@madmoizelle N Tu as dit que tu en voulais encore donc moi aussi je réponds !
Pour ma part, je suis blanche, cis, hétéro, mince, je viens d'un milieu cultivé où l'argent n'a jamais été un problème. Donc clairement j'ai BEAUCOUP de chance et l'intersectionnalité ne me concerne pas directement. J'ai dû apprendre.
Mais réflexion faite, même le féminisme ne m'a pas toujours été naturel : j'ai longtemps pensé que les féministes étaient extrémistes, j'étais "pour l'égalité mais pas féministe"... J'avais une image faussée du féminisme, comme beaucoup de gens. Et pas juste une mauvaise image du féminisme mainstream (avec lequel je suis toujours en désaccord) mais du féminisme tout court - et c'était bien ça le problème. En gros, je me méfiais du féminisme mais pas du tout pour des raisons légitimes comme les tiennes.
Mais mes premiers progrès, bizarrement, ne concernaient pas le féminisme. Je crois que c'est vraiment sur l'homophobie que j'ai évolué en premier. Je viens d'une famille et d'un milieu clairement homophobes, qui a longtemps influé sur moi à ce niveau-là... Jusqu'à ce qu'une de mes meilleures amies découvre son homosexualité quand j'avais 15 ans. Je ne dis pas que j'ai arrêté d'être homophobe d'un coup de baguette magique ; mais je me suis quand même vite rendu compte que j'avais été stupide : l'homophobie ne m'a pas fait remettre en question mon amitié ; c'est mon amitié qui a remis en question mon homophobie. J'ai progressivement mais rapidement arrêté d'être mal à l'aise à l'idée de l'homosexualité. Le gros du "travail" a vraiment été fait à cette époque-là, sans la moindre théorie, juste par amour pour des gens de la vraie vie. Bien plus récemment, l'histoire du mariage pour tous m'a en quelque sorte obligée à choisir mon camp une bonne fois pour toute ; et ça a achevé mon "divorce" avec l'homophobie qui m'avait accompagnée toute ma vie (ça m'a valu des gros clash avec mes parents...). Plus question de continuer à adorer ma copine lesbienne tout en me disant que le mariage c'est pas pareil parce que je sais pas quoi (honnêtement j'ai du mal à me rappeler les arguments qui faisaient alors "sens" pour moi). J'ai vraiment choisi le camp des LGBTQIA : je ne me prétends aucunement déconstruite à 100% ou quoi que ce soit ; mais maintenant je sais que je veux l'être.
J'ai tendance à penser que ça a été une première remise en question de l'hétéropatriarcat qui a sûrement contribué à me rendre plus ouverte au féminisme. Ça et le harcèlement de rue qui a commencé à me faire enrager. C'est MadmoiZelle qui m'a vraiment rendue féministe, il y a 4 ans environ (à l'époque je n'allais pas sur le forum). C'est allé assez vite : honnêtement, je crois que j'étais déjà convaincue par beaucoup de choses, simplement je ne mettais pas le doigt sur les problèmes, je n'avais pas le bon vocabulaire, et je ne voyais pas les systèmes qui sous-tendaient tout ça. Le fait que le féminisme défende
mes droits (même le féminisme TM étant donnée ma situation...) a probablement permis que je me laisse convaincre assez facilement. J'ai vite lâché les articles de MadmoiZelle sur le féminisme pour d'autres sources un peu plus approfondies.
Pour la transphobie c'est arrivé plus tard - le féminisme ainsi que les débats sur le mariage pour tous et les abcd égalité m'ayant fait m'interroger sur le genre, c'était plus facile. Je dirais que j'ai évolué là-dessus aussi grâce à madmoizelle et au forum surtout cette fois, quand je m'y suis inscrite. Par exemple, j'ai croisé de plus en plus de madz qui utilisaient l'écriture inclusive ou demandaient à être genré-e-s de telle ou telle manière, et ça a attisé ma curiosité. Sans même être convaincue au début (je me voyais pas écrire de manière inclusive, maintenant je le fais de plus en plus), j'ai lu des trucs là-dessus. J'ai aussi évolué là-dessus grâce aux autres sources que je mentionnais plus haut, de lien en lien.
