@higreq : "Et donc on n'a pas le droit de poser des questions, de s'interroger, de demander une explication plus approfondie ? Ça ne transparaît peut-être pas dans mes messages, mais si j'étais venue poster ici c'était vraiment dans l'idée de m'améliorer, de mieux comprendre (mais on ne m'y reprendra plus, le message est passé)."
Premièrement, quand j'ai parlé du problème de manque de diversité, tu n'es pas venue poser une question, mais une affirmation : "ce n'est pas étonnant ni révoltant qu'on trouve plus de blancs que de noirs au sein d'une catégorie donnée, ça reste représentatif de la société actuelle".
Alors, bien sûr, on a TRÈS BIEN saisi que tu voulais dire que même en respectant la proportion présente dans la population française, il y aurait plus de blancs donc rien d'étonnant à ça.
Ce que tu n'avais pas compris, c'était que ce qui est révoltant ce n'est pas qu'il y ait juste "plus" de blancs que de non-blancs, mais qu'ils soient en ÉCRASANTE MAJORITÉ (ici, donc, 93%).
Pour toi, ça relève du simple malentendu.
Pour les personnes non-blanches qui sont systématiquement sous-représentées, c'est exténuant, parce que c'est encore et toujours la même excuse, le même refus de se pencher sur le problème, en disant simplement "ça ne me semble pas flagrant".
Et certes, j'avais écrit mon message AVANT de connaître cette proportion, mais c'est parce que quand tu commences à examiner les problèmes de diversité, tu te rends compte que c'est partout, tout le temps, et dans un évènement prestigieux sur un sujet technique, tu peux être à peu près sure que ce sera encore plus flagrant que d'habitude SAUF si les organisateurs ont eu une vraie volonté de favoriser la diversité. Et, vu le discours des organisateurs sur la proportion de femmes, j'ai supposé (j'aurais pu me tromper, mais bon) que la notion de diversité leur échappait autant.
Pour en revenir à l'échange qui a eu lieu ici : tu postes un commentaire en ne comprenant pas tout à fait le fond de mon message, et au passage en utilisant l'expression "bénéfice du doute" - parce que tu ne te rends pas compte à quel point le problème de diversité est omniprésent.
@seinouille répond parce que ce que tu dis la touche personnellement et la blesse, et elle t'explique pourquoi.
Là, tu ne t'en était pas rendue compte, mais elle était en train de te donner l'opportunité de t'améliorer et de comprendre. Ce qui était le but de ta venue ici, ça tombe bien.
Seulement, tu n'as retenu de son message qu'une attaque personnelle. Tu n'as retenu que le ton. Et tu as eu envie de te défendre. Ce qui est un réflexe qu'on a toutes quand on a l'impression d'être "attaquées". Seulement, dans le cas d'une discussion sur une oppression, quand tu es en position de privilège (ici, être blanche - dans une discussion sur le sexisme, être un homme, etc), il faut apprendre à "encaisser" et écouter ce qui nous est dit, même si le ton nous rebute. Se remettre en question, même si on a l'impression que ce qui nous est dit est injuste. Laisser décanter le discours.
Sauf que personne ne nous apprend ça à l'école. On vit dans une société qui aime à croire que l'oppression, dans notre-beau-pays-des-Droits-de-l'Homme (lol), l'oppression n'existe plus, on a bazardé tout ça à la Révolution, donc il n'y a plus besoin d'en parler.
Donc, tu es piquée au vif et tu réponds point par point au message, en incluant des blagues, dont une franchement raciste.
Je ne viens pas te dire que tes messages n'ont rien à faire ici (la blague si, en revanche), parce qu'il n'y a pas question d'avoir "le droit" de poster ou pas. Le droit, tu l'as, et tu l'as utilisé, ton message est là.
Au contraire, ce message que je suis en train d'écrire, et que tu risques de très mal prendre, sache que je ne l'écris pas dans le but de te dire de dégager du forum. Je l'écris pour que toi, et éventuellement, d'autres personnes qui auraient eu la même réaction que toi, compreniez comment aborder les discussions sur le racisme.
Parce que moi aussi, j'ai longtemps été ignorante sur le racisme, moi aussi, je n'ai pas compris ces histoires de cookies, etc etc. Et puis, j'ai lu sur le sujet. Des textes écrits par des personnes touchées par le sujet. Et petit à petit, tu réalises, et tu comprends certaines choses qui te laissaient perplexe. Et tu commences à écouter des conversations et entendre des gens tenir des propos que tu aurais pu tenir un ou deux ans avant, et tu te rends compte à quel point, toi, tu as aussi participé au phénomène.
