Je ne supporte pas les situations qui me rappellent que le point de vue que je défends n'est pas « vraiment le mien ». Parfois, il m'arrive de laisser tomber mon intuition première sur un sujet pour adopter un point de vue partagé par les autres. Je crois que ce n'est pas tant par conformisme, mais plutôt par facilité : je vois que cette idée semble faire l'objet d'un consensus, et mon impression première ne me tient pas trop à cœur, bon d'accord, je la sacrifie, ça me permettra de ne pas avoir à m'expliquer sur quelque chose qui ne me passionne pas et dont j'aurais la flemme de parler. C'est rare, mais il m'arrive donc parfois de choisir la facilité (l'avis majoritaire) quand quelque chose ne m'intéresse pas spécialement, même si ce n'est pas mon opinion de base.
Par exemple, la semaine dernière on a eu un cours où le prof est parti assez loin dans ses délires, où il ricanait comme un psychopathe et faisait pas mal de blagues très provocs. Moi, en voyant ça, je n'étais pas surprise, parce que j'ai toujours trouvé que ce prof avait un fond très déjanté, je me suis juste dit qu'il avait décidé de se lâcher ce jour-là.
Et puis en sortant du cours, j'ai réalisé que tous les autres élèves étaient persuadés qu'il était bourré. Pour eux ça ne faisait pas l'ombre d'un doute. Moi, assez peu tranchée sur la question, je me dis que si ça se trouve en effet, il avait bu, et que ça expliquerait cette attitude étrange. Donc je me dis « d'accord, je vais rejoindre leur avis même si je n'aurais jamais pensé ça de moi-même et que je ne le pense toujours pas spécialement ».
Et tout à l'heure, on allait retrouver ce prof pour une nouvelle séance. Une fille à côté de moi soupire, et je lui réponds « j'espère qu'il sera bourré comme la semaine dernière, ce serait cool ». Et puis elle me dit, très solennelle « moi je pense pas qu'il était bourré, il est juste complètement barré comme prof ». Bah voilà, c'est des situations qu'il m'arrive de temps en temps de vivre, et je déteste ça ! Parce que je suis complètement d'accord avec elle en fait. Pour moi, ce prof est barré et n'a pas besoin d'être bourré pour partir en couille. Mais comment faire comprendre à la personne qu'en fait, je viens de dire quelque chose de façon tout à fait mécanique, sans aucune conviction derrière, et qu'au fond je suis d'accord avec elle ? Ça ne peut pas vraiment se faire, on ne peut pas changer d'avis comme de chemise en fonction des personnes, sinon on prend le risque de passer pour une girouette opportuniste. Alors j'ai dû assumer un point de vue qui n'était même pas le mien. Ah ça m'a frustré, parce que du coup je m'en suis tenue à dire qu'il était sûrement bourré, argumentant qu'il sentait l'alcool (bon c'est un peu vrai en plus mais il sent toujours l'alcool) alors que moi-même je n'y croyais pas, je voulais juste garder la face et ne pas montrer que je n'étais pas d'accord avec ce que moi même j'énonçais. J'aurais pu me rallier à sa cause (et donc à ma cause de départ), mais pour que je me rallie "légitimement" à sa cause, sans avoir l'impression de passer pour une fille influençable, il aurait fallu que cela provienne après un débat (comme ça j'aurais pu feindre d'avoir été convaincue par ses arguments, alors qu'en réalité je n'avais même pas besoin de ces derniers pour être convaincue), or débattre sur quelque chose d'aussi infime aurait été inutile, et surtout on n'a pas eu le temps d'approfondir, parce que cette conversation fût très furtive.
C'est ridicule hein, pour elle cette conversation a duré 3 secondes, et moi je me la suis repassée en boucle après, en culpabilisant de ne pas avoir été à la hauteur
Je déteste ces situations, parfois j'aimerais pouvoir dire « stop, j'ai dit une connerie que je ne pensais pas, j'aimerais faire marche arrière et te donner mon vrai avis sans avoir l'air de tourner en fonction du vent ».