irideae;4486866 a dit :
La Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Zélande quoi! Nan mais t'as raison mec, c'est très pertinent de comparer un petit pays éloigné du continent et perdu au beau milieu de l'Océan Pacifique à des pays Européens dont les frontières sont très aisément franchissables par les réseaux de la traite. Super!
Jai pas le temps de lire tous les messages en ce moment

Mais je rebondis sur quelques points du tien
Je comprends pas pourquoi personne ne prend la Nouvelle-Zélande au sérieux

En vrai, j'ai pas du tout compris ce qu'il veut dire dans le paragraphe que tu cites, c'est pas hyper clair.
Mais je ne suis vraiment pas d'accord pour peindre la NZ comme "un petit pays perdu"

En terme de superficie, c'est plus grand que le Royaume-Uni! En terme de population, certes c'est "que" 4,5 millions d'habitants mais ce n'est pas une énorme différence avec les pays scandinaves...
Ce n'est pas perdu "au beau milieu de l'Océan Pacifique" non plus. Il y a des tas d'îles dans le coin, avec des gens dedans, et des gens pas très riches. Les îles du Pacifique (Samoa, Tonga, Fiji, Cook etc.) ont plus d'habitants en NZ que chez eux! Et les Samoa ont récemment changé leur fuseau horaire juste pour s'aligner sur la NZ.
Les échanges avec l'Australie sont très importants, et l'Australie est un pays très convoité par les passeurs et autres trafiquants (de drogue, d'immigrés), recevant régulièrement des bateaux chargés de sans-papiers venus d'Indonésie, de Papouasie et d'autres pays d'Asie du Sud, malgré la distance.
Et la NZ est clairement une terre d'immigration qui impose des restrictions encore assez limitées avec une forte population asiatique et polynésienne qui ne cesse de grandir.
C'est un pays relativement riche et accueillant dans une zone du monde pas forcément très riche et démocratique... A moi, ça me parait être un bon terrain pour le trafic d'êtres humains.
Bref, ce qui se passe en NZ niveau prostitution n'est à mon sens pas du tout à écarter de la main en soupirant. Par contre, c'est vrai qu'on peut difficilement reproduire du jour au lendemain ce qui se passe dans un pays de 4 à 6 millions d'habitants (comme la NZ ou les pays scandinaves) vers un pays qui en compte au moins 10 fois plus... Les contrôles nécessaires ne sont plus les mêmes.
irideae;4486866 a dit :
Et puis, au delà de ça, il y a ce passage qui m'a énormément dérangée:
Le sentiment, c’est bien. Le sexe, c’est mal. Il serait bon de baiser par amour. Il serait mal de faire l’amour par intérêt. Voilà ce que nous disent les défenseurs d’une sentimentalité parée de toutes les vertus et pardonnée dans tous ses excès, quand la sexualité dégagée des connivences à cœurs croisés serait forcément suspecte. Evitons de convoquer Céline (homme) et son ricanement sur l’amour, cet absolu à la portée des caniches, cela pourrait nous valoir double peine, l’antisémitisme s’ajoutant à la misogynie.
Oublions que le sentiment est attifé de rose bonbon dès la maternité et que même cette transgressive de Marcela Iacub (femme) met son mauvais esprit en berne quand enflent les vagues de la fusion mystico-affective.
Rappelons d’abord que le sentiment amoureux est une notion assez récente, quelques siècles au maximum, quand la copulation a l’éternité derrière elle.
L’amour fut inventé par les hommes afin de contrôler le désir des femmes - polyandres comme les hommes sont polygames - et histoire de s’assurer d’une descendance sans bâtardise. Aujourd’hui, cette sanctification de l’affectif est revendiquée par les ex-aliénées.
Ces deux choses ne sont certes pas forcément liées l'une à l'autre mais je ne comprends pas pourquoi certaines personnes s'obstinent à opposer l'amour et la sexualité comme s'il fallait faire disparaître le premier au profit du deuxième. Je trouve même ça effrayant. De plus, ce qu'il en dit est idiot et, il me semble, bien prétentieux. Non, le sentiment amoureux n'a pas été inventé par la culture et il n'est pas non plus arrivé avec la notion d'amour courtois, il existait bien avant (et je l'inviterais volontiers à se pencher sur cette interview de Jean Courtin sur le thème de l'amour à l'époque de la Préhistoire).
(...)
Ce serait la littérature qui aurait inventé le sentiment d'amour? La littérature le raconte, le décrit, le codifie mais je doute qu'un Shakespeare aurait pu produire un texte aussi beau que Roméo et Juliette et dépeindre de façon aussi précise et admirable la naissance de ce sentiment dans la scène de leur rencontre s'il ne l'avait jamais ressenti au préalable. Que l'amour ait été normalisé et modelé par la culture puis instrumentalisé pour oppresser et enfermer les femmes dans un rôle, c'est certain. Mais qu'il ait été inventé par les hommes, c'est un peur fort de café quoi!
(...)
Où veut il en venir? Que les femmes sont forcément aliénées par le sentiment amoureux mais que les hommes, eux, y sont moins sensibles? Non seulement c'est aussi stupide que le présupposé voulant que l'amour soit une pure invention des hommes, mais en plus, c'est faux. Et que penser des amours homosexuelles? Parce que l'homosexualité, c'est une préférence sexuelle autant que sentimentale. Et, si je ne m'abuse, la société judéo-chrétienne dans laquelle on vit ne leur a pas vraiment donné l'occasion d'en faire le récit par le passé, moins que pour les amours hétérosexuelles en tous cas.
