Oui entre temps j'ai des copines qui m'ont parlé de cette histoire et elles avaient toutes entendu la version erronée de l'histoire. C'est fou quand même ! Du coup j'ai pu leur expliquer vite fait grâce à toi. Je te remercie d'autant plus que je me rends compte que décidément, sans toi je n'aurais jamais entendu toutes ces précisions.
C'est vraiment très dommage que les médias présentent les choses comme ça parce que ça empêche de comprendre la manière dont la Russie gère sa relation aux genres.
Poutine était très populaire auprès des femmes au début de sa mandature, et c'est justement parce qu'il donnait une image "saine" des hommes : viril mais pas alcoolique, ni violent envers les femmes.
La chanson kitsch et qui a cartonné en Russie "Je veux un homme comme Poutine" mettait justement ça en avant :
(oui oui cette chanson est réelle)
Donc son sexisme n'est pas basée sur une oppression simpliste où il donne les pleins droits aux hommes pour violenter les femmes. C'est beaucoup plus subtil.
Le discours public, et celui de Poutine, c'est que les femmes "sont des reines", et bah il se trouve que tu vas pas t'amuser à tabasser une reine. Mais en revanche, tu peux estimer que sa nature ne lui permet pas de travailler une fois mariée, qu'elle est merveilleuse avec les enfants, et que c'est son rôle de gérer les tâches domestiques. Et tu peux t'arranger pour présenter le tout dans un magnifique paquet cadeau essentialiste et ainsi entrainer beaucoup de femmes à soutenir activement ton sexisme, parce que tu leur expliques que la place naturelle des femmes est formidable. Or, c'est beaucoup plus difficile à faire avaler quand tu trouves également normal la violence contre ces femmes merveilleuses.
Et le buzz médiatique pour moi c'est le symptome du féminisme superficiel des journalistes. Tout le monde est contre la légalisation des violences domestiques en Russie ou de la lapidation des femmes en Arabie Saoudite. Mais quand il s'agit de se pencher sur les discours et les pressions sociales moins visibles et moins caricaturales que le méchant-arabe ou Poutine-le-Dictateur-vraiment-dangereux, bah ya plus personne pour proposer des analyses ou donner la parole aux personnes sur le terrain.
Ils étaient où tous ces journalistes à buzz pour parler des violences domestiques en Russie quand l'amendement a été passé en 2016? Peut-être qu'ils auraient été plus utiles à SALUER la Russie d'avoir fait un pas en avant l'été dernier tout en soulignant le danger présenté par les conservateurs, plutôt que de lui tomber dessus aujourd'hui avec plein d'erreurs et d'approximations. Peut-être que si les médias européens avaient dit du bien d'un geste de Poutine pour une fois, il se serait senti un peu plus obligé de défendre l'amendement progressiste dans l'espoir d'être présenté comme un défenseur des femmes. Et peut-être que si les journalistes européens s'étaient plus intéressés au fait que la Russie renâclait depuis des années à passer une législation, ça aurait fait un peu plus d'effet. Là, ils débarquent totalement, genre ils savaient même pas qu'il y avait un problème législatif sur le sujet avant aujourd'hui!
Et TOUS les journaux se basent sur des sources anglophones, souvent des journaux anglais. Personne ne cite de sources russes! C'est vraiment léger comme boulot quoi... C'est limite du "quelqu'un a dit à un de mes potes que Poutine avait fait ça, je vous mets un lien".
ceux que je préfère, ce sont ceux qui expliquent qu'il faut "séparer l'artiste de la personne privée", quand on sait que l'agression a eu lieu lors d'une séance photo (dans le cadre pro donc) et que l'argument de défense numéro un c'est "non mais il a du talent", c'est assez ironique... (puis séparer l'homme de l'artiste c'est gentil, mais les royalties, ils tombent dans la même poche)
Totalement d'accord avec ta première partie de phrase. En plus, je vois pas comment on peut faire cette distinction pour certaines de ses oeuvres qui s'inspirent directement de sa vie comme
Le Pianiste qui raconte une histoire proche de la sienne,
Tess adapté du roman que sa femme lui avait suggéré de transformer en film la dernière fois qu'il l'a vue avant qu'elle soit assassinée (et qui ressemble au parcours de vie de l'actrice principale), et la noirceur de certains de ses films peut également s'expliquer par ce qu'il a vécu.
Après, je suis pas totalement contre l'idée de séparer l'artiste de la personne privée dans la reconnaissance faite à l'oeuvre. Enfin, je pense pas qu'on puisse les SEPARER car la personne explique l'oeuvre, mais je ne pense pas qu'on doive nécessairement juger la qualité de leur travail à l'aune de leur comportement. Je considère qu'un film comme
Le Pianiste mérite totalement la Palme d'Or du Festival de Cannes et je ne m'offusquerais absolument pas si on la décernait à nouveau à Polanski. Je ne suis pas réellement pour le boycott des artistes qui ont un comportement problématique dans la vie privée parce qu'on ne peut pas se contenter d'oeuvres d'art de personnes irréprochables, j'ai peur qu'on se retrouve avec une sorte de purge artistique et qu'on explore plus certaines choses.
Mais je reconnais qu'un artiste bénéficie financièrement et socialement de la reconnaissance de son oeuvre. Donc je dirais que si quelqu'un a payé pour ses actes, on a le droit de pas lui pardonner, mais je pense pas qu'on devrait l'ostraciser ou rejeter toutes ses créations.
Et je suis aussi d'accord qu'on peut pas soutenir une attitude problématique
pendant la création de l'oeuvre concernée (du genre s'il avait battu des gens pendant le
Pianiste, bah ça devrait pas recevoir une Palme d'Or à mon sens).
Le problème dans cette Présidence pour moi, c'est que c'est un titre honorifique. On ne salue pas une belle oeuvre de Polanski, on salue l'homme. Et on ne peut donc pas fermer les yeux sur son passé et le fait qu'il nie toujours que coucher avec une fille de 13 ans ait pu être un viol, alors que c'était il y a 40 ans.
Je ne suis même pas pour un ostracisme à vie de Polanski. Sa victime ne veut pas ça. Si elle estime qu'on peut pardonner à Polanski après 40 ans et qu'il a purgé sa peine (il a fait un peu de prison), c'est pas à moi de décider qu'il mérite d'être exclu pour l'éternité de la place publique.
Par contre, je suis choquée qu'on demande de passer l'éponge alors que jamais personne dans le monde artistique ne l'a tenu responsable de ses actes, alors qu'il avait totalement reconnu avec eu une relation sexuelle avec sa victime. Je suis choquée qu'on l'honore comme ça, comme si de rien n'était, sans qu'il ait à affronter la machine judiciaire une fois pour toute, qu'on le défende comme si la vraie victime c'était lui, qu'il bénéficie de tous ces égards sans qu'il ait jamais cherché à enseigner aux autres hommes que son attitude était inacceptable.