@Neverland90 @tallahassee : c'est intéressant ce que vous dites sur les stéréotypes, je me permets de rebondir dessus parce que j'ai un peu travaillé sur la notion
.
Nous sommes d'accord, dans le langage courant, la notion de stéréotype est connotée négativement, parce qu'elle regroupe des individus de manière souvent arbitraire pour leur prêter des traits difficilement vérifiables à l'échelle individuelle (puisque justement, ils sont perçus à travers le prisme du groupe).
Il y a plein de raisons de se méfier des stéréotypes :
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éthique : je n'ai aucune envie de mettre tou-te-s les Noir-e-s / féministes / végétarien-ne-s / politiques / femmes dans le même panier, je pense que ça leur nuit. D'ailleurs, des groupes rivaux font souvent appels à des stéréotypes pour justifier l'hostilité. C'est comme ça qu'on se retrouve à accuser un groupe d'être responsable de tous les malheurs. Ça peut même partir d'un stéréotype "positif", et c'est très important :
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méthodologique : parler d'un groupe sans vérifier mes propos à l'échelle individuelle, ça nuit à mon discours
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littéraire (puisque c'est le sujet) et
artistique en général : travailler des stéréotypes sans les remettres en question, c'est chiant, c'est paresseux, et c'est pas ça qui fait avancer le schmilblick. Sur ce dernier point, c'est quelque chose d'assez récent finalement. Pourquoi ? Pour différentes raisons, souvent liées entre elles, que je trouve passionnantes (mais vous avez le droit de vous endormir en me lisant
).
=> D'abord, parce que le stéréotype est une notion récente : le mot est apparu tardivement, et dans son sens actuel, il n'existe que depuis la fin du XIXème. Le stéréotype s'oppose d'ailleurs à l'original ; or l'originalité est un critère esthétique récent lui aussi (avant, l'imitation et la réécriture notamment étaient largement valorisées). Aujourd'hui, quand on écrit, on cherche à innover, mais ça n'a pas toujours été le cas ! Et puis faut pas oublier que la littérature et l'art ont parfois eu vocation à apprendre des choses sur le monde. Et c'est là qu'on touche au versant "positif" du stéréotype : une approche sociologique lui accorde un versant pédagogique. Même si on se bat contre les stéréotypes, le fait est qu'on apprend à raisonner à grand renfort de stéréotypes. Les livres pour enfants sont souvent manichéens. Bien sûr, on peut toujours essayer d'y trouver des alternatives, mais c'est assez impressionnant de voir à quel point, face à une oeuvre non-manichéenne, un enfant (ou même un pré-ado) sera déboussolé et aura tendance à te demander qui est méchant, qui est gentil, et lui de quel côté il est j'ai pas bien compris. Parce que les catégories, malgré tout, c'est hyper formateur et ça permet d'apprendre plus vite beaucoup de choses. Il y a la nuit et le jour, le bien et le mal, la gauche et la droite politiques, les hommes et les femmes, le chaud et le froid...
Évidemment, ça n'empêche pas de ne
pas relayer certains stéréotypes (de genre notamment
) quand on éduque un enfant, mais le fait est que certains sociologues reconnaissent une utilité au stéréotype, qui n'est vraiment pas systématiquement associé à quelque chose de négatif. Finalement, c'est avant tout quand il s'applique à l'humain qu'il est problématique.
Je ne sais pas si je suis claire