mamiecaro;4630587 a dit :
fautpaspousser;4630545 a dit :
Merci pour vos réponses
Je sens bien que c’est pas tout à fait clair dans mon esprit, parce que j’ai l’impression d’être aussi d’accord avec vous.
@
DestyNova En effet, je suis tout a fait d’accord, la justice fait partie intégrante de la société, ce n’est pas un élément à part, et du coup elle reste traversée par nos structures de pensées.
Quand je parlais d’une justice « au cas par cas », c’est en opposition avec une justice qui distribuerait des peines en fonction d’un tableau fixe d’attribution des peines (très belle syntaxe !) genre « un crime, c’est 10 ans, un viol c’est tant, un vol de sac à main c’est tant, un fauchage d’OGM c’est tant … ». A l’inverse, notre justice est censée prendre en compte ce qu’on appelle des circonstances atténuantes, des bonnes conduites, etc …
@
Tardigrade , juste je ne parle pas de « surcharger pour rien », j’entends bien qu’on ne parle de « rien » mais d’actes graves … Et je préférerai ne pas parler non plus de « citoyen à la moralité normale ».
Mais sinon, j’avoue avoir du mal à contredire vos arguments … (parce qu’elles ont raison peut être ? me dit-on à l’oreillette
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).
Et pourtant je reste sceptique.
Vous parlez globalement toute les deux de l’importance du message à transmettre. Le message est donc :
plus votre acte est grave, plus vous devez faire de la prison. Et c’est là que le bas blesse pour moi. Je vois bien que ça parait logique, mais ça ne l’est pas pour moi.
Mais je vois bien que j’ai du mal à expliquer pourquoi, d’autant plus dans la mesure où une partie de moi trouve que également ca tombe sous le sens. Et pourtant je pense que la prison n’est pas forcément le moyen le plus adapté de « transmettre ce message » au reste de la société.
Il me reste à imaginer ce qui pourrait l’être !
J’ai pas l’impression d’avoir pousser assez loin ma reflexion pour vous répondre complètement, mais merci de vos réponses qui en tout cas me permettent de me faire cogiter !
J'ai l'impression de passer mon temps à poster des liens de Crêpe Georgette ici, mais elle a fait récemment une note qui rejoint parfaitement ton questionnement - qui est totalement valide, car si la "solution" au viol est la prison qui ne règle rien à part qu'elle envoie un message et coupe la personne de la société, au fond on n'avance pas vraiment... La note est
ici.
Le problème au fond, c'est que notre société n'offre aucune alternative à la prison. On considère que l'individu est "cassé", irréparable, et que le punir va l'empêcher de récidiver, ce qui est une bonne grosse blague - dans le cas de Cantat, après sa sortie de prison, il était toujours aussi violent, ce qui a poussé sa femme, Kristina Rady, au suicide, hein, pour rappel. Mais s'il était resté en prison plus longtemps, je doute fort qu'il en soit ressorti moins dangereux (j'ai un gros doute sur le fait que l'environnement carcéral encourage des valeurs de respect et de pacifisme). Il aurait eu moins de temps pour foutre en l'air la vie d'une autre femme, en revanche... Bref, il n'existe pas de réponse simple à ce genre de problème tant que notre société sera basée sur des axiomes faux (comme "la prison est une bonne -voire la seule - solution à la criminalité").
Et @fautpaspousser
Ben je suis bien d'accord. Mais si 98% des violeurs ne passent pas un jour en prison, c'est pas parce que la prison n'est pas une solution a la violence. Si les mecs des procès des tournantes de Creteil n'ont quasiment pris que du sursit, et les autres ont été acquittés, c'est pas en attendant de trouver des peines plus adaptées. Si récemment un mec accusé de viol par 3 femmes a été acquitté, c'est pas parce qu'on s'est dit qu'une peine ferme ça ne changerait pas son comportement. Et c'est là tout mon propos.
Je ne dis pas qu'avec 30 ans de prison, le problème de la violence de Cantat aurait été résolu, mais que, prison ou non (c'est pour ça que j'ai précisé peine "sociale" aussi, on peut imaginer d'autres types de condamnation) si on n'envoie jamais à la société comme message que les personnes qui commettent ces violences sont punies, voire qu'elles sont favorisées par rapport a d'autres crimes pour lesquels la loi est appliquée plus sévèrement, ben on dit juste aux autres que la voie est est libre.
Je ne dis pas qu'il faut punir sévèrement absolument, mais qu'on a construit un système d'une certaine façon et qu'on montre qu'il est comme par hasard laxiste avec une certaine catégorie de victimes/agresseur et que ça peut aider à contribuer à l'idée générale que les crimes sur ces personnes sont moins graves.
Ensuite comme je l'ai dit je veux bien entendre cette réflexion dans un cadre plus général, mais le fait qu'on me le ressorte systématiquement et uniquement dans le cas de Cantat ben ça m'interroge et ça me fait penser à CNN qui s’apitoie sur les pauvres jeunes sportifs blancs riches violeurs "en plus la prison ça résoudra rien, ils vont avoir la vie dure pour rien". Certes, mais si RIEN d'autre n'est proposé pour le moment, filer du sursit a tous les violeurs (comme c'est souvent le cas) c'est juste leur laver les mains sur le dos de leurs précédentes ET futures victimes
Je donnais l'exemple des femmes qui sont en moyenne beaucoup plus lourdement punies aux US pour les mêmes crimes, j'ai jamais lu une ligne à leur sujet sur le fait que la prison n'était pas la bonne solution (au passage, dans 31 états des US par exemple,
la loi autorise les violeurs à poursuivre en justice leurs victimes tombées enceinte pour avoir la garde des enfants ou des droits de visite, il est vraiment temps de se demander QUI la justice défend elle).
