mamiecaro;4085856 a dit :Rien à voir, je viens parler d'un flime que j'ai vu ce week-end et que j'ai trouvé intéressant : La chair et le sang, un film de Paul Verhoeven sorti en 1985.
En introduction, une des bandes-annonces les plus mensongères qu'il m'ait été donné de voir.
On pourrait se dire en voyant cette bande-annonce : "OK, vu et revu, la belle princesse blonde se fait enlever par des méchants barbares avant de se faire sauver par son prince d'Amoûr."
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Eh ben en fait, pas du tout. L'idée, si j'en crois IMDB (le site référence du ciné), était pour Verhoeven de dire "vous nous emmerdez avec vos visions romantico-mièvrasses du Moyen-Âge, moi je vais vous montrer ce que c'était, et vous allez voir, ça va pas chanter en se roulant dans les pâquerettes." Là-dessus, mission accomplie : ça saigne, ça attrape la peste, ça n'a ni foi, ni loi, ni parole, les seigneurs sont autant des connards que les mercenaires, même le prétendu religieux n'est qu'un fanatique débile, et le seul personnage qui reste complètement positif est le prince - pas parce qu'il est prince (son père est une enflure) mais parce qu'il a de l'éducation.
Alors, oui, j'ai dit le seul. La princesse est très, mais alors très loin des clichés de princesses médiévales. Elle est blonde et bien foutue, mais ça s'arrête là.
On annonce la couleur dès son apparition : elle va être mariée au prince et demande à sa nourrice (je retranscris de mémoire) :
Agnès : "Comment on fait avec un homme ?"
Nourrice : "Tu mets sa main sur ton cœur et tu lui dit de sentir comme ton cœur bat fort."
Agnès : "Et après ?"
Nourrice : "Après, la nature fait le reste."
Jusqu'ici, scène bien classique. Sauf que, Agnès, on lui fait pas le coup des choux et de la petite graine. Elle veut des putains de détails.
Alors que fait notre douce princesse ? Elle demande à sa nourrice de le faire avec son mec pendant qu'elle les observera - genre, là tout de suite, en plein jour, dans les buissons à côté. La nourrice proteste, dit qu'elle n'en a pas envie. Sans se démonter, Agnès lui ordonne de le faire ("tu dois faire ce que je te dis"), la nourrice s'exécute et quand Agnès a vu ce qu'elle voulait voir, elle débarque et leur somme de s'arrêter (en les fouettant un peu avec une branche).
La couleur est annoncée : Agnès n'est pas un être tendre, délicat et naïf. En fait, c'est surtout une sacrée opportuniste. C'est le mot qui la décrit le mieux : tout au long du film, elle fera exactement ce qui l'arrange elle, quitte à mentir, quitte à tromper, quitte à laisser des gens crever. Elle vit dans un monde extrêmement violent, et elle a pris le parti de survivre coûte que coûte.
Je suis assez partagée sur cette représentation de l'héroïne, car d'un côté, ça nous change agréablement des gourdasses fleur bleue préfabriquées, d'un autre côté, il y a quelques détails qui me perturbent pas mal.
Avertissement : je vais parler d'une scène de viol assez pénible, passez votre chemin si ça peut vous perturber (y a pas d'équivalent à trigger warning en français ?)
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Bref, je suis mitigée sur ce film. Quelqu'un ici l'a vu ?
Ah c'est marrant, j'ai vu ce film quand j'étais au collège ou au lycée avec ma mère à la télé. J'avais pas réalisé que c'était un truc bien réfléchi par un bon réalisateur, j'ai toujours cru que c'était un téléfilm M6 bon marché...
Bon, j'étais assez jeune donc je verrais peut-être les choses différemment mais environ 10 ans plus tard, je m'en souviens encore plutôt bien (preuve que ça m'a marquée) mais de manière plutôt négative. La première chose qui me vient à l'esprit c'est la scène du viol quand je repense à ça. A l'époque, je n'avais pas forcément touvé ça hyper violent ou dégueulasse mais ça m'avait mise très mal à l'aise, si bien que dès ce moment-là, je n'avais plus très envie de voir le film.
