Elle a notamment eu cette phrase qui m'a choquée et que France Inter a tweeté par la suite. "Ce qui est arrivé à Théo était une atteinte à sa masculinité."
Qu'a-t-elle voulu dire, aucune interprétation qui me viendrait à l'esprit est exempt de clichés et de représentations des genres stéréotypées. Ça m'a piqué fort les oreilles.
Le viol est-il donc une agression qui est réservée aux femmes et remet en question la masculinité des hommes ? La pénétration est-elle perçue comme typiquement réservée aux femmes et atteint les hommes dans leur essence lorsqu'ils en sont victimes ? Un homme qui a une pratique du plaisir par pénétration remet-il en question sa masculinité ?
Je ne pense pas que France Inter ait tweeté cette phrase parce qu'ils sont en désaccord avec elle, je n'ose penser qu'ils partagent ces représentations là, alors qu'ai-je loupé ?
Alors je ne sais pas dans quel contexte elle a fait cette déclaration mais ce n'est pas complètement aberrant. Le viol est crime dont la perpétration est fortement imprégnée de stéréotypes de genres et de stéréotypes hétérosexuels.
Or, dans le cas du "viol punitif" (qui est clairement ce qu'a subi Théo), l'idée du violeur est de "remettre à sa place" sa victime, et généralement c'est à sa place de femme dominée quand c'est une femme, ou de lui montrer qu'il est tout autant dominé quand c'est un homme. Et quelle est la meilleure manière de signifier à un homme qu'il est dominé? En le traitant "comme une femme".
Or, la sodomie est associée aux pratiques homosexuelles, qui sont souvent vu comme des pratiques effeminées (puisqu'un homme prend supposément le rôle de "la femme"). C'est une pratique très très connotée pour beaucoup d'hommes hétéros, à tel point que nombre d'entre eux sont fascinés par l'anus de leur femme mais refusent obstinément qu'on touche même leur propre fessier, alors se faire toucher l'anus n'imaginons pas le drame, tant ils ont peur de passer une barrière mystérieure qui les rendraient très efféminés. Et ce n'est pas que se faire toucher les fesses ou l'anus par quelqu'un qu'ils désirent ne leur plait pas d'un point de vue sensations, non, au contraire plusieurs d'entre eux PANIQUENT s'ils ressentent une sensation agréable parce qu'ils craignent d'être vus comme "gays". Et même s'ils ne se le disent pas explicitement, certains hommes qui ne rechignent pourtant pas à toucher l'anus de leur partenaire jugent le leur intouchable comme une évidence qui si'mpose.
Donc quand les policiers ont violé Théo, ils lui ont clairement signifié "c'est nous les dominants" et ils ont estimé inconsciemment, en tant que mecs cis bien imprégnés de stéréotypes de genre, que la meilleure manière d'humilier un homme était de lui montrer sans doute possible qu'il était traité comme une femme, et par là "atteindre Théo dans sa masculinité". Il y a certains milieux professionnels qui se construisent pas mal autour des stéréotypes de genre, généralement les milieux où on utilise la force, où on exerce un certain ascendant sur les autres et où les équipes sont largement masculinisées, comme le milieu de la Police. Et dans ces milieux là, défendre sa virilité devient un comportement clé. Pas étonnant donc qu'ils aient spontanément eu le sentiment que remettre en cause la masculinité d'un homme va le détruire.
C'est aussi parce qu'il y a cette symbolique de la sodomie qui humilie les hommes que
beaucoup d'hommes souvent vagument compatissants mais pas plus aux problèmes vécus dans les banlieues ou à d'autres viols ont été bouleversés et choqués en entendant parler de ce qui était arrivé à Théo, ils se sont sentis directement
concernés, ils ont imaginé la scène qui leur arriverait à eux, ce qui est assez rare dans les affaires de viols.
Bref, peut-être que ce n'est pas du tout comme ça que la phrase a été utilisée sur France Inter mais elle est loin d'être aberrante en elle-même!