Peut-être que la prison n’empêche pas le crime mais on le sait que protéger l'agresseur c'est un des mécanismes de la culture du viol. Beaucoup de victimes qui portent plainte espèrent une condamnation pas juste par sécurité de savoir leur agresseur à l'ombre mais aussi pour se déculpabiliser, se prouver que la victime est bien la victime et pas le contraire. Si elles se tournent vers la justice c'est parce que c'est sensé être une forme de recours "publique" qui permet de faire reconnaitre officiellement le statut de victime/agresseur, vis-à-vis d'elles mêmes et de la société. Les tribunaux ont toujours eu un rôle social.
Si on met en place un autre système, pourquoi pas, mais dans l'état actuel des choses, en négligeant les victimes, on leur dit que bon, quand même, c'était pas si grave que ça, et au passage, on les traite en coupable et on leur fait porter la responsabilité. Et c'est pas pour rien que les viols/violences font partie des crimes les moins signalés, les victimes sont découragées d'avance. Et victimes qui ne peuvent pas s'exprimer = terrain libre pour les potentiels agresseurs. Donc qu'on le veuille ou non, la condamnation (ou plutôt son absence ou sa minimisation) SONT des messages.
Toutes les décisions qu'on prend sont perçues par les autres, et ce message/geste est d'autant plus fort/symbolique qu'il est émis par un grand groupe de personnes (les hommes qui harcèlent, violent, battent par exemple sont un message quotidien aux femmes), une institution (un tribunal), ou une célébrité (parce son cas a plus de chances d’être visible et donc de donner une forme de représentation type d'une situation).
Je suis pas un cow-boy je ne suis pas en train de dire qu'il faut les pendre haut et court "pour l'exemple", c.est pas dans ce sens que j'entends le terme de "message". C'est plutôt dans le sens que l'inertie de la société face aux violences envers les femmes + même en cas de recours a un tribunal public une faible ou pas de condamnation = on laisse indirectement savoir que dans le cas ou ce crime se reproduirait ben il ne se passerait surement pas grand chose non plus (c'est d'ailleurs ce qui se passe).
S'il y avait d'autres alternatives ok mais là, l'alternative ultime pour la victime ben elle finit direct au fond de la poubelle. Et ça c'est un message pour tous les hommes et toutes les femmes.
DANS L ÉTAT ACTUEL DU SYSTÈME les peines qu'on donne sont aussi représentatives de l'accusé que de la victime. Et pénaliser systématiquement moins quand la victime est une femme, c'est dire que c'est moins grave à l'agresseur (avant même qu'il ne commette un crime) et a tous les autres. Parce que pour l'instant la principale alternative à la prison, c'est la liberté.
Et pour les facteur d'atténuation ben yen a déjà plein "elle avait bu" , elle l'a un peu cherché quand même" etc.
Pour l'article de Crêpe Georgette, elle parle de durcir les peines de prison, ce n'est pas mon propos non plus. Faire appliquer la loi déjà ce serait pas mal, et la faire appliquer pareil pour les hommes violents aussi OU ALORS changer tout le système, mais en tout cas ne pas créer un système avec des privilégiés et des victimes par défaut.
Ensuite elle dit une chose, c'est que si les viols sont correctionnalisés en agression c'est au bénéfice de la victime, parce que le violeur sera plus condamné. Ben j'ai lu plutôt l'inverse. On conseille aux victimes de porter plainte pour agression parce que les procès pour des délits sont jugés plus vite. Donc la victime peut y trouver un bénéfice aussi (ben oui 6 ans de procès en moyenne pour les viols, 6 ans de procédure lourde et de slut-shaming de la part de la défense, de la police, etc avec a la clef des peines plus courtes que le procès et souvent effectuées en garde à vue, c'est au final un peu con comme décision, oui) mais le tribunal aussi (c'est qu'il faudrait pas qu'on ne leur fasse trop perdre leur temps/argent), et puis l'agresseur aussi. Les condamnés pour viol étant souvent multirécidivistes, se pointer au tribunal avec un délit sur son casier ça le fait quand même plus qu'arriver avec déjà 2/3 crimes sans condamnation grave.
Et puis au passage, ben ça montre que le système n'est pas défaillant, du tout ma bonne dame, on n'est pas sexistes, regardez : les quotas sont respectés et les chiffres sont là, la justice fait son boulot, moins de viols on vous dit.
Ceci n'exclut pas la raison donnée par CG pour autant, mais le fait que pour avoir un jugement "équitable" il faille requalifier le crime en délit... ça devrait mettre la puce à l'oreille.
Pour finir, c'est bien beau de dire que le problème est culturel, mais ce qui se passe dans un tribunal, ce qu'on va en lire dans les journaux, et ce qu'on va en entendre autour de nous, tout ça, tout notre environnement ça fait partie de notre culture aussi.
La culture du viol ne s’arrête pas a l'entrée des tribunaux.