Ma mère, par contre, a bien aimé je crois et du coup je me dis que j'étais ptete trop jeune pour l'esprit du film?
Je n'ai pas un souvenir si positif du prince : il est gentil mais il est aussi un peu décrit comme un grand naïf à déniaiser.
Ce qui m'avait gêné avec le viol, c'était la scène en elle-même mais surtout le fait que l'héroïne développe un vrai syndrome de Stockholm par la suite sans que ce soit présenté comme tel : à un moment du film, elle ne sait pas trop qui choisir entre le prince qui vient la libérer et son violeur, comme dans un triangle amoureux classique! Et puis le film montre comment en utilisant intelligemment son pouvoir de séduction et le sexe elle arrive à survivre... et sur ce type de postulat, j'ai toujours eu des doutes. Je suis pas sûre qu'on puisse si facilement se mettre un agresseur dans la poche parce qu'on fait semblant d'aimer coucher avec lui.
En fait, je pense que dans la scène de viol elle n'apprécie quand même pas mais qu'elle fait semblant pour éviter le viol collectif et se mettre sous la protection du chef. Enfin, c'est l'explication que m'avait donné ma mère mais dans mes souvenirs, elle n'avait pas l'air franchement épanouie.
J'ai toujours aimé les héroïnes fortes et le résumé me vendait exactement ça... mais là, j'ai pas accroché avec cette fille. Dans mes souvenirs, je trouvais son intérêt pour la sexualité exagéré, limite mis en scène pour titiller le spectateur et faire raccoleur. Je ne voyais pas une fille qui a envie d'être libre et de faire comme bon lui semble mais plutôt une petite peste qui veut faire des trucs interdits parce que c'est excitant.
J'ai trouvé ça aussi dérangeant qu'elle oblige sa nourrice à coucher avec son mec devant elle pour se distraire.
Je ne l'ai pas vue comme une femme forte selon mes critères. Comme une survivante à un certain point oui, mais pas comme une survivante à la Katniss Everdeen d'Hunger Games ou à la Nicole Kidman dans Dogville qui réussit à retourner l'horreur de ce qu'elle vit en victoire.
En fait, c'est souvent à ce film quand je pense quand je parle des fictions qui mettent en scène le viol comme si c'était inévitable pour une femme. C'est ce genre de films qui m'a longtemps fait croire qu'on pouvait difficilement y échapper et que ça faisait partie de notre existence de femme de se faire violer quand on se retrouve en territoire inconnu/hostile.
Je pense que le message du film est trop violent, et en tout cas sur une jeune spectatrice comme je l'étais à l'époque, il peut avoir un sous-entendu vraiment nuisible.
Dans une situation parallèle, j'ai trouvé beaucoup plus crédible le parcours de Daenerys dans Games of Thrones la série. Elle se retrouve au milieu d'un monde hostile et barbare, à la merci d'un mec qui s'en fout de ce qu'elle pense (je sais, c'est différent dans le bouquin) et qui la viole pour leur nuit de noce. Elle aussi choisit de surmonter le traumatisme de la violence sexuelle et plutôt d'utiliser le sexe et la séduction pour survivre et gagner la protection de son mari. Au final, ils tombent amoureux l'un de l'autre.
C'est un peu le même cheminement que dans le film dont tu parles sauf que je trouvais cette relation et le déroulement de tout cela plus réaliste. Je comprends qu'à une époque dure, une femme devait parfois composer avec le viol, comme le font les deux héroïnes et que les hommes ne se remettaient pas forcément en cause sur cette prise de force. Mais dans l'un, ça me parait faux, dans l'autre ça me parait réaliste. Et l'héroïne connait une vraie ascension, elle s'émancipe réellement progressivement jusqu'à devenir leader.
C'est vrai aussi que Games of Thrones ne se complait pas dans une violence pour la violence et que la présentation moins fascinée de tout ça a pu me mettre plus à l'aise.
Enfin voilà mes premiers souvenirs...