- Je me demande pourquoi on note lys ou muguet dans la composition d'un parfum alors qu'il s'agit de fleurs muettes.
J'aime beaucoup la poésie des fleurs muettes. Et ce qu'il y a de beau avec elles, c'est aussi qu'elles ne le sont qu'avec nous, quand on veut capturer leur petite âme, comme des petits êtres timides qui ne se laissent pas apprivoiser facilement, mais qui sentent pourtant divinement bon quand elles croient qu'on ne les sent pas.
Je présume qu'il arrive qu'on les notifie non pas sur la composition même du parfum, mais sur les fragrances annoncées par le flacon, n'est-ce pas ? Comme c'est après elles qu'on a couru, à vouloir reproduire leur senteur, pour répondre aux attentes d'un odorat qui ne les identifie que trop bien, il ne me semble pas illogique de les nommer. C'est ce qu'on sentira une fois le bouchon retiré, c'est ce qu'on identifiera les yeux fermés.
C'est comme parler d'un vin en décrivant chaque note gustative que l'on sentira : une note de tête avec de la cerise ne signifie en effet pas qu'il y en a dans la composition, mais bien qu'on a réussi à recréer cette palette de goût.
Un peu aussi comme si tu mélangeais des pigments bleus et jaunes pour obtenir du vert : dans ce cas, ce n'est pas ce vert que tu vois dans la nature qui est fixé (on aurait pu, à la différence des fleurs muettes), mais un vert synthétisé à partir de tout autre chose, et que nos sens identifient pourtant sans difficulté comme cette teinte.
- Je me demande si on peut appliquer la composition d'un parfum à une recette.
Oui, dans la mesure où les éléments du parfum sont comestibles, on peut parfaitement. Ce sera à bien doser, au risque d'avoir un goût peu évident à la dégustation, ou du moins peu habituel. Ça peut donner des mélanges subtils et délicats, extrêmement doux, qui réveillent les papilles avec leur rareté et leur patrimoine fortement lié au nez (on goûte souvent l'odeur avant de la manger).
- Je me demande si les gens qui ont des goûts "étroits" ont aussi un odorat étroits.
Cela arrive et peut être fortement lié, même si ce n'est pas systématique. Après, à noter que l'odorat est indispensable pour déceler, percevoir et analyser des saveurs gustatives complexes, donc certainement que moins il est performant, moins tu ne perçois les goûts dans toutes leurs nuances et leurs subtilités.
Cela me fait également penser à mon copain : il est très difficile avec de nombreuses odeurs, ce qui lui rend compliqué la consommation de pléthore d'aliments (produits laitiers, légumes...). Il a un don avec son nez, et cela semble directement influencer ses capacités à reconnaître les saveurs.
Après, je présume que ce sont deux sens qui s'influencent sans pour autant évoluer parallèlement l'un à l'autre, avec de grandes nuances dans tout ce processus de stimulations équivalentes.
Je me demande pourquoi les gens s'obstinent à penser en parfum masculin ou féminin alors qu'ils protestent contre l'idée du rose pour les filles et bleus pour les garçons.
Les stéréotypes du genre ont encore du chemin à parcourir ?
Je me demande tout de même si des odeurs peuvent être plus masculines que d'autres, parce qu'elles correspondraient plus généralement à ce qu'un corps humain de sexe masculin va dégager par exemple... ou si cela est uniquement dû à un usage culturel (en lien avec ce qu'évoque ces odeurs, comme douceur ou pugnacité, et ce qu'on pense qui doit le mieux illustrer l'homme et la femme dans tout ça). Comme c'est une assimilation genrée qui prend plus d'intermédiaires que pour les couleurs, qui est moins discutée et dont l'impression naturelle n'est pas remise en question aussi souvent, je pense aussi que c'est plus compliqué de mettre de côté cette impression. L'odorat est le sens de la mémoire par excellence, il fixe des souvenirs, et si on fixe à une odeur une connotation masculine, on aura sans doute plus de mal à modifier ce rapport, presque inconscient de par le caractère abstrait, fulgurant et subit de la reconnaissance d'une odeur.