lilith-972;4866029 a dit :
j'aimerais savoir si certaines d'entre vous pensent qu'il faudrait qu'il y ait une branche "Noire" du féminisme en France ?
lilith-972;4866029 a dit :
Je vois. Pourtant j'aurai tendance à penser que les femmes non blanches vivent/ressentent peut-être le sexisme d'une autre façon que les femmes blanches. Est-ce parce qu'il serait teinté d'un racisme justement ? Personnellement j'ai parfois cette impression après je ne sais pas si ce n'est que moi ou si ça concerne plus de personnes.
Non, malheureusement ça ne concerne pas que toi !
Tu vois le problème du fait que le féminisme mainstream français ne parle pas de ce genre de cas, c’est bien la preuve qu’il est excluant et qu’il n’analyse le sexisme que pour une femme blanche.
Que toi , jeune femme noire, en arrive à croire que ça ne concerne *que* toi , c’est aussi la preuve qu’il n’y a aucune communication à ce sujet et que nous sommes laissées pour compte dans les analyse féministes dominantes médiatiquement.
Et pourtant, viens discuter ici et lis les anciens témoignages de la VPR, tu y verras des exemples de racisme simple mais aussi des exemples de racisme mélé de sexisme.
Le phénomène dont tu parlais avec la fétichisation du corps des Noirs, s’appelle plus généralement l’exotisation.
C’est-à-dire l’essentialisation des différences, ce fait peut provoquer du racisme entre les individus, comme il peut être une source de racisme systémique , d'oppression à grande échelle.
Pourquoi a-t-il fallu *attendre* que des féministes anglo-saxones se réapproprie le mot dans la lutte anti-sexiste dans les années 70-80, alors que c'est quand même l'Europe qui à a porter ce passé colonial?
Parce *ielles* étudie le racisme en parrallèle de toute oppression.
Et nous que dalle.
Alors pour le sexisme+ racisme, on peut toujours attendre en France. Enfin pas trop longtemps, j'espère.
Néanmoins les études sur le racisme existe en europe (encore heureux) et des études sur l’exotisme/exotisation aussi :
exemple ici :
http://www.alphilrevues.ch/f/revue/6/18/104
Résumé du pdf : « L’exotisme n’est pas le propre d’un lieu ou d’un objet mais d’un point
de vue et d’un discours sur ceux-ci. L’article analyse l’exotisation comme un
processus de construction géographique de l’altérité propre à l’Occident
colonial, qui montre une fascination condescendante pour certains ailleurs,
déterminés essentiellement par l’histoire de la colonisation et des
représentations. L’exotisation passe par une mise en scène de l’Autre, réduit au
rang d’objet de spectacle et de marchandise – mais quelques pistes se
présentent pour le dés-exotiser et lui rendre son statut d’alter ego. Mots-clés : Ailleurs, altérité, exotisme, exotisation, objectivation, orientalisme,
pittoresque, postcolonial, tourisme. »
Du coup oauis franchement, ça me ferait plaisir qu’on parle un peu plus de ça dans le féminisme mainstream…. La première fois que j’en ai entendu parler c’est dans les discours intersectionnels… jamais avant.
@missmachine : j’abonde carrément avec tous les exemples cités.
Moi c'est aussi le manque d'analyse anti-raciste et anti-coloniale qui me gonfle sidéralement dans le féminisme mainstream.
Quand, à la fac, je m’intéressais aux luttes anti-capitaliste et anti-raciste, ça me saoulait de voir que je n’étais pas écouté en tant que femme et que le féminisme ne leur parlait pas … « de la lutte pour le prolétariat viendra la libération de la femme », je l’ai trop entendu et je n’y crois pas.
Mais là dans le féminisme mainstream, ça me saoule *encore plus* que les luttes anti-raciales et anti-colonialistes soient si méprisées, voire parfois que le féminisme mainstream soit lui-même néo-colonialiste et nationaliste et néo-libéral...
C’est juste *totalement* de la merde en barre.
@i-love-you
Oui ça serait une preuve d’échec, grave comme tu dis.
Mais j’ai envie de dire. Et alors ? Franchement ça ne lui fera peut-être pas du mal à ce féminisme mainstream de se voir restructuré.