Pour le racisme, la xénophobie, l'islamophobie etc. c'est encore un peu différent. Mes parents, tout conservateurs, homophobes, sexistes qu'ils sont, me paraissent étonnamment peu racistes (mais quand même racistes, hein, y'a des limites). Ils ont à ce sujet une certaine "ouverture d'esprit", surtout mon père. Il est passionné par les langues étrangères et n'établit pas de hiérarchie puante entre elles (il parle un peu arabe d'ailleurs) il admire beaucoup des philosophes non occidentaux comme Ibn Sina (Avicenne) ou Averroes (j'aurais aimé utiliser l'appellation non-latinisée mais je ne la trouve pas, désolée, j'éditerai au besoin). Il se cultive énormément et s'intéresse beaucoup à l'Islam. Il lit des textes écrits par des Musulmans, il laisse la parole aux concerné-e-s sur le sujet. Bref, je ne vais pas vous déplier le CV de mes parents, mais globalement, du point de vue de la race, de la religion et de la nationalité, j'ai l'impression d'avoir grandi dans un univers relativement "ouvert" sur ces questions-là. D'ailleurs,
après m'être fait un avis sur la question du voile, j'ai découvert que mon père était scandalisé par les délires qu'il y a en France sur le voile ; j'étais trop contente.
Mais à côté de ça, mes parents ont adoré
Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu (je l'ai pas vu, mais on m'en a raconté de belles...) donc bon
. On ne peut pas du tout dire qu'ils soient déconstruits non plus hein.
Mais pour moi, y'a quand même eu un tournant après les attentats de CH. En fait c'est assez ironique, parce qu'en janvier 2015 ont eu lieu des clash sur le forum, clash que je n'ai pas suivis. Mais j'ai constaté sur le médiateur qu'il était beaucoup question de la VPRX à ce sujet. J'ai voulu aller me faire un avis sur ladite VPRX (la si terrible VPRX
) et... ben je n'en ai pas loupé un post depuis
. Ça a été la 2e veille que j'ai suivie après la VPS, et du coup je me suis dit "Hey mais même les veilles qui ne te concernent pas directement peuvent être passionnantes et accueillantes, du coup file jeter un oeil aux autres !". C'est ainsi que je suis désormais la VP homophobie, la VP transphobie, la VP validisme, la VP végétarisme/antispécisme, la VP grossophobie, la VP classisme et la VP décroissance/écologie.
Pour le validisme aussi j'ai l'impression que mes parents sont assez cools. Du coup quand j'ai découvert par exemple la veille permanente validisme, j'y ai bien sûr appris beaucoup en lisant des concerné-e-s parler ; mais je me suis rendu compte que pour moi, les "combats" des personnes handicapées tombaient sous le sens, leur légitimité m'a tout de suite paru évidente (simplement avant je n'y pensais pas souvent, alors que maintenant j'ai une conscience plus aiguë du fait que ce monde n'est pensé que pour les personnes valides).
Mais maintenant que j'ai pris conscience de pas mal de trucs, je dirais que mes "astuces" c'est :
- faire preuve d'empathie (le féminisme me tient à coeur et peut me rendre virulente, donc pourquoi ce serait pas le cas pour les autres oppressions ?)
- lire / écouter les concerné-e-s, partir du principe que les autres ont plein de choses à m'apprendre (et non l'inverse), que ma déconstruction n'est jamais terminée
- me méfier des circuits traditionnels (médias mainstream, politiques, anti-racisme tel-qu'enseigné-à-l'école...)
Pardon c'est horriblement long
.
edit Et comme
@MorganeGirly je pense que mes études m'ont aussi aidée, dans une certaine mesure, à développer un esprit critique, à identifier un peu mieux les sophismes et les discours fallacieux...