Edit : oulah! énorme pavé... Je mets des spoilers
@calliopeonyx Merci pour ta réponse !
Globalement je suis tout à fait d'accord avec toi, il y a deux problèmes avec une version capitaliste du féminisme et de l'antiracisme :
- Ce sont des luttes déconnectées de ce que sont vraiment les corps (des femmes et des racisés tout particulièrement). Je dois dire que c'est quelque chose qui me gêne mais qui est très compliqué à traiter si on veut justement être inclusif : une femme par exemple ne se définit pas par son corps, pour autant il y a effectivement des problématiques qui touchent au corps des femmes donc ... comment faire ? Et c'est pareil pour les racisés.
- Ce sont des luttes qui font des compromis avec des systèmes qui n'ont pas été créés pour prendre en compte ceux qu'elles défendent.
Cependant, je me demande en quelle mesure il n'est pas parfois plus efficace de jouer avec les systèmes en place. Je suis contre le capitalisme mais je remarque aussi que contrairement à de nombreuses idéologies (comme le nationalisme, l'impérialisme, le colonialisme ou le patriarcat) il ne fait pas une différence intrinsèque entre les hommes blancs et les autres. On est bien d'accord qu'il s'est créé par et pour la domination de ces derniers mais par contre il ne fonctionne pas sur une distinction formelle entre les deux : selon le capitalisme, si je crée une activité hyper profitable, je vaux pareil qu'un homme blanc qui crée une activité hyper profitable (et je parle bien de capitalisme "pur", pas d'un capitalisme mélangé à d'autres idéologies). En gros, le capitalisme considère tout le monde comme un homme blanc, la raison pour laquelle il profite aux
vrais hommes blancs aujourd'hui c'est à cause d'autres idéologies avec lesquelles il se mélange. Et c'est encore plus le cas avec la mondialisation : aucun capitaliste n'ira dire à Lakshmi Mittal qu'il est inférieur à un homme blanc.
Et on remarque aussi que parfois les compromis avec les systèmes en place sont très efficaces. Par exemple, sur le sujet sur le burkini, on parlait du féminisme islamique, qui fait précisément un compromis avec la religion, système créé par les hommes pour asseoir leur domination. Et des fois ça marche super bien pour faire avancer la cause des femmes.
Donc globalement ce que je veux dire c'est qu'il n'y a pas d'antagonisme intrinsèque entre le capitalisme et les luttes antiracistes ou féministes et que du coup la question de la légitimité de faire des compromis me semble pas si simple à régler.
Sauf que du coup ça pose forcément la question de la "convergence des luttes". C'est vrai que l'intersectionnalité articule de mieux en mieux féminisme, antiracisme, luttes lgbt, antigrossophobie ... mais pas du tout les questions de "classe", en tout cas de mon point de vue, ce qui fait justement qu'on laisse plus de place au développement de ces formes d'antiracisme ou féminisme individualistes. D'ailleurs on le constate quand on voit que certains marxistes d'extrême gauche sont inconscients voire très opposés aux autres luttes pour l'égalité : ils les prennent de haut parce qu'ils considèrent qu'elles ne sont pas inscrites dans le matériel. Selon la vision capitaliste ou individualiste des luttes pour les minorités, qui de mon point de vue est davantage une poussée à l'extrême des mouvements actuels qu'une édulcoration, les classes sociales au sens marxiste n'existent pas donc on ne peut pas lutter contre leur existence, forcément. Et en fait, tout ça part d'une opposition entre des luttes qui se basent sur l'identité et d'autres sur le matériel et je crois qu'aujourd'hui on n'a pas vraiment trouvé de moyen de les concilier (sauf p-e les féminismes décoloniaux comme tu le dis mais pour le coup je trouve qu'ils traitent très bien comment le capitalisme se nourrit de l'impérialisme et du patriarcat mais pas vraiment comment ils seraient intrinsèquement liés - edit : et une autre une exception dont je parle à la fin du post).