Ça fait plusieurs jours (semaines ? Mois ?
) que je me retiens d’écrire ce message parce que je sais qu’il est très déprimant, mais là ça me brule le clavier. Je vous préviens ça va être long et pas drôle
Je ne supporte pas ma peur de l’avenir et mon incapacité à élaborer le moindre projet.
Dressons un tableau rapide : Je suis célibataire (je n’ai jamais connu de relation de couple d’ailleurs, et je me demande si ce n’est pas lié à mon rapport au futur
), je vis et j’étudie dans la ville où je suis née, et à moins d’un bouleversement incroyable dans ma vie, je pense que je suis partie pour y rester encore un bout de temps. Actuellement je suis en master, je suis censée écrire un mémoire que je n’arrive pas à entamer, et lorsque, au début de l’année, j’ai dû m’atteler à trouver un sujet pour mes recherches, j’ai été totalement déstabilisée par mon absence d’imagination. Tous les autres avaient l’air contents de pouvoir enfin décider seuls ce qu’ils voulaient étudier, et moi au contraire, je me sentais jetée dans la fosse aux lions, perdue dans l’infini des possibles et dénuée de toute envie particulière. Pour mettre un terme à cette angoisse, j’ai accepté de « reprendre » le projet qu’un professeur que j’aime beaucoup m’a proposé. Et voilà, c’est caractéristique de mon rapport à l’avenir : j’attends le déluge.
J’aimerais vraiment savoir me projeter sereinement dans le futur. Je ne parle pas d’avoir des projets incroyables et des ambitions démesurées, je parle juste d’avoir la capacité d’entreprendre et de faire des choix qui vont dans le sens de la nouveauté. J’ai l’impression qu’aucune de mes décisions ne vient réellement de moi-même, qu’il faut toujours qu’on m’y incite ou qu’on m’y pousse. J’envie ne serait-ce que les gens qui s’inscrivent dans des clubs de sport tous seuls, ceux qui partent en voyage de leur propre chef, ceux qui s’inscrivent dans une association, ceux qui se construisent un projet professionnel en parallèle à leurs études. Je les envie parce qu’ils ont de l’imagination pour construire leur vie, même si c’est à petite échelle. Moi je laisse « la vie » décider pour moi en permanence, j’ai l’impression de ne rien provoquer par moi-même, ou en tout cas pas consciemment, comme si j’étais passive vis-à-vis de ma propre existence. Je laisse les choses couler et je m’y adapte, je fais de nécessité vertu. Je n’engrange que très peu de ruptures. Je suis incroyablement linéaire.
Dans l’absolu et les jours où mon humeur est beau au fixe, je supporte plutôt bien ce fonctionnement. Après tout j’ai soif de découverte mais je n’ai pas envie de courir le monde à la recherche d’un endroit où m’établir. J’aime les expériences ponctuelles qui me sortent de mon quotidien, mais j’aime aussi l’idée que justement j’ai un quotidien, que j’ai des repères, que je suis chez moi quelque part. Du coup je voue mon temps à consolider mes bases plus qu’à entreprendre de nouvelles choses, et ma foi pourquoi pas, c’est un modèle de vie comme un autre, même si c’est a priori pas le plus excitant qui soit. Mais ça, c’est dans l’absolu. Il suffit que je me compare aux autres jeunes de mon entourage pour me sentir immobile, froussarde, casanière et désabusée.
J’ai lu dernièrement sur le forum une fille qui disait (@higreq je crois ?
) que c’était dur d’être si jeune et d’avoir autant de rêves tout en sachant qu’on n’aura jamais assez d’une vie pour tous les réaliser. Cette phrase m’a fait comme un éléctrochoc parce que j’ai l’impression d’illustrer l’extrême opposé : pour moi c’est dur d’être si jeune, d’avoir la vie devant moi et pas la moindre idée de ce que je veux en faire.
Je suis systématiquement en train de peser le pour et le contre, j’ai l’impression de passer ma vie à exercer un esprit critique si bien que lorsqu’il s’agit de me lancer, d’entreprendre quelque chose, je suis désabusée d’avance. C’est comme si ma manière d’appréhender le monde m’empêchait de rêver, de croire sincèrement en un projet, de me fondre corps et âme dans ce que je vis. En fait j’ai l’impression que je suis cynique et presque désenchantée alors que je n’ai même pas 23 ans, et ça me fait vraiment chier. J’aimerais apprendre à rêver.
J’ai du mal à accepter cet aspect de ma personnalité lorsque je me compare aux autres. J’ai l’impression qu’aujourd’hui (déjà la phrase commence mal, attention je vais sûrement balancer des grosses généralités
), les jeunes ont soif d’aventure, qu’ils ont des idées, qu’ils sont prêts à se réinventer et à passer par plein d’étapes, qu’ils sont en mouvement. Vous me direz que c'est pas nouveau, que la jeunesse a toujours incarné le progrès. Ok mais j’ai l’impression que de plus en plus, la norme est aux expériences de vie à l’étranger, à la mobilité. Et moi, en dehors des moments où je voyage pour des vacances, je crois que je n’incarne en rien cette nouveauté, cette dynamique du changement. Tout simplement parce que ce changement ne m'attire pas.
En fait j’ai l’impression d’avoir croisé plein de personnes, d’avoir eu (et d’avoir encore) beaucoup d’amis, mais d’être celle qui les regarde construire leur vie et leurs projets tout en restant assise sur son banc. C’est comme si j’étais une étape dans la vie des autres, une fille qui passe son temps à nouer des liens avec des individus de passage, et puis qui finit toujours par les accompagner à la gare en leur souhaitant bon vent. Je suis, du coup, également la fille qui est là à la sortie du train, quand ils viennent se remémorer cette étape de leur parcours l’espace de quelques jours.
Voilà, et lorsque je me compare, je me trouve déprimante. J’ai l’impression de ne pas avoir de flamme, de n’être mue par aucun idéal particulier, de manquer de passion et surtout d’imagination à propos de l’avenir. Attention, j’ai l’air d’une fille horriblement barbante mais je sais aussi être drôle et enthousiaste
C’est juste que mon enthousiasme est souvent ponctuel, furtif et intense, mais qu’il est toujours passager et ne porte pas sur des projets de long terme.
Ce qui m’insupporte c’est donc mon rapport au temps finalement (tout ça pour ça
).
J’arrive beaucoup mieux à appréhender le passé que l’avenir. J’adore le passé, j’adore analyser mes expériences et avoir un regard réflexif sur ce que j’ai vécu. C’est pour ça d’ailleurs que j’attache tant d’importance à entretenir mes souvenirs, à écrire ce qui m’arrive pour le figer et pouvoir le revivre par les mots dès que je le désire … On peut même rapporter ça au forum : j’ai adoré le topic « bilan de l’année 2013 », et globalement j’adore les topics qui proposent de faire des retours sur expérience.
Mais si j’aime ce qui est révolu, ce qui est à venir me terrifie. J’ai peur du futur, il ne me stimule pas du tout. Or j’ai l’impression que l’ambition, les projets, et la capacité à se donner les moyens de ses rêves c’est un puissant moteur dans la vie. Il me manque ce moteur et ça m’énerve de plus en plus.
Pardon pour ce message (ne pas citer svp !) il respire le pessimisme mais il fallait que ça sorte. Je l’éditerai sous peu
EDIT : Ah bah je pensais tomber comme un cheveu sur la soupe mais finalement mon gros post plaintif illustre un peu votre conversation sur les modèles de réussite que nous vend la société