Et tu réalises aussi que ton apprentissage ne prendra jamais fin. Je ne suis pas devenue une "experte" en racisme, je serai toujours moins légitime qu'une personne non-blanche sur le sujet, j'ai dit et je dirai encore des choses racistes - le but est d'essayer de me contrôler, d'accepter les critiques et de continuer à apprendre.
Donc mon but n'est pas de t'insulter, de te dire que tu ne dois pas poster ou que ta place n'est pas ici. Juste de t'expliquer ce qu'il y avait de problématique dans ce que tu as dit et dans la façon dont tu as réagi pour que tu puisses y réfléchir et agir différemment si le cas se représente. T'améliorer, et mieux comprendre, donc !
Bon, je n'ai pas le temps de m'étendre davantage aujourd'hui, donc, si tu veux essayer d'aller plus loin, je te conseille d'aller piocher des choses sur le blog de
Ms Dreydful.
Si tu as des questions et que tu as peur que ce soit malvenu de les poster sur le forum, tu peux commencer par rechercher des articles sur le sujet, ou bien venir demander ici des ressources. Je veux bien que tu m'envoies des MP aussi si tu le souhaites.
Pour les blagues, en revanche, vraiment, si la blague s'appuie sur des stéréotypes grossiers ou des mots déshumanisants, dans le doute, abstiens-toi. Ça ne bouleversera pas ta vie, mais ça évitera de blesser, énerver, fatiguer les gens autour de toi. Et en attendant, renseigne-toi sur les micro-agressions (par exemple, en lisant des témoignages
ici - ça ne parle pas que de racisme, mais l'accumulation fait justement prendre conscience à quel point ces petites choses qui semblent anodines quand on est dans une situation de privilégié s'accumulent et deviennent insupportables).
"Exotique" pour parler d'un être humain, c'est déshumanisant - imagine une fille noire qui habite la ville d'à côté, vient dans ton village et est considérée comme "exotique"... alors qu'elle habite à 3 km ?! C'est nier que noir =/= étranger. C'est réduire la personne à sa couleur de peau. C'est ne pas réaliser que c'est un être humain avec une vie, un passé, des émotions. Un jus de fruit est exotique. Pas un être humain. Et "attraction touristique", je ne pense pas qu'il y ait besoin de développer pour voir l'aspect déshumanisant (EDIT : surtout quand on considère que les noirs ONT VRAIMENT été utilisés comme des attractions touristiques - un exemple très dur
ici). Je sais que tu voulais dire que c'est comme ça que les gens de ton village la considéreraient, mais 1. ce n'était vraiment pas clair dans ton message, et 2. les gens de ton village sont racistes
parce qu'ils ne voient pas de non-blancs au quotidien ? Ce n'est pas une excuse. Mes grands-parents ont beaucoup de magrébins dans leur quartier, et l'utilisent comme excuse pour être racistes ! Il faut QUOI comme proportion blancs/non-blancs aux gens pour ne pas être racistes ?
@khalea : et vouloir toucher quelqu'un parce qu'il est noir, ce n'est pas raciste ? Oui, c'est le contexte. Un contexte raciste. Imagine quelqu'un de différent physiquement, mais blanc - quelqu'un qui mesure 2m20, est albinos, a une coupe de cheveux excentrique - est-ce que les gens vont vouloir le toucher ? Non, ça reste un être humain, quelqu'un dont on n'envahit pas l'espace personnel parce que ça ne se fait pas - contrairement aux femmes noires qui se font régulièrement tripoter les cheveux par des blanches sans demander leur permission !
Et la blague sur le saucisson, vraiment non. Je te conseille de lire
le texte de Denis Colombi en
deux parties sur le sujet de l'humour.
Oui, cet échange n'est pas agréable, mais pour citer bell hooks dans
Feminist Theory: From Margin To Center : "
Si, en tant que femmes, nous évitons systématiquement la confrontation et cherchons à rester dans notre zone de confort, nous ne pourrons jamais faire l’expérience de changements révolutionnaires, de transformation, que ce soit individuellement ou collectivement." (Pour l'extrait en VO et un peu plus long, c'est
ici.)