lady-stardust-2;4603270 a dit :
Sur le thème de la grossesse à la télé, ça me fait penser à cet article de slate.fr:
à Hollywood, l'avortement mène à la mort
Je me souviens effectivement de plusieurs séries où l'héroïne ou sa copine tombe enceinte, ne veut pas du bébé, culpabilise de penser à avorter, commence les démarches pour, et, oh coïncidence, fait TOUJOURS une fausse couche juste avant, comme pour "évacuer le problème".
Ça atténue sérieusement le côté pro-choix des décisions de l'héroïne: elle veut avorter mais HEUREUSEMENT elle n'aura pas à le faire, quand même, hein.
Ça me déprime.
La fausse couche est trop souvent utilisée dans les séries/films comme ressort dramatique, mais le pire c'est qu'ils en parlent justement comme d'un événement un peu grave et terrible alors que faire une fausse couche est quelque chose de
naturel dans la vie d'une femme.
Environ 15 à 25% des grossesses finissent en fausse couche au premier trimestre, ça fait entre 1 sur 4 et 1 sur 7!
On associe souvent la fausse couche à un accident triste et grave. Or je comprends bien que des mamans puissent se sentir mal et vide après, je ne nie pas du tout la potentielle souffrance, mais le truc c'est que ça s'appelle
fausse couche pour une raison : souvent le foetus voire tout simplement l'oeuf n'est pas viable et le corps l'évacue naturellement parce qu'il ne se transformera jamais en enfant. On appelle ça une fausse couche un peu comme "fausse alerte".
Le traiter comme ce moment de destinée tragique dans les séries participe à promouvoir l'idée que le foetus est déjà en vie, qu'on peut déjà le qualifier de "bébé" alors que bien souvent, on ne peut pas parler de vie puisqu'il n'est pas viable!
Je serais déjà moins dérangée qu'on transforme l'avortement en fausse couche (et qu'on rappelle que ça reste un avortement mais "spontané") si on en profitait pour montrer qu'être enceinte ne veut pas dire dès les premières secondes "porter la vie".
A part ça, il faut garder en tête qu'on a tellement été biberonné aux bouquins, films, musique, séries des US qu'on croit que c'est aussi notre culture, que ça nous ressemble vraiment, que c'est censé être représentatif du monde qui nous entoure (puisqu'en plus les personnages ont un mode vie occidental, comme nous).
Or il ne faut pas oublier que la société américaine a quand même de gros points de différences avec nous. La prégnance du religieux sur la vie sociale et publique est incomparable avec la France, je pense même que ça peut être difficile à comprendre à quel point.
Du coup, des sujets comme l'avortement dans les séries, ça devient du vrai militantisme que d'en parler... et beaucoup de divertissement n'ont pas pour but de créer des débats conflictuels autour d'intrigues mineures de leur scénario.
Faire avorter une héroïne à qui on n'a pas donné des positions politiques bien claires risque de la rendre antipathique et de susciter des passions négatives d'une partie de l'audimat.
En France, ça ne concerne qu'une petite partie de la population. On n'a pas besoin d'être aussi "neutre" sur certains sujets de société parce qu'une majorité des gens ne le prendraient comme un sujet gravissime et ne se détourneraient pas de la série avec horreur. Aux Etats-Unis, c'est plus délicat et ça représente un vrai risque d'incompréhension du public.
Ceux qui font avorter leurs héroïnes prennent une position et ont quasiment une démarche militante en fait! Intégrer une grossesse dans le scénario n'est pas indispensable, alors décider de le faire et de la terminer en avortement, c'est une option tout-à-fait évitable... Du coup quand on fait ce choix, c'est qu'on veut vraiment évoquer le sujet.
Parce qu'on le voit avec ce qui se passe en France actuellement, même si on est pas "pro-vie" ou conservateur, être exposé en permanence à ce type de discours créé le doute. Des gens qui ne sont pas "contre l'avortement" vont quand même se sentir mal à l'aise face à ce sujet dans une fiction qu'ils aiment car le discours de "avorter = tuer un enfant" est quelque part dans leur tête et qu'ils n'ont pas envie de voir leurs personnages préférés associés à ça alors que rien n'oblige les scénaristes à le faire.
Je ne dis pas du tout que ça justifie le rejet de l'avortement à l'écran! Mais c'est vrai que la société US est traversée de grosses crispations qui ne sont pas (encore) les nôtres et qu'il ne faut pas l'oublier car à force d'être exposés à leur production culturelle, on l'est à leurs idées... et elles nous risquent d'influencer notre façon de voir le monde malgré nous.