Pour la question de "qui sont les vrais conquérants de l'Espagne", je te conseille de lire cet article sur le problème des sources utilisés qui orientent notre lecture des événements :Vous me direz mais pourquoi je veux absolument savoir si les Berbères étaient noirs? En fait c'est pas vraiment le pourcentage de mélanine qui m'intéressent. C'est plus d'un point de vue effacement de l'histoire. C'est un problème grave de représentation. Je trouve ça anormal qu'en France un enfant noir grandisse avec l'idée que les grand faits de l'humanité soit fait par les hommes blancs, que les africains noirs n'est contribuer en rien à l'histoire du monde sauf être exploité. Parce que c'est tout simplemnt faux.
http://www.persee.fr/doc/cehm_0396-9045_2005_num_28_1_1710
L'article explique comment les historiens ont essayé de travailler avec les sources sur ce sujet, en jonglant entre ce qui pouvait être fiable ou pas et en essayant de démêler les intérêts des auteurs de l'époque (par exemple, les auteurs arabes du XIIe siècle avaient tout intérêt à laisser entendre que les Arabes étaient les conquérants principaux etc.). Du coup, on voit bien que cet enjeu politique des vrais auteurs de la conquête date en fait du Moyen-Âge.
Cependant, la thèse traditionnellement retenue dans le monde universitaire c'est que la première conquête a été effectuée principalement par des Berbères musulmans, d'où l'expression "conquêtes arabo-musulmanes", parce que c'était une coalition.
Après pour la partie où tu parles de représentation des noirs, je comprends pourquoi certains afro-militants sont hyper impliqués dans la recherche de la vraie couleur de peau de Cléopâtre et des Egyptiens ou autre mais honnêtement, je suis pas certaine que la couleur de peau des Berbères ou de Cléopâtre changera de beaucoup le racisme envers les personnes originaires d'Afrique subsaharienne.
Notre racisme occidental est ancré dans une conception très hiérarchique des peuples et cette conception accordait pas mal de crédit à certaines populations non-blanches (les Arabes, les Indiens, les Chinois, les Aztèques, les Egyptiens etc.) tout en jugeant les autres primitives (les Aborigènes d'Australie, les Polynésiens - qui bénéficient de certains clichés positifs liées à la beauté et à l'idée de Paradis sur Terre mais sont comme vus comme des danseurs en pagne avec des fleurs dans les cheveux, tribus autochtones d'Amérique du Sud ou de Papouasie Nouvelle-Guinée etc.)... et le groupe qui a été le plus profondément ancré dans notre inconscient collectif comme un "peuple primitif qui n'évolue pas malgré les siècles", ce sont les Africains subsahariens (il suffit de se souvenir du discours de Sarkozy sur "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire (...) Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance (...) Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès".)
Résultat, même si Cléopâtre ou le Berbère conquérant ont la peau très très noire, je pense qu'il restera toujours à l'esprit que ce ne sont pas vraiment "des Noirs".
En fait, je trouve aussi dommage qu'on se concentre autant sur des figures historiques "validées" par notre conception occidentale du raffinement et de la civilisation (les Arabes de Tolède, les soldats des armées romaines, les Egyptiens de l'Antiquité, les Maharajah etc.), parce que ça nous empêche de reconnaitre certaines civilisations qui ne correspondent pas à ces critères.
Il se trouve qu'on nous enseigne l'Histoire avec des définitions de concepts qui sont très occidentalo-centrée sans qu'on s'en rende compte.
L'étude de la Préhistoire est loin derrière moi alors j'avais oublié ça mais en visitant un musée d'Athènes, j'ai été stupéfaite de lire un panneau me rappelant que le néolithique est encore considérée par certains comme une étape naturelle de l'évolution des sociétés humaines puisque les groupes de populations abandonnent la chasse, la cueillette et le nomadisme pour adopter l'élevage, l'agriculture et le sédentarisme. En gros, c'est une période "de rupture" souvent présentée comme "un progrès" qui a permis à l'être humain d'évoluer et de faire de grandes choses. Sauf que de nombreuses sociétés du monde n'ont pas abandonné le nomadisme à la Préhistoire mais des milliers d'années après (voire pas complètement encore aujourd'hui). C'est ainsi que les Aborigènes d'Australie, pleinement nomades et chasseurs-cueilleurs à l'arrivée des Européens au XVIIIe siècle sont encore aujourd'hui associés à un peuple un peu hors du temps puisqu'il a "conservé des pratiques préhistoriques".
Le nomadisme reste dans nos esprits une étape primaire, un peu comme l'enfance, et on ne mentionne jamais les "grandes choses" qu'on pu faire les nomades... Les nomades ne laissent pas du tout les mêmes traces que les sédentaires. Ils ne laissent pas de grands bâtiments derrière et produisent complètement différemment. Du coup, quand on étudie l'Histoire avec le sédentarisme comme lorgnette, on passe sous silences des pans entiers de civilisations et de peuples.
Ensuite, l'Histoire commence avec l'utilisation de l'écriture. Avant l'écriture, c'est la Préhistoire. C'est comme ça qu'on fait la différence scientifiquement. Sauf qu'encore une fois, de très nombreux peuples n'avaient pas d'écriture au XVIIIe siècle... Ils étaient donc techniquement "dans la Préhistoire" ce qui ne serait pas un problème en soi si l'expression "les peuples préhistoriques" ne servaient pas à rabaisser, dénigrer et montrer le retard d'une société.
En gros, à force d'apprendre un certain découpage historique, on n'est absolument pas disposé à accepter la puissance et la réelle Histoire de certains peuples, parmi lesquels de nombreux peuples africains. Souvent, je vois des discours du genre "il y a avait de grandes civilisations africaines comme les Ethiopiens qui ont fait des pyramides". Mais l'intérêt d'un peuple, son nombre de figures héroïques ou autre n'est pas conditionné à la grandeur de ses bâtiments.
De nombreuses tribus nomades étaient de grands conquérants, d'autres de subtils environnementalistes (je suis en train de lire une thèse à ce sujet sur les Aborigènes d'Australie), des explorateurs, des guerriers, des poètes, des musiciens, des commerçants... Juste différemment de ce qu'on connait en Europe aujourd'hui. Ils méritent aussi d'être valorisés.
(EDIT: et désolée en relisant ma fin de message, je tiens à être claire! Comme d'hab sur ces sujets je suis partie en free style sur la fin mais je ne faisais la leçon à personne, juste ma réflexion perso rebondissant sur la tienne )
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