Ce qui suit n'est qu'une réflexion purement théorique. En aucun cas je ne prétends expliquer quoi que ce soit. En particulier, en aucun cas je ne prétends expliquer ce qui se passe dans l'esprit de personnes atteintes de troubles alimentaires, ou réduire l'importance de leur souffrance. Si ce propos est jugé hors sujet ou déplacé, je laisse le soin à une animeuz d'effacer ce message.
Dire que la dictature de la minceur provient des médias, c'est une chose, soit. Mais c'est un peu comme si, à la question "qu'est-ce qui fait tomber la pomme?", Newton avait répondu "La gravité.", et puis on en était restés là, point. Pourquoi une telle imposition?
Les canons de beauté varient avec les époques, et correspondent à différents paramètres, dont celui du signe extérieur de richesse, dépendant du facteur environnemental. Ainsi, l'abondance de nourriture, se traduisant par un corps rond, correspond à un critère d'attirance à certaines époques dans certaines cultures. Aujourd'hui, dans les sociétés occidentales, l'abondance de nourriture est devenue la norme, avec le développement continuel de nouveaux produits d'alimentation sophistiqués et redondants sur le plan nutritionnel. (ceci ne veut pas dire que tout le monde peut manger à sa faim dans ces sociétés, la norme étant relative.) Cette opulence de produits aux calories inutiles entraîne un déréglement des comportements, du moins pendant une phase de transition, comme en transition démographique par exemple. Ces comportements, encore non régulés en fonction de la nouvelle situation, et encouragés par l'industrie car source de profits, entraînent une augmentation du nombre de personnes en surpoids et en obésité au sein de la population moyenne. L'obésité en particulier, lorsqu'elle est devient une situation courante, apparaît comme un symptôme flagrant d'une société ultra-consumériste.
On pourrait voir le développement de troubles alimentaires comme une réaction pas moins saine qu'une autre face à cette surabondance de produits alimentaires à but de pure satisfaction. On pourrait supposer que l'esprit bugge face à cette situation absolument pas naturelle, engendrant un comportement excessif de rejet total ou d'abus chronique. Les comportements collectifs de rejet réfléchi de cette surabondance antinaturelle, tels que l'affirmation de la possibilité d'une consommation raisonnée et d'une alimentation dite "saine", peuvent apparaître comme une réponse "à froid" à cette situation, oeuvre d'un processus de groupe (donc ayant la capacité de donner un résultat différent de celui donné par la somme de ses parties).
L'érection de l'excès correspondant à la maigreur comme canon de beauté, et non de l'excès inverse, pourrait être lié à plusieurs paramètres. D'une part, le choix du contrôle peut être perçu comme une affirmation de l'humanité au regard de l'animalité, la maîtrise des pulsions apparaissant comme propre à l'homme. Ceci pourrait également correspondre à l'idéal de la pratique d'une activité sportive, symbole d'un effort de contrôle mental. D'autre part, les sociétés occidentales intègrent le sentiment de culpabilité. Ce sentiment peut apparaître, dans ces circonstances, face à l'écart flagrant entre la situation des sociétés à fort pouvoir d'achat (sur le plan mondial) et celle des sociétés plus pauvres, mis en lumière par la mondialisation de l'information (le terme est sans doute mal choisi). Il faut également garder à l'esprit que les nourritures à fort pouvoir calorique, donc dont la consommation régulière favorise une prise de poids, ne sont pas parmi les plus onéreuses, donc les effets de leur consommation courante ne constitue plus un signe extérieur de richesse.
La transition avançant de jour en jour, l'idéal se rapproche progressivement d'un entre-deux. Toutefois, les images utilisées par les médias sont ancrées dans l'inconscient collectif. Les canons ont été utilisés à des fins commerciales, et l'idée que ces canons "font vendre" reste fortement présente. Une nouvelle transition s'impose donc, sur le plan de l'image cette fois.