@Cilece, merci pour ton message (stimulant et instructif, à mon avis).
J’ai écrit un peu rapidement le mot « extrémiste » dans mon message précédent, en laissant peut-être planer le doute sur ce que je voulais bien désigner par ce terme. Ce que je trouve extrême, donc, c’est essentiellement
le lien direct qui est établi dans l’article entre la prise de conscience que (i) l’élevage industriel est une réalité et/ou que (ii) pour manger de la viande, il faut nécessairement tuer des animaux (deux cruelles réalités), et ce qui en découle presque « naturellement », qui serait de se dire qu’il faut supprimer toute viande de notre alimentation.
Ce qui me gêne avec cette façon de présenter les choses, c’est que réagir de la sorte c’est un peu faire comme si le monde était tout noir ou tout blanc, les méchants industriels Vs les gentils consommateurs qui n’ont rien demandé à personne, en dehors du fait qu’on ne fasse pas de mal aux animaux (et que la bouffe ne coûte rien, et qu’on ait des oranges au petit-déj, et qu’on puisse manger des cerises en hiver - je caricature -, mais c’est un autre problème).
Je ne suis pas certaine de vouloir accuser les végéta*iens (au passage, merci pour l’astuce orthographique qui me fait l’effet d’une révélation) de la crise de l’élevage, mais il me semblait indispensable de nuancer le propos : si c’est (très certainement) hypocrite de faire peser ce poids sur les épaules des végéta*iens (et en même temps, c’est si simple !), ça l’est aussi de présenter les choses aussi grossièrement que ce que je viens d’évoquer plus haut (le « tout noir, tout blanc »). Voilà pour l’extrémisme, qui réside en fait plutôt dans le fait de ne prendre en compte qu’une facette de la réalité pour agir en conséquence (adapter son alimentation radicalement, dans le cas présent). De l'hypocrisie alors ?
Je comprends très bien l’origine du dégoût / rejet pour les produits issus de l’industrie agroalimentaire (IAA) et n’ai jamais pensé que c'était au consommateur,
seul, de porter la responsabilité de tous les impacts négatifs (sur l’environnement, la santé, l’économie, etc.) d’un tel système. Malgré tout, j’ai le sentiment que le consommateur (toi, moi, Fab,
@Amarante, etc.) doit accepter de prendre une part de cette responsabilité en construisant ses choix alimentaires en accord avec la réalité du monde dans lequel il vit (par exemple «
il y a des éleveurs qui produisent de la viande de façon raisonnée », ou bien «
l’élevage industriel est une réalité ») et ses propres convictions (ou valeurs, comme tu l’expliques, type «
je ne supporte pas l’idée qu’on tue un être vivant pour mon alimentation »). Alors c’est évident, l’IAA a une part de responsabilité énorme et sans doute disproportionnée par rapport à celle du consommateur dans la recherche d’une plus grande transparence du système alimentaire (je serais plus nuancée sur la question des producteurs, dont certains sont pieds et poings liés avec l’IAA - et pour lesquels s’en détacher est synonyme de suicide économique) mais négliger le rôle du consommateur là-dedans me paraît un peu (pour ne pas dire très) pessimiste, car je suis convaincue de la capacité de ce dernier à orienter les systèmes alimentaires vers des alternatives plus durables.
Par rapport à cette question de responsabilité, c’est là qu’on peut se dire qu’être végéta*ien, c’est très bien, mais il me semble que c’est un choix à faire en toute connaissance de cause. Et que de fait, l’argument « je suis contre l’élevage industriel » il est très (trop) léger par rapport aux autres réalités de la production alimentaire. Et tu le dis bien, il y a de nombreuses autres raisons d’être végé (ça y est, j’ai la flemme de l’écrire en entier), et c’est ce qui me semble limite dans l'article.
Pour reboucler sur ce que tu as écris, j’étais un peu perplexe au départ en lisant le parallèle avec l’habillement, parce qu’il me semble que l’alimentation ça tient à plus que ça : c’est un besoin vital, il y a une dimension intime, culturelle, historique là-dedans dont il me paraît difficile de se détacher. Ce qui limite la portée de la comparaison parce que si, en effet, on peut se dire qu’on arrête de manger un certain type d’aliment, c’est plus compliqué de se dire « j’arrête d’acheter à manger » (alors que « j’arrête d’acheter des vêtements », bon. C’est tout de suite plus plausible, même si pas forcément plus simple
).
Mais dans l’exemple, si je pousse le parallèle (corrige moi si je me trompe, parce que je ne suis pas sûre de mon coup), alors les gens qui décident d’arrêter de consommer de la viande sont les nudistes, et ceux qui en consomment moins, mais mieux (top qualité, achetée en direct chez un éleveur qui masse ses vaches et leur fait boire du champagne pour passer le temps) (ça existe) sont.. Les autres. Rapporté à l’alimentation, j’ai du mal à comprendre pourquoi est-ce qu’il pourrait y avoir un « faisceau de valeurs » si différent voire divergent entre les végéta*iens et les « je mange de la viande/du fromage une fois par semaine »... Puisque ce sont tous des individus à la recherche d'une alternative. Hormis effectivement dans la question de manger un animal mort (miam) (je suis pas fan de viande, au fait). Mais à nouveau, c’est une question d’histoire (comment s'est-on éloignés de cette réalité ?), d’éducation (comment peut-on /doit-on le réapprendre et l’accepter ?), de rapport à l’animal et à la mort. Il y a quelques écrits intéressants sur le sujet si ça peut intéresser du monde, mais je suis sûre qu’il y a quelque chose à creuser de ce côté là.