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MorganeGirly , @
Tom Chaton , @
adita , @
DestyNova , à mes yeux, le souci, c'est que tout le monde a oublié que Lolita, c'était d'abord un bouquin, avant d'être un film et un terme générique. Un bouquin avec une histoire, un propos et un style bien ciblé.
C'était l'histoire d'un pédophile qui maquille son crime en histoire passionnelle. Pas plus, pas moins.
Mais il y a des histoires qui dépasse leurs auteurs. Lolita est inscrite dans une lignée, si on se penche sur l'histoire littéraire. Elle suit les figures de femmes romantiques ou décadentes. Et dans cette littérature, les femmes restent la plupart du temps objectisées.
Elles sont sources de fantasme, de souffrance, de péripéties. Mais elle n'existe que parce qu'elle serve le narrateur, pas pour elles mêmes, pas comme des personnages à part entière. Il y a des exception bien sur, mais dans les grandes lignes, c'est ça.
On n'a pas envie de voir un personnage femme victime, parce que c'est vachement plus glamour, et plus confortable, de montrer une femme un peu mystérieuse, un peu aguicheuse, qui fait rêver et souffrir, qui n'est pas un réel personnage, mais juste un prétexte au narrateur pour raconter une récit.
Créer une femme victime, ça oblige à lui donner une histoire, ça crée l'empathie, ça la rend plus humaine. Ça met mal à l'aise : qui serait assez pervers pour admettre qu'il trouve une victime désirable dans son impuissance ?
Alors, pour moi, on a fait ça. On a oté l'aspect victime qui nous dérangeant, et mis un aspect glamour.
Lolita a dépassé de loin son roman, et Kubrick n'est pas le responsable de ça, il est un maillon dans la chaine. Parce que le public a pris ce qu'il désirait dans l'histoire : le fantasme : l'idée d'une fille belle, fragile, facile, et passive. Et la victimisation du bourreau aussi. C'est tellement facile de jouer les faibles, quand on est en position de force.
Le public a juste omis un détail. Ce n'est pas une histoire d'amour, c'est une histoire d'inceste. Et ça en dit tellement long sur le regard qu'on porte sur les victimes.
Et c'est vraiment navrant pour Nabokov, qui malgré lui, à ajouter de l'eau au moulin d'une culture dont il voulait montrer la perversité.
Parce qu'Humbert, au delà du fait qu'il est pédophile et a un problème mental, est aussi, à mes yeux, le produit d'une société où les femmes sont des objets à saisir. Cette femme est une enfant ? Mais qu'importe, après tout ?
Suite à ce livre, on a inventé le terme de "femme-enfant", qui est tellement loin d'être innocent. Ce terme est une oxymore. Il n'y a pas de "femme-enfant". Il y des femmes, qui sont des vrais êtres humains, et pas des objets à saisir, et il y a des enfants. Les enfants, par définition, ne sont pas éveillé sexuellement, et ne peuvent donc pas être des femmes. Faire l'amalgame entre les deux, c'est juste le fruit d'une société perverse, où on est prêt à tordre les mots, si ça peut nous permettre d'obtenir ce qu'on veux, quitte à justifier des crime (l'inceste, le viol) et une maladie mentale (la pédophilie).
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Sinon, certaines l'ont peut être lu sur ECM, je me suis faite "agressée" (ça commence à partir de quand, une agression ?) la semaine dernière dans la rue par un type qui, apparemment, partait du principe qu'une femme seule est un objet sexuel à prendre, et à contraindre si nécessaire.
Bref. Je suis rentrée chez mes parents ce week-end, et j'ai raconté l'épisode à ma mère. Sa réaction ? "Mais tu portais un mini short, et t'étais toute seule le soir, et puis t'étais adossé contre un mur..." (le dernier point m'a fait bondir, tellement il est absurde. C'est ça, le problème, la morale de cette histoire ? Sérieusement ? Le fait que je sois à coté d'un mur justifie qu'on me prenne pour un sex-toy ?).
La culture du viol dans toute sa splendeur, quoi. J'ai donc passé 30 minutes à essayer péniblement de lui faire comprendre que peu importe l'heure et la tenue vestimentaire, c'est pas le problème, ni même le sujet. Ce n'est pas à moi de changer, parce que ça serait 1) leur faire le plaisir d'avoir réussir à m'atteindre, 2) apporter de l'eau à leur moulin.
J'aurai toujours tort. Si ce n'est pas de porter un mini short, ça sera pour être sorti le soir. Si ce n'est pas pour sorti le soir, ça sera pour être sortie seule. Si ce n'est pas pour être sortie seule, ça sera pour autre chose.
Mon seul tort, c'est d'être une femme, et ça, je pourrais jamais le changer. Et je n'ai pas à le changer.
Bref, je tente donc de lui faire comprendre ça, sans grand résultat.
On arrive à la maison, je vais dire bonjour à mon père. Il me regarde, et dit : "Mais qu'est ce que cette tenue de ras-la-touffe que tu porte ?"
Il y a des jours comme ça où je comprends ce qu'a ressenti Don Quichotte avec ses moulins à vent.