Il faut en prendre acte et non pas fermer les yeux en ayant peur de cette possibilité.
trois cas :
-soit le mouvement initial se remet en cause et devient plus inclusif, en réfléchissant à ce qui a causé cette position d'exclusion
-soit le mouvement initial ne change pas ou peu, et il est fort probable qu'un mouvement Féministe Noir/Arabe/Sino/ Indien etc se mette en place d’ici quelques années.
-un intermédiaire : actuellement l’intersectionnalité, tout droit venue des states et remodelée à la française.
Pareil pour @angelten-richard-ii et @i-love-you, j'e suis aussi d'accord avec votre post sur la pratiques des luttes.
Dans la pratique les luttes sont cloisonnées pour une question d’efficacité, on ne peut pas être en pratique sur *tous* les fronts, par contre en arriver à participer à nier une oppression, voire la perpétuer, là ça devient très grave.
Le féminisme anti-voile aka le *seul* féminisme médiatisé depuis 10 ans…. et les Femen , dernier exemple de féministe anti-voile , et même anti-musulman et anti-arabe et anti-religieux en général, là c’est le pompom….
Les féministes mainstream qui t'expliquent que le féminisme dans les pays arabes ne peut pas exister, et que c'est à elles , féministes françaises, de leur expliquer la vie... c'est insupportable.
OLF n'en parlons même pas >_<.
Déjà qu'elles sont pas très inclusives des LGTQ, pour les minorités raciales on repassera aussi.
La moitié des partisans lesbiennes-bi-trans sont partis cette année pour créer de nouvelles assoc; Il y a eu bisbille finalement avec l'inter-lgbt coté gay à la Gay Pride de cette année; mais alors pour la question des minorité raciales, c'est plus que risible, y a encore personne pour monter au créneau.
Je reconnais à toutes ces féministes le nom de féministe, et je les félicite quand elle arrive à motiver le gouvernement dans le bon sens... mais je n’ai pas à me reconnaître dedans pour autant… surtout quand elle pratique autant d’exclusion dans leur pratique politique.
Face à ce cloisonnement supplémentaires du féminisme avec un recentrage sur les questions L-G-B-T , pour la question du traitement racial, la levée de bouclier n'est as faite. Cela est du typiquement à la nature de notre pays.
En effet plutôt que de voir l’émergence d’un féminisme ethnique/race=classe nous voyons en France l’émergence de l’intersectionnalité.
Je pense que dans l’absolu, l’intersectionnalité correspond plus aux valeurs françaises d’universalisme et que l’Intersectionnalité peut répondre donc au manque d’inclusion que les minorités en France peuvent ressentir, pour la même raison qu'il est né aux états-Unis , à savoir être issu du Black Feminism américain et être généralisé, devant un outil d'analyse plus puissant et pertinent mais plus large, englobant un tas de représentations et concepts qui peuvent être difficile à appréhender et à manipuler.
Une des difficultés consiste à appliquer cet outil d'analyse en France et pour cela il faut en revenir à la base. Si notre histoire du féminisme, nous sommes assez d'accord pour la vision des femmes en tant que classe, il est néanmoins beaucoup plus difficile d'appréhender celle de race.
Quel est le terreau actuel français en ce qui concerne les concepts de race comme construct social, tel que défini dans l'intersectionalité ?
A l'heure actuelle en France, les conditions d'intégrations des minorités ne favorisent pas l'émergence de communautés*politisées*, telle qu'on pourraient les voir aux Etats-Unis ou au Canada, les groupes ethniques n'existent pas juridiquement, les statistiques ethniques sont interdites, les études sociologiques restent difficiles à mettre en place en partie à cause de cela, et pourtant il me semble que l'on parle pourtant bien souvent de ces communautés présentes en France, comme si elles étaient de facto une entité en soi.
C'est une identité journalistique voire une base de vote politique mais sans base définie, ni sociale ni juridique, c'est une entité fantasmatique qui sert autant d'épouvantail sensationnaliste que de retour de bâton en cas d'échec d'un des membres de ladite communauté.
Il n'y a pas d'école, d'institution, de penseurs, de lieux de rencontres, d’échange et de discussion dédiés à ces diverses communautés, et pourtant nous sommes pris comme devenant un groupe social avant même d'être pris en compte socialement comme individu.
Comment les gouvernants en sont-ils arrivés à définir une communauté dont des propres membres ignorent qu'ils en font partie? Et dont les gouvernants ne reconnaît pas les oppressions subies individuellement ?
