destynova;4625836 a dit :
Et donc j'imagine qu'il n'y avait aucune femme qui voulait la place? (ou en tout cas une personne h/f ayant un peu d'expérience sur le sujet?)
Et sa place est définitive?
C'est fou on se pose toujours la question de la compétence pour les femmes et là de toute évidence il ne l'a pas : / en plus on en a déjà parlé de cette idée qu'ont les gens qu'ils peuvent tous être experts sur des questions de sexisme (racisme/homophobie j'imagine que c'est un peu pareil) sans avoir jamais rien lu. Ya vraiment un problème là dessus parce qu'en conséquence c'est toujours traité en surface, un peu par dessus la jambe, comme s'il n'y avait pas de problématiques qui méritent d'être traitée en profondeur, qui nécessitait des connaissances, une expertise (ou une certaine forme d'intelligence hum hum)
mamiecaro;4625851 a dit :
@morganegirly : juste comme ça : qui a pris la décision de mettre ce mec à cette position ? (Et quand je dis "qui", je veux évidemment dire "quel-s genre-s" ?) Est-ce une décision de groupe, si oui, le groupe est-il majoritairement composé d'hommes ?
En fait, le groupe de "décideurs" est à peu près équilibré : environ moitié femmes/moitié hommes je dirais.
Par contre, le "chef" est un homme : c'est lui qui a monté la structure, rassemblé les gens, c'est encore lui le moteur, bref c'est vraiment le chef d'orchestre. C'est un mec super intéressant et il faut vraiment des gars comme lui à Maurice, ce n'est pas du tout ça mon problème.
Par contre, c'est vrai que ça a tendance à toujours revenir sur lui quand il s'agit de prendre une décision. Le problème à Maurice c'est que les gens n'ont pas forcément une grande expérience et réflexion théorique, du coup, c'est le "chef" qui sait mieux que tout le monde de quoi on parle et les gens ont tendance à se rallier à ses décisions sans trop les questionner. Il travaille au quotidien avec une assistante mais elle débute et elle est super jeune donc pour le moment, elle axe son boulot sur le travail pratique et laisse la stratégie au chef.
Du coup, c'est surtout lui qui décide que telle personne serait bien ici ou non. C'est lui qui a suggéré un peu à l'arrache que le gars soit responsable de la Commission Femmes parce qu'on avait personne et j'avais immédiatement réagi "Pas tout seul en tout cas! Il faut une femme!". Je pense que depuis, personne n'a re-discuté du truc et il a donc décidé de foutre le gars là malgré tout avec les gens à qui il a proposé qui ont dit "ok".
Le truc aussi c'est que je ne crois pas que des femmes ont dit "je veux le faire" mais dans le même style, elles n'ont pas choisi leur Commission. On leur a dit : toi tu fais les enfants (lol), toi tu fais ça... Du coup, on aurait pu en récupérer certaines d'autres commissions et les mettre chez les Femmes! Parce que dans certaines commissions, ya déjà 3 responsables!
Et je pense qu'il y a des personnes plus expérimentées que lui mais c'est un peu vrai je pense que le responsable estime qu'il suffit d'être "humaniste" pour bien parler des droits des femmes, genre du moment qu'on a de la sympathie pour une cause, on peut devenir son porte-parole.
Bon le point positif c'est que j'ai dit "je me suis plainte" mais je l'ai fait dans les formes : les gens sont réceptifs mais je sais que je peux pas parler comme je parle ici parce qu'ils risquent d'être paumés :
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: Donc j'ai dit en gros dans un mail collectif "
ce serait bien pour lutter contre la domination masculine la parole des personnes discriminés et l'emporwement tout ça qu'on ne se contente pas d'un incompétent spécialiste de la théorie et qu'on mette en plus quelqu'un qui sache ce que c'est que de se faire harceler dans la rue, traiter comme un chien, pincer les seins vivre l'expérience au quotidien!"
Et une des femmes les plus âgées du groupe (et donc celle qui se sent la plus légitime pour parler) vient juste de répondre qu'elle était d'accord avec moi et qu'il faut qu'on soit un peu crédible.
Bon j'espère que ça va finir par bien évoluer tout ça!
Enfin voilà voilà mes petites expériences associatives palpitantes! Mais j'ai vraiment des sueurs froides avec le sujet des femmes (je sais que le "chef" pense que les femmes sont des êtres supérieurs de paix et d'amour donc ça m'aide pas beaucoup à me détendre)
mamiecaro;4625851 a dit :
au fait, je n'avais pas eu le temps de répondre à ce que tu disais sur l'intersectionnalité, et je suis d'accord qu'un gros problème que j'ai, c'est que l'écrasante majorité de mes sources sur le féminisme intersectionnel viennent des Etats-Unis...