En fait, je pense que c'est son texte en général qui pose problème mais ce discours sur les sentiments est loin d'être stupide (mais si son paragraphe sur le sujet est ultra-simpliste), comme tu le dis en fait toi-même à plusieurs reprises.
Je parle souvent du livre
L'invention de la culture homosexuelle de Louis-George Tin qui a du bon et du mauvais mais propose une très intéressante analyse sur le sujet de la place de l'amour dans la société.
Quand l'auteur de l'article que tu cites dit "l'amour a été inventé par les hommes", ce n'est pas tout-à-fait vrai mais pas tout-à-fait faux non plus. Disons que notre conception et perception des sentiments et de l'amour est très culturelle.
Les sentiments existent mais la manière dont on les gèrent et les analysent varient en fonction de notre environnement.
D'après Tin, l'amour (hétérosexuel) a été utilisé pour contrôler les femmes. On leur a vendu comme le bonheur ultime, l'idéal de vie, on les a poussé à le considérer comme le plus puissant des sentiments. Si l'amour vaut tous les sacrifices, une femme va donc accepter de sacrifier ses ambitions personnelles, son bien-être, ses désirs intimes, sa carrière, elle va se mettre en retrait pour pouvoir jouir de cette formidable opportunité de vivre dans "l'amour" aux côtés d'un homme.
Cet idéal est hyper présent dans la fiction américaine aujourd'hui en particulier : l'amour amoureux est le bonheur ultime. Et comme on peut le constater, les héroïnes américaines sont assez limitées dans leurs possibilités (même si ça change).
C'est aussi pour ça que le mariage apparait comme "le plus beau jour de la vie" d'une femme.
Les hommes sont moins encouragés à être soumis à cet idéal du sentiment amoureux, même s'ils le sont quand même (c'est aussi un moyen de les contrôler en les menaçant que s'ils font ceci ou cela, ils n'auront jamais droit à l'amour).
Un homme cependant sera moins poussé à renoncer à des choses comme une carrière par amour.
C'est assez classique dans le cas des mutations à l'étranger : un couple relativement neuf se voit offrir deux postes dans deux pays éloignés. Soit l'un des deux renonce à son poste, soit ils se séparent, soit ils acceptent la relation à distance.
Il est encore assez rare qu'un homme renonce à son poste pour suivre sa femme à l'étranger et s'y retrouver sans travail, surtout s'il la connait depuis moins de trois ans. Par contre, la configuration est encore très courante pour les femmes, même au bout de quelques mois.
Souvent, le raisonnement est que "si c'est vraiment l'amour, ce serait une grosse bêtise de tout gâcher pour un job". Or, au-delà des questions de salaires, la femme est plus susceptible d'être hantée par cette peur de perdre le "bonheur ultime" que l'homme à qui on a appris à "se faire une raison" et à penser "rationnellement".
Je caricature un peu mais il y a un énorme fond de vrai. C'est en ça que les hommes seront moins affectés par le discours sur l'amour.
Ensuite, par rapport à la littérature, ce qu'on comprend aujourd'hui comme l'amour parfait peut être interprété différemment en fonction des codes culturels environnants.
Dans certains pays, "l'amour" va correspondre à l'intérêt qu'on porte à une personne au premier coup d'oeil. D'ailleurs, dans beaucoup de textes plus anciens c'est ça : les héros sont "amoureux" mais c'est surtout qu'ils se plaisent et sont attirés l'un vers l'autre.
Pour nous, en France, on appelle amour quelque chose de plus long qu'une rencontre de trois jours comme R et J. On va être choqué si une amie nous confie vouloir se marier avec quelqu'un au bout d'un mois, parce qu'on pense que l'amour demande plus de temps que ça... alors que dans d'autres cultures ou époque, c'était bien plus que la normale pour évaluer ses sentiments pour quelqu'un.
Et il y a des débats sur "est-ce de l'amour" dans la fiction ancienne. Dans l'
Illiade par exemple, les commentateurs continuent à débattre sans se mettre d'accord de si les sentiments d'Achille pour son compagnon Patrocle était un amour homosexuel ou une forte amitié.
En fonction des codes et des références d'une époque, le sentiment qu'on juge le plus puissant peut être celui qu'on porte à un amant, un compagnon d'armes ou un ami proche, c'est pour ça que l'histoire de ces deux hommes préoccupent les lecteurs qui n'ont plus les mêmes références. Et la réaction d'Achille, les sentiments qu'il invoque, peuvent aussi être vu comme une réaction liée aux codes de l'honneur et de la guerre, au-delà de la simple impulsion sentimentale.
Bref, je pense qu'il n'est pas du tout idiot de se rappeler comment la norme de l'amour amoureux peut participer à notre contrôle et à la pérpétuation de l'ordre patriarcal.
Par contre, je te rejoins sur plusieurs points :
- cela n'a pas été inventé par les hommes genre "tiens faisons croire à ces cruchonnes que l'amour existe" mais plutôt encadré socialement parce que ça permettait de maintenir un certain ordre.
- il est stupide de faire une antoganie sentiments/sexe comme si c'était deux choses entièrement différentes en toutes circonstances
- les sentiments existent (mais l'importance qu'on va leur accorder, le temps qu'on va passer à les satisfaire va varier selon ce qu'on juge "normal" ou non)
- la conclusion de l'article à teneur masculiniste

: "les femmes sont gentilles, les hommes sont méchants"... Oui, mec, t'as compris le débat!