Je me permets d'intervenir car je vois que @Nastja, dont je trouve les opinions absolument terrifiantes, idéalise beaucoup trop le XIXe siècle.
Je me permets d'inclure un avis que j'avais écrit au sujet du court essai de Jean Verdon, La Femme au Moyen Âge, qui théorise un avis intéressant qu'il argumente, et que j'ai vu partagé dans le monde universitaire : la condition des femmes commence à se dégrader à la fin du Moyen Âge, et elle se dégrade de plus en plus (avec des nuances) jusqu’au XIXe où les femmes atteignent le paroxysme de leurs mauvaises conditions. Je n'arrive pas à retrouver la source là tout de suite, il faudrait que j'épluche mon historique pour le retrouver, mais j'avais également lu un article très intéressant qui mettait ce phénomène (la condition désastreuse des femmes au XIXe siècle) en parallèle avec le dynamisme des mouvements féministes au siècle suivant. En gros : le XIXe siècle marque un point de non-retour concernant la condition féminine, on atteint un point critique de ras-le-bol, et son résultat est que les femmes manifestent au siècle suivant leur mécontentement à travers les luttes pour les droits.
Ca me fait donc beaucoup grincer des dents que l'époque prise en exemple soit littéralement la pire époque pour les femmes de toute l'histoire de l'humanité. Le XIXe siècle c'est pas que des jolis robes hein, le passé c'est pas un joli film avec des vêtements plein de dentelles couleur pastel.
Tu parles de tes grands-parents, qui ont eu des mariages corrects. Tant mieux pour eux, mais - à moins que tu aies +40 ans - tes grands-parents étaient certainement adultes dans les années 60, et à l'époque ça se faisait déjà plus les mariages arrangés, les femmes avaient déjà leur mot à dire sur leur vie et si je n'ai aucune donnée permettant d'affirmer que les violences conjugales étaient plus ou moins fréquentes par rapport à aujourd'hui, je peux en revanche dire qu'elles étaient plus décomplexées dans l'opinion publique car pas identifiées comme telles. Je pense à cette vidéo de l'Ina présentant un sondage d'opinion dans les années 70s, où on demande aux hommes ce qu'ils pensent du fait de frapper sa femme. Plusieurs répondent que c'est pas cool mais ça va si c'est quelques gifles...
Edit : ladite vidéo (TW mention de violences conjugales, victim-blaming)
Ta métaphore de la cage est un argumentaire qui était employé dans les années 1940-50, où il était mis en avant que les femmes n'avaient pas besoin de droits car ça allait juste leur faire vivre les mêmes souffrances que les hommes.
Tu parles de l'oisiveté que ce genre de vie te permettrait, mais même en étant la femme d'un grand bourgeois tu ne resterais pas oisive pour autant : en tant que maîtresse de maison, ton rôle premier serait de t'occuper de tous les textiles. Tu passerais donc un temps considérable de ta vie à coudre, et à vérifier derrière tes servantes que tout est impeccable. Simone de Beauvoir parle d'ailleurs des psychoses et névroses qui existent chez les femmes au foyer de son temps dans Le Deuxième Sexe, chapitre "la mère" (il me semble) : ces femmes qui restaient toute la journées chez elles n'avaient de contrôle que sur leur foyer, et allaient développer des maladies mentales ou des troubles genre TOC concernant la perfection (vérifier cent fois que tout est parfait, houspiller les servantes si ça ne l'est pas, développer des angoisses incroyables quant au fait qu'il reste la moindre poussière, etc). Son livre est très sourcé donc je t'invite à lire ces chapitres (qui sont dans la deuxième partie du livre, le "tome 2" si on veut) ; elle mentionne d'autres sources très intéressantes comme l'autobiographie d'une épouse russe riche qui parle de sa solitude effroyable.
Le fait d'être dépendant absolument de son mari, ça signifie être condamné à l'exemplarité - même si ton mari n'est pas exemplaire. Ca veut dire que tu n'as aucun échappatoire : il te trompe, tu restes avec lui ; il te bats, tu dois rester avec lui ; vous ne vous entendez plus, too bad, parce que ne peux pas partir, tu as besoin de lui, il est littéralement ta source de revenus. Les parents au XIXe qui s'inquiétaient de ne pas pouvoir marier leur fille ne reposaient pas uniquement leurs inquiétudes sur des préjugés sexistes : ils avaient les mêmes inquiétudes que les parents aujourd'hui, qui ont peur que leurs enfants ne trouvent pas de travail - de source de revenu qui leur permettra de mener une vie correcte loin du besoin. Et le moyen de mener une vie correcte loin du besoin au XIXe pour une femme, c'est de trouver un époux avec suffisamment de revenus.
Si vous voulez vivre à une époque où vous étiez soumis.es à vos maris, prenez littéralement n'importe quand d'autre... Ou allez vivre en Arabie Saoudite, parce que je le rappelle, ça existe encore les pays où les femmes sont juste soumises à leur mari et n'ont que le droit de vivre dans l'oisiveté chez elles pendant que leur bonne malgache travaille pour elles. D'ailleurs, les femmes dans ces pays, aussi "privilégiées" peuvent-elles te sembler, luttent pour leurs droits... Le mode de vie que tu décris existe toujours.
