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Shield : je n'ai pas eu l'impression dans ton message que tu cherchais à favoriser une position plutôt qu'une autre, je rebondissais juste dessus
Je pense qu'on peut avoir une approche contextuelle sans rester forcément au ras des pâquerettes. D'ailleurs, beaucoup d'approches biographiques telles qu'on les voit au lycée par ex sont souvent assez simplificatrices, voir à la limite de l'anachronisme. Je trouve qu'une vraie approche d'histoire culturelle ne sert pas forcément seulement pour décrypter une ou deux références un peu obscures, peut aussi ouvrir d'autres perspectives de compréhension, et nous décloisonner de notre mode de pensée contemporain, nous forcer à une remise en question de notre approche immédiate, et par là peut être réellement stimulante (mais bon, c'est sûrement une déformation professionnelle de ma part
).
Ceci étant, je suis d'accord, rien de plus plan plan que d'aller chercher ce que "l'auteur a voulu dire" (j'ai toujours été énervée par les gens qui rejettaient l'analyse littéraire sous prétexte que "l'auteur n'a jamais voulu dire ça", je trouve que c'est vraiment obtus, bref). Et je suis d'accord avec tout ce que tu dis sur l'analyse formaliste et l'intérêt de la critique ! Je suis d'ailleurs très intéressée par tout les types de réappropriation d'une oeuvre s'éloignant de l'auteur (et pas seulement la critique formaliste, mais aussi par exemple les théories médiévales sur la présence de la Bible chez Ovide, ou la fanfiction slash). Je me pense à cette nouvelle de Borges (
Pierre Ménard, auteur du Quichotte), dont la conclusion proposait de faire comme si
L'imitation de Jésus Christ avait été écrite par Céline, je trouve ça trop cool comme idée.
Après, pour faire un énorme poncif historiographique, est-ce que n'est pas un peu une construction que de croire qu'une critique analytique est forcément détachée de tout contexte, plus "pure" et abstraite en quelque sorte ? Pour moi c'est plus effectuer un glissement de contexte, en privilégiant le contexte du critique à celui de l'auteur ; démarche que je trouve au demeurant tout à fait légitime (mais sachant que ma pratique personnelle de l'analyse littéraire reste très limitée, c'est de la pure spéculation de ma part).
Après pour moi l'inconvénient de trop privilégier le formalisme c'est que ça limite l'interdisciplinarité. Pour reprendre l'exemple de la musicologie, le côté formaliste a longtemps rendu cette discipline presque hermétique à d'autres approches, et a finalement rendu la musique parfois absente d'autres disciplines (en histoire - je parle de ce que je connais, mais je pense que c'est valable ailleurs - on utilise très fréquemment des références à la littérature, à l'histoire de l'art, mais la musique est presque systématiquement laissée de côté, alors que pour comprendre les idées/polémiques esthétiques d'une époque c'est dommage de s'en passer). C'est bien sûr loin d'être autant le cas en littérature, mais on va dire qu'une approche formaliste fait un peu plus peur aux non initiés
(mais c'est pas pour autant qu'il ne faut pas en faire).
Enfin bon pour conclure moi j'aime bien quand on multiplie les analyses différentes en partant de la même chose, c'est tout de suite plus stimulant (réponse de Normand, je l'admets). Mais bon, j'ai l'impression que pas mal de gens avec qui j'en avais parlé étaient dans un rejet complet de l'une ou l'autre position (la critique littéraire, c'est fumeux et ça sert à rien / si tu t'intéresses au contexte culturel et biographique, c'est que tu n'as rien compris à l'ultime essence de la littérarité), et je trouve ça dommage. Ceci dit, j'ai bien conscience que ma propre approche des choses est extrêmement influencée par mes études d'histoire, et j'ai un peu l'impression de me laisser enfermer dedans
Pour résumer, je trouve ça intéressant d'étudier la genèse d'une oeuvre ou la vie d'un auteur, comme je trouve ça intéressant d'étudier l'oeuvre de façon analytique sans se préoccuper de sa production. En fait, je crois qu'une bonne interprétation est une interprétation cohérente avec elle-même et cohérente avec l'oeuvre, ce qui fait que ces deux méthodes me semblent valables.
Bon en fait on est d'accord quoi
(j'ai l'impression d'avoir beaucoup digressé, désolée pour ce post indigeste)
( la formule "vrai littéraire" craint un peu, c'est vrai, on va dire que c'est un gros raccourci pour dire que j'ai pas mal de complexes à parler de littérature par rapport à des gens qui ont vraiment fait des études de lettres à fond, bref, osef)