Faut que je sois honnête je viens de lire ton message avant de partir au boulot donc c'est pas la lecture la plus approfondie qui soit... mais l'étude que tu détailles se limite aux populations carcérales ou pas ? (c'est l'impression que j'ai eu en te lisant, j'ai pas eu le temps d'aller voir les articles
)
J'ai un peu résumé en vrac effectivement
Alors je n'ai pas lu l'étude mentionnée par les journalistes vu qu'elle n'est pas en accès libre (mais si quelqu'un a accès aux sites universitaires où elle est publiée, qu'elle n'hésite pas à jeter un oeil!). Mais les journalistes ont l'air de se référer à d'autres populations que la population carcérale. De ce que j'ai compris de leur compte rendu, seules les statistiques gardiens de prison/détenus sont relatives à la population carcérale. Le reste concerne des sondages et d'enquêtes auprès d'étudiants et d'Américains "ordinaires" notamment.
Donc la statistique "lorsqu'un homme a été contraint à une pénétration, il l'a été à 80% par une femme", je la comprends comme une statistique se référerant à la moyenne des hommes et non aux détenus.
J'ai parcouru aussi l'article plus ancien que j'ai mis en lien et qui a été écrit directement par la même chercheuse. Elle a commencé par étudier la situation dans les prisons donc elle parle des viols d'hommes en prison mais également des viols d'enfants garçons dans cet article. Donc elle ne s'intéresse clairement pas qu'à la population carcérale.
mais d'un autre côté je ne pense pas que cela invalide la culture du viol,
Je sais pas comment bien l'expliquer, mais j'ai la sensation que les mécanismes sont différents, même si tout ça relève d'une seule et même chose : le patriarcat. Donc quelque part même si ils ont raisons de le mettre en avant car c'est peu connu, les masculinistes ont torts de s'en servir pour justifier que "les femmes, ces grandes oppresseuses et castratrices du XXIème siècle", c'est pas un concours à quel genre aura le plus de pourcentage de viols par l'autre de toute façon, et tout ça relève toujours du même problème : les stéréotypes de genre induits par la société. Je ne pense pas que cela invalide tout ce qu'on pense du viol, ça vient s'y rajouter, et pour moi ça renforce mon impression que le patriarcat est un véritable danger pour tous.
Alors en fait, je ne pense pas que ça invalide la notion de "culture du viol". Au contraire, je trouve que ça renforce la pertinence de cette grille de lecture analytique parce que ça démontre que le respect du consentement est cruellement déficient de partout.
En revanche, ça me fait personnellement réfléchir au lien entre culture du viol et patriarcat.
Quand on parle de culture du viol, on dit que c'est un produit du patriarcat et donc de la domination masculine. Parce que c'est ça le patriarcat, une société dominée par les hommes cisgenres. Donc quand on utilise la notion de patriarcat et la grille dominant/dominé, ça veut dire qu'il y a des victimes et des bénéficiaires de certains privilèges.
Ainsi, quand des personnes qui
pourraient être des dominants prennent un retour de bâton, on dit que c'est toujours à cause du système. Par exemple, si un homme voit peu ses enfants alors qu'il aimerait les voir plus, c'est à cause du patriarcat parce que ce rôle auprès des enfants est imposé aux femmes. Si un homme est moqué pour des pratiques perçues comme "féminines", c'est à cause du patriarcat parce qu'il adopte le comportement d'un dominé, menace donc le système et mérite d'être traité comme un dominé.
Donc dans la même logique, on dit souvent pour le viol des hommes que c'est
également un produit du patriarcat. Et cet argument est parfaitement étayé quand les hommes sont violés par d'autres hommes : dans ce cas, les agresseurs utilisent leur pouvoir patriarcaux et la victime est une sorte de victime collatérale. C'est pourquoi on s'imagine souvent que les hommes gays sont plus souvent victimes de viol que les hommes hétéros qui bénéficient plus du patriarcat. On peut également dire que refuser d'admettre qu'un homme puisse être victime est un effet du patriarcat car il n'est pas acceptable qu'un homme soit traité comme un dominé.
Mais quand un homme est violé par une femme? Où est le lien avec le patriarcat? C'est là où ça bloque pour moi. Aucun homme ne bénéficie de privilège si l'agresseur est une femme. Il n'y a là aucune manifestation de la domination masculine. Au contraire! Par exemple, dans l'histoire vraie que j'ai mentionné, il n'y avait aucune transgression des genres. Le garçon était jugé parfaitement viril selon les critères sociaux et a priori, la fille était parfaitement "féminine". Ils ont commencé la soirée en étant dans leurs rôles genrés, et après l'agression, l'histoire a continué à se dérouler en respectant les codes des genres. Donc socialement, il restait "le dominant". Pourtant, dans l'intimité, c'est elle qui a abusé de lui. Je ne vois aucune explication liée au patriarcat là-dedans. Et le seul rapport de force c'était qu'il dormait et elle non. Il n'y aucun autre rapport de domination dans cet épisode.
