Je ne supporte pas la frustration. Et je ne supporte pas de me rendre compte quand je suis frustrée, parce que je trouve ce mot très mal connoté et très dégradant à assumer, alors que pourtant on passe tous par de la frustration à différents moments de notre vie. Je ne parle pas d'une frustration sur le plan sexuel, amoureux ou je ne sais quoi.
Je parle plutôt de la frustration qui porte sur la communication. Je suis très souvent frustrée par ce que je dis, ce que j'aimerais dire... En fait tout ce qui renvoi aux malentendus humains me frustre beaucoup (cf même mes derniers messages
). Certains le vivent bien, mais moi je trouve que les malentendus, aussi infimes soient-ils, sont difficiles à vivre, et je trouve aussi difficile de ressentir des choses, de crever d'envie d'en parler, et de ne pas trouver le bon contexte, la bonne personne, ou les bons mots. J'aimerais pouvoir dire ce qui me passe par la tête tout le temps, je déteste sentir que je veux m'exprimer et que je ne le fais pas, ça déclenche chez moi une tendance à l'auto-flagellation.
Ça m'arrive en ce moment dans le contexte scolaire. J'ai un cours que j'adore tout particulièrement, mené par un prof que je trouve hyper passionnant, et pourtant ce cours me frustre beaucoup. Bon, déjà ça me frustre parce que le cours porte sur un sujet que j'aime beaucoup (le cinéma) (jusque là, « où est la frustration ? », me direz-vous
). Bon je l'ai déjà dit dans « je ne comprends pas », mais j'ai l'impression qu'on me dépossède un peu de quelque chose quand on aborde en cours un sujet avec lequel j'ai un rapport très intense (pareil quand on aborde le langage, ou la mise en scène de la vie quotidienne, j'aimerais rester dans l'idée que je suis la seule à penser comme ça, même si c'est totalement faux
). Du coup avec ce cours je passe d'un rapport intime, individuel, à un film, à un rapport plus désenchanté, et surtout un rapport qui n'est plus individuel, puisqu'il est influencé par quelqu'un d'autre. Ce n'est plus juste « le film et moi ». Et en même temps, je ne peux qu'aimer, parce que ce prof décompose les choses avec une énorme justesse et beaucoup de passion.
Mais même en dehors de cet aspect, je suis souvent frustrée dans les cours que j'adore. J'aimerais en fait me retrouver toute seule avec le prof et pouvoir prendre la parole, m'exprimer, rebondir sur ce qu'il dit, lui donner mes avis, le contredire quand je ne suis pas d'accord... Or, en TD, je ne le fais que très peu, déjà parce qu'exprimer des sentiments qui touchent à un sujet qui me passionne, et le faire devant 35 élèves, m'inquiète; et puis en plus parce que si je m'écoutais je rebondirais sur tout, et j'aurais l'impression de monopoliser le prof. Du coup je tombe dans l'extrême inverse et je participe très peu, par frustration, parce que je sais que je ne pourrai pas tout dire, et que je n'ai pas envie de dire qu'à moitié, alors bon, je choisis le tout ou rien. Je trouve ça débile, j'ai un sens de la demie mesure assez inexistant... Pareil, quand il mentionne un film que j'ai adoré, j'ai envie de sauter au plafond et de lui envoyer un gros big up, j'ai même envie de juste hocher la tête pour lui montrer que je connais aussi, sauf que je ne vois pas l'intérêt de cette pratique, du coup je reste stoïque, et ça me frustre parce que j'ai l'impression qu'on partage énormément de points de vue sur énormément de choses, et qu'il ne le saura jamais, or comme je l'admire, j'aimerais qu'il le sache. Bon c'est un peu concon, ce besoin de reconnaissance complètement inassouvi, mais ça me frustre ! Je voudrais que les gens avec qui je me sens en communion sentent que je me sens en communion avec eux. Pareil, j'aimerais aller le voir à la fin, lui dire ce que je n'ai pas forcément osé dire devant tout le monde, mais j'ai peur de l'ennuyer, du coup je m'en vais sans lui laisser entrevoir le moindre signe (si ce n'est mon air complètement passionné quand je l'écoute
) pouvant lui permettre de comprendre que j'estime énormément son cours, son investissement, et sa pédagogie.