Perso, je comprenais la pertinence de la phrase "distinguer l'oeuvre des crimes de Polanski" dans son cas pendant longtemps, car il a lui-même été une victime (en tant que juif polonais dont la famille a été décimé dans les camps, qui a fui les nazis pendant la guerre et vécu dans le ghetto de Varsovie) et ça ne me paraissait pas forcément absurde de vouloir entendre quelqu'un de très talentueux qui fait passer beaucoup d'émotions dans ses oeuvres sur des choses graves qu'il connait personnellement comme le génocide des juifs avec Le Pianiste. S'il avait réalisé lui-même Lolita à la place de Kubrick, là oui, j'aurais trouvé ça douteux mais pour certaines de ses oeuvres, je comprenais. Le faire taire sur son traumatisme qui s'exprime dans ses oeuvres et qui a du sens pour beaucoup de monde, ça n'avait pas trop de pertinence pour moi.
Par contre, pour J'accuse, ça me choque particulièrement parce que là, j'ai l'impression qu'il utilise son statut de victime pour masquer ses crimes, ce qui n'était pas le cas avant, en disant qu'il s'identifie à l'histoire du film! Là, ça me dégoûte vraiment sur le plan artistique, c'est l'oeuvre elle-même et plus uniquement l'homme qui en vient à me paraitre choquant parce que j'ai l'impression qu'il utilise le fait qu'il est juif comme Dreyfus pour essayer de s'attirer de la sympathie face aux accusations de viol et au viol reconnu et je trouve ça vraiment ignoble, alors qu'au vu de son oeuvre, j'avais jamais eu l'impression qu'il faisait ça avant. Donc autant j'allais pas forcément boycotter ses anciens films tant qu'ils ne parlaient pas de l'histoire de jeune fille en particulier, autant je me vois mal voir J'accuse au cinéma en sachant que c'est fait pour instrumentaliser une oppression terrible dans l'espoir de dédouaner un criminel. Par le passé, ce film aurait pu me paraitre intéressant parce qu'il aurait porté la voix d'une victime de l'antisémitisme qui parle d'un fait d'antisémitisme célèbre, mais par ses déclarations, les soutiens de ses amis, le fait qu'il nie être un criminel, il transforme ça en tribune visant à défendre sa personne et non plus uniquement en témoignage sur l'antisémitisme.
Et si j'étais ok pour séparer l'oeuvre de l'homme, je n'étais du coup pas d'accord pour honorer l'homme. La palme d'or pour Le Pianiste à la limite, ok, c'est discutable, mais ok puisque c'est le film dans sa globalité et l'émotion qu'il porte qui est récompensé. Polanski Président du jury de Cannes ou recevant un prix pour sa carrière, là on parle plus de l'oeuvre mais bien de l'homme alors non! Symboliquement, c'était une différence importante pour moi.
Pour être honnête, je ne la ferais pas pour un artiste bas de gamme, mais c'est vrai que certains films de Polanski m'ont vraiment émue, je ne peux pas le nier.