@skippy01 : Quand je vivais en Angleterre je me suis mise à jurer comme un charretier (en français) parce que personne ne me comprenait. Pour mon retour en France j'ai dû désapprendre, et comme je bosse avec des enfants et que dire des gros mots n'est pas admis, je dis des gros mots anglais (pas des fucks hein, des choses qu'il n'est pas grave que des enfants répètent, genre un bon gros "Jesus Christ" pris d'un fermier irlandais).
Si quand je jure vraiment c'est en français, c'est parce que... Comme je suis française, le gros mot français semble plus fort, plus transgressif, il a plus de valeur. Alors même que c'est hyper grave de dire fuck en Angleterre, pas du tout grave de dire merde en France, pour moi j'ai l'impression que merde est plus fort. Il vient aussi plus naturellement.
@TennanTen : quand je parlais anglais, les pensées qui me servaient à parler étaient en anglais (quand tu parles bien une langue c'est naturel de concevoir les mots direct dans la langue sans traduire à chaque fois), mais pas les autres (parce que c'est plus naturel de penser dans ta langue maternelle de façon générale). Je pouvais très bien penser à ce que je disais en anglais et en même temps me dire "tiens ça me gratte" en français, par exemple.
Au bout d'un moment y a quand même eu des gros mélanges. Déjà, les mots ne sont pas totalement synonymes, donc en parlant en français je faisais plein d'anglicismes. Pas pour me la péter, mais parce que mon cerveau prenait le mot le plus proche du concept abstrait que je voulais exprimer, et ce mot était parfois anglais. J'avais l'impression de ne pas pouvoir trouver de mot équivalent, ou que le mot le plus proche ne correspondait pas assez à ce que je voulais vraiment dire. Maintenant que je suis rentrée c'est passé.
Plus bizarre encore : comme je ne parlais français qu'une fois par semaine sur Skype avec ma famille et que sinon tout ce que j'entendais, disais, lisais était anglais, au bout de quelques mois il m'arrivait de penser à moitié en anglais. Des switchs genre "il me faudrait une sacoche as well", "let's say que j'ai la flemme aujourd'hui" qui sont encore assez logiques (pas d'équivalent de linguistique de as well en français, et pas de mot pour flemme en anglais !). Des superpositions : "je suis tombée sur des cons des twats". Des traductions littérales très bizarres : "il fait froid, mais toujours", "espécialement", "je ne misse pas la voiture", "pas tout à fait quite the same" "surprisamment enough".
Quand je suis en Angleterre et que je parle avec des français, il y a souvent un moment où quelqu'un switche, généralement l'autre poursuit dans la même langue. Quand quelqu'un me parle anglais, c'est naturel pour moi de répondre en anglais, même si je sais qu'on parle français ! Récemment j'ai papoté une heure avec un anglais en France et quand la serveuse est venue nous voir j'ai failli lui parler anglais aussi, j'ai été hautement perturbée. Je crois que c'est parce que pour le coup, ça c'était hyper cloisonné, je ne parlais que français en France et qu'anglais en Angleterre jusque maintenant.
Je connais une Allemande qui vit en Angleterre depuis 25 ans. Ses élèves lui demandent parfois de leur parler davantage allemand. Elle répond : "ah bon ?". Elle n'a pas le moindre idée de la langue dans laquelle elle parle !
Donc en fait ça dépend : de ton fonctionnement de pensée, de ton degré de maîtrise, d'où tu habites, depuis combien de temps, à quelle fréquence tu parles quelle langue, avec qui... Je cloisonne selon l'endroit où je me trouve et mon interlocuteur,
@Madhiko semble cloisonner dans la mesure où elle ne switche pas,
@celacanto cloisonne en fonction des gens, langue des amis, de la famille, de l'amour (je sais que c'est assez fréquent. Y a aussi des polyglottes qui se sentent très cons parce qu'ils sont incapables d'expliquer à leur famille le boulot qu'ils font par exemple. Moi je me suis sentie très conne quand j'ai voulu demander où étaient les casseroles, que je me suis rendue compte que je ne connaissais pas le mot pour dire casserole alors que je pouvais pondre des disserts entières sur Shakespeare ou sur la linguistique en anglais...) Chacun son truc !