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En se baladant de lien en lien, on tombe toujours sur des choses écrites par des femmes américaines, et c'est dur de s'en extraire - sur tumblr, par exemple, je suis abonnée quasiment qu'à des tumblr d'américain-e-s et des françaises - j'aimerais suivre des féministes d'autres pays, mais ça me consomme déjà tellement de temps, et je n'arrive pas à me résoudre à me désabonner de qui que ce soit, tant tous ces tumblrs sont passionnants. Bref, j'entends bien cette critique, malheureusement dans l'immédiat, je n'arrive pas à couper de temps sur mes sources actuelles. Il faudrait vraiment que je fasse un effort de ce côté-là. Donc pour répondre à ta question, non, je n'ai rien lu de non-occidental sur le sujet.
Après, sur ta critique "je n'ai pas lu énormément sur l'intersectionnalité mais je voulais aussi en profiter pour dire que je suis pour l'instant assez déçue parce que ce que j'en ai lu m'a souvent paru moins universel que prévu" : l'intersectionnalité n'a pas pour but d'être universel, mais justement d'abandonner l'idée qu'il existe une expérience universelle - là où effectivement, comme tu le remarques, il y a parfois un manque, c'est dans la contextualisation. Sur le tumblr de GradientLair, par exemple, elle passe son temps à contextualiser ce qu'elle dit, à rappeler qu'elle parle de femmes noires américaines, et elle raconte comme des gens essayent d'effacer ce contexte, en rajoutant que tel truc est vrai pour "toutes" les femmes, en sélectionnant des passages qui peuvent passer pour "universels"...
Au contraire, l'intersectionnalité a pour but de mettre en lumière la façon dont la façon dont les individus subissent les oppressions sont spécifiques à chaque cas particulier. Donc c'est logique que des écrits sur l'expérience de femmes noires américaines ne puisse pas parfaitement s'appliquer à la réalité de l'Île Maurice. Mais du coup, la question est : existe-t-il des féministes mauriciennnes intersectionnelles ? En faisant une recherche Google rapide, je vois le nom de Rada Gungaloo ?
En fait, je voulais dire plutôt "inclusif" que "universel", désolée j'ai écrit trop vite.
Concernant l'Ile Maurice c'est un peu compliqué car la société est déjà hyper fragmentée entre les communautés. On en peint souvent une image idyllique de multiculturalisme mais dans les faits, c'est du communautarisme au quotidien.
Les gens se considèrent souvent de telle ou telle communauté (qui est un mélange entre l'origine et la religion) avant de se dire Mauricien. Du coup, il y a des stéréotypes et des tas de clichés qui circulent sur les autres, avec beaucoup de défense d'intérêts communautaires et la classe politique qui utilise ça à son profit.
Dans la réalité, les gens les moins sensibles au communautarisme sont ceux issus de la bourgeoisie intellectuelle : leurs enfants sont plus susceptibles d'avoir grandi ensemble, d'avoir fait la fête ensemble et finalement de se mettre en couple ensemble sans trop se préoccuper des origines. Et sinon, il y a les Mauriciens qui ont été éduqués à l'étranger ou qui font partie de la diaspora et son revenus au pays.
Donc c'est surtout ces deux catégories qui pourraient produire des militants féministes intéressés par l'intersectionnalité (et ils sont quand même assez nombreux, il y a une bonne classe moyenne ici).
Mais le communautarisme est un vrai barrage à l'intersectionnalité je pense... et le rend d'autant plus nécessaire!
Et puis je pense que ce type d'angle est important car seuls 2% des citoyens sont d'origine européenne, les autres sont originaires du continent africain ou asiatique avec des religions comme l'hindouisme qui sont majoritaires dans la société. Du coup, les femmes d'ici ne sont pas exactement dans les mêmes problématiques qu'en Europe, d'où le fait que je comptais un peu sur une vision intersectionnelle pour être plus pertinente au contexte mauricien (ou plus simplement non-occidental).
Du côté des féministes, j'en connais quelques-unes mais bon, c'est un petit pays (1,5 millions d'habitants), ça limite! Le féminisme n'est pas aussi développé qu'ailleurs.
Et parfois, je sais pas si c'est un problème de langage (parce que la vraie langue maternelle des gens c'est généralement le créole, le français et l'anglais n'étant que des langues usuelles) mais j'ai entendu des femmes qui avaient des discours féministes avoir d'autres discours bizarres comme lorsqu'elles parlaient du "problème du lesbianisme chez les adolescentes" (d'après ce que j'ai compris, elles voulaient dire que les relations lesbiennes sont un problème quand elles ne sont pas vraiment voulues... sauf que du coup, j'ai pas trop compris pourquoi avoir insisté sur la notion de "lesbianisme" plutôt que sur le consentement).
Une féministe très connue c'est Lindsay Collen, originaire d'Afrique du Sud, qui a écrit
Le Viol de Sita entre autres choses mais je ne suis pas sûre qu'elle soit intersectionnelle... Après il y a des mouvements comme le MLF mauricien mais ils n'ont pas forcément une grande notoriété...
Bref, voilà, j'ai un peu de mal à bien connaitre la pensée féministe d'ici car ce n'est pas hyper médiatisé et structuré mais je pense que des écrits étrangers ayant un point de vue non-occidental ne pourrait que faire du bien aux mouvements féministes locaux!