voilà, voilà