Ce dont tu parles, ce n'est pas vraiment le phénomène de cancel culture dont parlait l'article de Madmoizelle, @Lady Stardust ou moi dans nos messages. Toi tu parles d'une vague de harcèlement/indignation. Mais le terme de cancel culture qu'on utilise, c'est pour décrire le fait d'annuler la crédibilité d'une personne qui aurait pu en avoir à nos yeux pour un détail ou un incident isolé.C'est sans doute là que j'ai un autre point de vue. J'ai cité un exemple sur Polanski mais je pense que toute personne sur Internet peut s'en prendre à une personne militante. Disons qu'une personne hostile au féminisme/l'écologie/n'importe quelle cause, peut cibler une personne militante et être aussi à l'origine de la cancel culture. Je ne pense pas que ça parte systématiquement du militantisme . Le milieu militant peut aussi se greffer dans un second temps après une vague de haine provenant de personnes lambdas. Je trouve aussi que ça sous-estime l'impact des trolls d'extrême droite (entre autres) de les cantonner à des rôles secondaires (je suis certainement influencée par le fait que je côtoie davantage ces cercles que le milieu militant, je le reconnais).
Par exemple, imaginons que tu sois du PS et que tu soutiennes la maire de Paris Anne Hidalgo. Elle tweete un truc lambda sur Paris sans voiture. Une horde de trolls de droite vient l'attaquer en lui disant de supprimer son tweet, que c'est une honte, etc. Ce n'est pas de la cancel culture, car c'est l'opposition qui attaque Anne Hidalgo sur un programme cohérent avec sa ligne politique. Ils y vont avec violence et agressivité, mais le schéma est assez classique et normal dans le sens où ces gens ne sont pas d'accord avec elle parce que leurs opinions politiques sont de base opposées.
Imaginons maintenant qu'Anne Hidalgo tweete un truc sur les camps de migrants qu'elle a démantelé. Plusieurs militants de gauche tweetent avec inidgnation que c'est une honte, qu'elle doit retirer sa mesure etc., voire cessent de la soutenir. Ce n'est pas non plus de la cancel culture car c'est un désaccord politique de fond entre personnes qui ont des idées communes, ça arrive et parfois, un désaccord sur un sujet peut justifier une cassure politique.
Maintenant, imaginons qu'Anne Hidalgo écrive "je soutiens Brigitte Macron dans l'épreuve qu'elle a traversée quand on l'insultait sur son âge" et qu'une horde de militants de gauche viennent l'interpeler en disant "ah oui comment ça vous soutenez Brigitte Macron alors que c'est une prof qui a abusé de son élève et que son mari fait du mal à la France!!! vous n'êtes pas fréquentable!" et qu'après ça, ils classent Anne Hidalgo comme "infréquentable" et discréditent toutes ses mesures sur Paris sans voiture ou n'importe quoi sans rapport en disant "une fois, elle a dit qu'elle soutenait Brigitte Macron, ce n'est pas une personne fréquentable, on arrête de l'écouter!". C'est là qu'on parle de cancel culture, car ce sont des gens qui sur le fond partagent de nombreuses idées d'Hidalgo mais qui ont une posture de principe intransigeante et la discréditent sur un truc pas forcément super reconnu (que Brigitte Macron aurait eu une attitude problématique dans le passé) et donc difficile d'exiger que ce soit universellement reconnu, sur un truc déformé (elle ne soutient pas la politique de Macron, elle s'oppose à des remarques sexistes à l'encontre de sa femme), et sur un truc très mineur par rapport au reste du discours d'Hidalgo, donc la discréditer sur une phrase qu'elle aurait eu un mardi à 8h sur France Inter, ça parait franchement extrême si on était d'accord avant avec le reste de son discours ou qu'au moins, on ne le jugeait pas révoltant.
Bien sûr, certains trolls vont sauter sur cette occasion et dire "lol grosse hypocrite qui a soutenu Macron un jour sur France Inter, aucune crédibilité!", mais c'est de l'opportunisme, ce n'est pas la source réelle de la cancel culture ni ce qui contribue à la pression de la cancel culture sur la personne ciblée (une personne peut essayer de faire un mea culpa pour garder sa crédibilité auprès de gens dont elle veut le soutient, alors qu'elle va plutôt chercher à fuir et se protéger face des harceleurs trolls, donc le fait que des trolls se foutent de sa gueule ne va pas être la raison pour laquelle elle va dire "je regrette d'avoir dit ça, je retire ma candidature à la Mairie de Paris" par exemple).
Idem pour Portman/Rose McGowan. Là, on parle de cancel culture, car Rose McGowan veut comme Portman une plus grande reconnaissance des femmes à Hollywood et mettre fin au sexisme. Elles sont donc d'accord sur le principe, mais McGowan juge Portman indigne parce que sa manière de militer ne lui convient pas, et elle décide donc d'être très virulente pour quelque chose de somme toute assez mineur.
Si Donald Trump tweetait que la robe de Portman lui donnait envie de vomir et que c'est une fausse féministe, ce ne serait pas de la cancel culture comme on l'entend ici, car il n'est pas du tout féministe.
Je l'ai citée parce que c'est la Ministre des droits des femmes donc pour le coup, ça me parait plutôt choquant qu'elle défende son pré carré. Son job c'est de défendre TOUTES les femmes! Et c'est surtout dans ce genre de cas où quelqu'un a du pouvoir/une capacité à être entendue et néglige une grosse partie des femmes que le white feminism pose problème.Marlène Schiappa par exemple, ça ne me choque pas qu'elle défende avant tout son pré carré.
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