Edit : une personne m'informe que "dans Agatha Christie, même dans ses histoires avec des meurtres et des familles de bourges aisées, A. Christie évoque souvent l'ennui des femmes". Cette personne me dit d'ailleurs que :
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Je me permets d'inclure un avis que j'avais écrit au sujet du court essai de Jean Verdon, La Femme au Moyen Âge, qui théorise un avis intéressant qu'il argumente, et que j'ai vu partagé dans le monde universitaire : la condition des femmes commence à se dégrader à la fin du Moyen Âge, et elle se dégrade de plus en plus (avec des nuances) jusqu’au XIXe où les femmes atteignent le paroxysme de leurs mauvaises conditions. Je n'arrive pas à retrouver la source là tout de suite, il faudrait que j'épluche mon historique pour le retrouver, mais j'avais également lu un article très intéressant qui mettait ce phénomène (la condition désastreuse des femmes au XIXe siècle) en parallèle avec le dynamisme des mouvements féministes au siècle suivant. En gros : le XIXe siècle marque un point de non-retour concernant la condition féminine, on atteint un point critique de ras-le-bol, et son résultat est que les femmes manifestent au siècle suivant leur mécontentement à travers les luttes pour les droits.
Ca me fait donc beaucoup grincer des dents que l'époque prise en exemple soit littéralement la pire époque pour les femmes de toute l'histoire de l'humanité. Le XIXe siècle c'est pas que des jolis robes hein, le passé c'est pas un joli film avec des vêtements plein de dentelles couleur pastel.
Tu parles de tes grands-parents, qui ont eu des mariages corrects. Tant mieux pour eux, mais - à moins que tu aies +40 ans - tes grands-parents étaient certainement adultes dans les années 60, et à l'époque ça se faisait déjà plus les mariages arrangés, les femmes avaient déjà leur mot à dire sur leur vie et si je n'ai aucune donnée permettant d'affirmer que les violences conjugales étaient plus ou moins fréquentes par rapport à aujourd'hui, je peux en revanche dire qu'elles étaient plus décomplexées dans l'opinion publique car pas identifiées comme telles. Je pense à cette vidéo de l'Ina présentant un sondage d'opinion dans les années 70s, où on demande aux hommes ce qu'ils pensent du fait de frapper sa femme. Plusieurs répondent que c'est pas cool mais ça va si c'est quelques gifles...
Edit : ladite vidéo (TW mention de violences conjugales, victim-blaming)
Ta métaphore de la cage est un argumentaire qui était employé dans les années 1940-50, où il était mis en avant que les femmes n'avaient pas besoin de droits car ça allait juste leur faire vivre les mêmes souffrances que les hommes.
Tu parles de l'oisiveté que ce genre de vie te permettrait, mais même en étant la femme d'un grand bourgeois tu ne resterais pas oisive pour autant : en tant que maîtresse de maison, ton rôle premier serait de t'occuper de tous les textiles. Tu passerais donc un temps considérable de ta vie à coudre, et à vérifier derrière tes servantes que tout est impeccable. Simone de Beauvoir parle d'ailleurs des psychoses et névroses qui existent chez les femmes au foyer de son temps dans Le Deuxième Sexe, chapitre "la mère" (il me semble) : ces femmes qui restaient toute la journées chez elles n'avaient de contrôle que sur leur foyer, et allaient développer des maladies mentales ou des troubles genre TOC concernant la perfection (vérifier cent fois que tout est parfait, houspiller les servantes si ça ne l'est pas, développer des angoisses incroyables quant au fait qu'il reste la moindre poussière, etc). Son livre est très sourcé donc je t'invite à lire ces chapitres (qui sont dans la deuxième partie du livre, le "tome 2" si on veut) ; elle mentionne d'autres sources très intéressantes comme l'autobiographie d'une épouse russe riche qui parle de sa solitude effroyable.
Le fait d'être dépendant absolument de son mari, ça signifie être condamné à l'exemplarité - même si ton mari n'est pas exemplaire. Ca veut dire que tu n'as aucun échappatoire : il te trompe, tu restes avec lui ; il te bats, tu dois rester avec lui ; vous ne vous entendez plus, too bad, parce que ne peux pas partir, tu as besoin de lui, il est littéralement ta source de revenus. Les parents au XIXe qui s'inquiétaient de ne pas pouvoir marier leur fille ne reposaient pas uniquement leurs inquiétudes sur des préjugés sexistes : ils avaient les mêmes inquiétudes que les parents aujourd'hui, qui ont peur que leurs enfants ne trouvent pas de travail - de source de revenu qui leur permettra de mener une vie correcte loin du besoin. Et le moyen de mener une vie correcte loin du besoin au XIXe pour une femme, c'est de trouver un époux avec suffisamment de revenus.
Si vous voulez vivre à une époque où vous étiez soumis.es à vos maris, prenez littéralement n'importe quand d'autre... Ou allez vivre en Arabie Saoudite, parce que je le rappelle, ça existe encore les pays où les femmes sont juste soumises à leur mari et n'ont que le droit de vivre dans l'oisiveté chez elles pendant que leur bonne malgache travaille pour elles. D'ailleurs, les femmes dans ces pays, aussi "privilégiées" peuvent-elles te sembler, luttent pour leurs droits... Le mode de vie que tu décris existe toujours.
Edit : une personne m'informe que "dans Agatha Christie, même dans ses histoires avec des meurtres et des familles de bourges aisées, A. Christie évoque souvent l'ennui des femmes". Cette personne me dit d'ailleurs que :
et je rajoute notamment une anecdote d'un bouquin que je viens de finir tout à l'heure (meme si ça se passe après la guerre par contre) une femme qui était infirmière, s'est marié avec un riche gars. Et elle explique à Miss Marple qu'elle regrette ce que tout le monde voit comme "une belle histoire", car elle s'ennuie toute la journée, à tourner en rond dans la grande maison, sans rien à faire, pendant que son mari bosse en ville alors qu'elle est précisément dans le cas "rêvé" : elle fait souvent les boutiques, elle sort à l'opéra etc, mais elle s'ennuie.
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