C'est possible qu'elle ait agi ainsi parce qu'elle était persuadée que les hommes "ont toujours envie" mais dans ce cas, ça me parait être moins le patriarcat que les stéréotypes genrés (même si les deux ont un lien bien sûr, mais je ne pense pas que ce soit 100% équivalent car les stéréotypes genrés donnent du pouvoir aux hommes
grâce au patriarcat... si l'échelle des valeurs était inversée, ils n'auraient pas ce pouvoir alors que les stéréotypes pourraient quand même exister).
Du coup, j'aurais tendance à dire que la culture du viol découle de notions qui sont en partie façonnées par le patriarcat mais ne sont pas exactement équivalentes. Par exemple, les stéréotypes de genre, les injonctions sexuelles et l'hétérocentrisme (qui fixe les hommes et les femmes dans des rôles précis, considère donc l'homme gay comme un potentiel prédateur et la femme lesbienne comme inoffensive).
Mais au final, le "monstre à combattre" dans la culture du viol, je ne suis pas si sûre que ce soit "la patriarcat" et "la domination masculine". Parce que si une grande partie des hommes peuvent également être violés par leurs copines/compagnes/femmes dans l'intimité, alors la grille de lecture "patriarcat" ou "dominant/dominé" me parait assez défaillante pour combattre le phénomène. Et j'imagine alors qu'elle n'est pas non plus si efficace pour protéger les femmes puisque les conditions ont l'air relativement similaires pour les deux genres.
Je précise que c'est juste un questionnement car je n'y pensais pas trop comme ça avant de lire ces articles.
car certains cas de viols n'existent peut être pas dans le pourcentage d'hommes violés par des femmes : le viol punitif, le viol en tant de guerre ?
Comme je l'ai brièvement mentionné pour les agressions sexuelles dans la sphère publique, je pense effectivement qu'il faut distinguer les contextes.
Je doute fortement que les hommes soient massivement victimes d'agressions sexuelles par des femmes dans la rue ou les transports en commun et qu'on en sache rien vu comme ils ont l'air d'avoir du mal à comprendre le concept du harcèlement de rue. En fait, l'agression sexuelle dans l'espace public, le viol punitif ou en tant de guerre, il y a une dimension politique dedans, c'est une façon de ramener la victime à la place "sociale" que lui donne son genre et de donner à l'agresseur une place de dominant socialement. Donc là, je suis d'accord que la grille patriarcat ou dominant/dominé fonctionne.
Et je suppose que les perpétrateurs de viols de guerre n'épargnent pas complètement les hommes mais je suppose que les violeurs sont majoritairement masculins du fait de la proportion d'hommes parmi les combattants armés.
- Cependant, il n'est pas à exclure que lorsqu'il y a des femmes dans certaines armées, certains processus de domination impliquent d'envoyer ces femmes violer les hommes "conquis" et que ces hommes aient trop honte pour témoigner.
TW: viols de guerre, prison Abu Grahib
Par exemple, il a été prouvé que plusieurs femmes soldats américaines ont participé à des actes de torture, à des scènes sexuellement humiliantes pour les prisonniers à la prison d'Abu Grahib en Iraq, voire ont assisté à des viols d'hommes en prenant des photos. Je ne sais pas si l'enquête a vraiment tout découvert mais il est fort possible que certaines aient carrément participé à ces viols. Souvent, les femmes condamnées, comme Lynndie England, ont été médiatisées comme liées à des hommes. Par exemple, la relation amoureuse de Lynndie England avec un autre soldat et son mariage avec un deuxième homme ont fait couler beaucoup d'encre. Il y avait une forme de récit qui se créait, celui de la femme amoureuse qui commet des crimes graves par passion. Alors qu'elle a déclaré elle-même que les ennemis des US méritaient un tel sort. Son geste était probablement plus politique que sentimental.
Donc souvent, on parle des femmes placées dans cette position comme des auxiliaires. Mais peut-être qu'elles parviennent tout simplement mieux à se "vendre" comme de simples assistantes, entrainées par des hommes violents et que dans les faits, elles auraient été toutes aussi abusives si elles avaient été dans une division exclusivement féminine?
Fin Abu Grahib
Mais bon, malgré tout je pense que les agressions de l'espace public concernent quand même largement les femmes et il me faudrait des statistiques bien sérieuses pour remettre ça en cause. Parce que pour le coup, il y a réellement un discours politique qui associe contrôle des femmes et menace du viol.
C'est plutôt le viol de la sphère privée qui me parait relever d'une grille analytique un peu différente, même si la chercheuse parle beaucoup du viol en prison...