Et comment comptent-t-ils s’arranger avec ceux qui prétendent représenter les intérêts d’une communauté, quand le gouvernement fustige autant l’idée de communautarisme ?
N'est-ce pas la définition même du racisme? L’on se reconnaît différent lorsque l'autre a décidé que vous l'étiez.
On ne veut pas qu’une communauté existe, mais on lui incombe un devoir de moralité.
On agite son existence médiatiquement, mais on lui refuse une existence juridique.
C'est une position presque phénoménologique : on n’existe pas en même temps qu'on existe.
Je commence à comprendre sérieusement la plainte du Chat de Shrödinger!
Je le dis et je le répète, les valeurs d’universalité françaises ne marcheront pas si les politiques continuent à décréter et fustiger l’existence des communautés dont ils refusent par ailleurs de reconnaître l’existence quand cela ne les arrange pas.
Une interview de François Durpaire sur les afro-américains et les Noirs de France :
http://www.totem-world.com/black-history-month-afro-americains-et-francais-noirs-interview-de-francois-durpaire-exclu/
J’aime beaucoup ce qu’il dit sur le « comment je vis ». C’est effectivement ça le dénominateur commun.
Et le deuxième c’est, et ça reste, le rapport à l’Afrique, notre passé.
J’abonde aussi sur ce qu’il dit sur le paradoxe français sur l’esclavage et sa propre absolution
« Le fait en France de placer, au centre de cette histoire, son abolition par Victor Schœlcher en 1848 renvoie à une sorte de schizophrénie. Celle d’un pays qui a pratiqué l’esclavage mais qui se félicite de l’avoir aboli. ».
« Lors du débat sur la loi reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité, Christiane Taubira a eu beaucoup de difficulté à utiliser les mots de responsabilité. Comme si la République Française ne prenait pas à sa charge l’ensemble de l’histoire républicaine qui se construit comme une histoire de gloire, à l’image de l’histoire de l’abolition. C’est la raison pour laquelle on parle, encore aujourd’hui, quasi exclusivement de Victor Shoelcher. Quelque part le discours c'est « l’esclavage, ce n’est pas nous qui l’avons fait, ce sont les autres, c’est le Roi, la France d’avant, l’Ancien Régime. Ce n’est pas complètement chez nous, c’est dans les colonies. C’était avant la République. »
Il y a un gros paradoxe Français là-dessus, et je crois qu’il n’y a guère que dans l’intersectionnalité en ce moment qu’on essaie de dénouer ce paradoxe, en essayant de regarder en face concrètement le passé colonialiste et esclavagiste français.
Pour le concept de race à l’américaine, comme construct social. Oui c’est bien la bonne manière d’étudier le racisme sans hypocrisie et avec une réelle volonté d’analyse. Je suis pour l’introduction de ce concept en France avec l'application pratique qui consiste à étudier concrètement nos spécificités culturelles françaises à l'aune des études sur le racisme.
@i-love-you : « Tout ça pour dire que, même si en France il y a des accidents, j'aimerais qu'on se serve de l'expérience des Américaines pour ne pas reproduire les mêmes erreurs (et pas juste en théorie). »
C’est sûr, c’est aussi un avantage de la position d’observateur qu’on a par rapport aux études et aux exemples de réparation sociale aux Etats-Unis, alors qu’on a pourtant nous aussi nos propres problèmes, et notamment des problèmes de reconnaissance historique, sociale et médiatique.
Par contre eux prennent les problèmes à bras le corps, alors que nous on fait l’autruche en espérant que tout se passe bien, voire on piétine en tapant sur ceux qui se rebellent.
Par contre effectivement quand on utilise des stats et études américaines en les plaquant à la France sans réflexion, c’est un faux-pas, mais un faux-pas par manque de source française.
Tant qu’on aura pas de stats ethniques, on aura jamais d’études sociologiques du même ordre… et on sera dans le flou et obligé de se référer à des études étrangères (anglo-saxonne) pour avoir une « idée » de ce qui se passe en France, alors que en pratique, on aura pas forcément les mêmes résultats :s..
Jusque-là, on continuera à « copier » les américains faute de mieux.
Par contre, c’est à nous de réfléchir honnêtement sur notre histoire et son impact sur le présent et étudier les relations entre les différents groupes et différentes oppressions pour agir positivement.