@La_Belette : je comprends ta perplexité, moi aussi j'ai beaucoup de mal avec le discours "t'as tes règles t'es une femme". (déjà toutes les femmes n'ont pas leurs règles, et puis pour moi les règles c'est plus un truc casse-couille qu'autre chose mais bon)
Mais à côté de ça, une partie de moi comprend ce qu'elle veut dire. Je vais essayer de ne pas être maladroite dans mes propos.
Si c'est une personne de sexe féminin et cis, on peut dire en gros que c'est une femme (d'un point de vue du genre). Mais c'est là que c'est bâtard, parce que "femme" désigne à la fois le genre (en gros femme =/= homme, même si la réalité est bien plus complexe), mais aussi femme =/= fille, donc il y a une composante de maturité qui entre là-dedans. Certaines jeunes filles ont envie de rentrer dans la "cour des grandes" avec leurs règles (même si ça ne fait mûrir en rien, à mon sens), d'autres non. Elle fait probablement partie de la première catégorie.
A la décharge de ces jeunes filles impatientes, faut admettre que certains cours d'éducation sexuelle et une bonne partie de la "littérature" sur la puberté destinée aux ados regorgent de phrases de ce type :
- les filles sont mûres avant les garçons
- tu as probablement hâte d'avoir tes règles, surtout si tes copines les ont déjà
- les premières règles, c'est un grand moment, etc.
Un délire que je trouve totalement incompréhensible (moi mes premières règles, c'était surtout la découverte d'une douleur insoupçonnée), mais qui est même relayé dans certaines traditions familiales. Quand ma copine de collège a eu ses premières règles, c'était en vacances en famille, dans la nuit. Ça n'a pas empêché sa mère d'hurler partout "ma fille a ses règles !!!", ce qui a réveillé la grand-mère qui, pour l'occasion, est venue faire la bise à ma pote
.
Tout ça pour dire que, je pense, les règles (enfin les premières) sont vues comme un rite de passage pour devenir une femme (de même que pour certaines personnes, devenir un homme c'est coucher pour la première fois).
Du coup, tu peux peut-être lui demander si à son avis, on peut vraiment "devenir une femme" du jour au lendemain. Lui demander si elle ne se sent pas encore femme. Si à ses yeux, toutes les personnes qui ont leurs règles deviennent automatiquement des femmes. Par exemple, si elle a une amie de son âge réglée, est-ce qu'elle la voit comme une femme ? Si ce n'est pas encore le cas, si une amie à elle avait subitement ses règles, deviendrait-elle à ses yeux une femme du jour au lendemain ?
Lui demander aussi pourquoi les règles feraient plus d'elle une femme que d'autres attributs sexuels qui arrivent à la puberté, comme les seins. Est-ce que c'est justement parce que c'est du jour au lendemain ? Auquel cas, effectivement, peut-être que ça peut apparaître comme quelque chose de plus "concret", surtout si elle trouve que le temps passe trop lentement.
A ta place je pense que j'essayerais vraiment de lui en parler sous forme de questions, pour la braquer. Parce que justement elle a peut-être hâte d'être grande, auquel cas elle vivra peut-être mal le fait qu'une adulte lui explique comment elle devrait aborder ses règles.
Sinon je pense que de manière plus générale, on bassine tellement les femmes avec des "une vraie femme fait ci", "femme = mère", "femme = règles", même (il n'y a qu'à voir les commentaires sous les articles parlant des femmes qui ont choisi de ne plus avoir leurs règles)... que d'avoir ce qui peut apparaître comme un signe distinctif, indicatif de féminité net peut rassurer. Peut-être qu'elle serait aussi rassurée tout simplement de voir que tout semble "fonctionner"
Enfin, moi je suis globalement partisane de pousser les explications biologiques, parce que j'ai l'impression qu'on investit moins de sacré dans un phénomène dont on comprend très bien les mécanismes. En gros, plus un truc comme les règles apparaît comme mystérieux, plus il peut être fantasmé comme rite de passage etc.