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-Wuthering Heights-
Je profite de tes posts pour exprimer deux idées qui me viennent sur ce thème:
D'abord - et j'y ai pensé en regardant le lien vers l'article que tu viens de partager -, je dissocierais les films plus ou moins réalistes (ou en tout cas mimétiques) des dessins animés inspirés des contes, comme chez Disney. Le conte fonctionne sur une base binaire/manichéenne : bien vs mal, beau vs laid, etc. Dans
la belle et la bête par exemple, le prince se fait transformer en bête par la fée parce qu'il a été méchant, il lui a refusé l'hospitalité au lieu d'être généreux - et il redevient beau quand son amour pour la Belle fait de lui une meilleure personne. Les contes véhiculent des valeurs simples en fait, et souvent la laideur est un code pour signifier la laideur morale. Et j'en profite d'ailleurs pour dire qu'à mes yeux, l'adaptation de Notre Dame de Paris n'a rien à voir avec le roman de Hugo, précisément parce que le roman de Hugo n'est PAS un conte. Quasimodo est laid mais il est généreux et Phoebus est beau comme un Apollon, mais c'est un salaud opportuniste qui profite de sa beauté pour satisfaire ses désirs et pour se trouver une bonne situation maritale (

.). Le roman de Hugo est tragique, et il reflète l'immoralité des personnages (Frollo est un personnage génial, la figure du prêtre torturé animé par ses pulsions sexuelles - évidemment, c'est totalement intraduisible dans le monde de Disney, c'est pour ça qu'il a été transformé en juge). Il ne peut pas y avoir de happy end. Mais dans un Disney, il doit y avoir un happy end, et des valeurs "néo-bourgeoises", du coup on se retrouve avec un truc hybride qui veut dire "les moches ont le droit d'être aimés" tout en disant "le personnage beau et jeune ne peut pas être méchant, c'est un conte pour enfants". Y a deux logiques contradictoires dans ce dessin animé qui font qu'il n'est pas très convaincant...
Ensuite (et sans transition, désolée

.), c'est quelque chose que ma prof de philo avait évoqué quand j'étais en terminale, et je trouve ça assez intéressant (bon c'est mon coté marxiste

.). : la beauté est souvent lié au capital. Bien sûr, il y a une frange de personnes qui naissent très belles ou très laides dans tous les milieux sociaux (question de symétrie des traits du visage). Mais je pense que la grande majorité des gens se trouve plutôt entre les deux, et on se retrouve avec des critères esthétiques qui sont culturels et sociaux comme la minceur, le bronzage (sur peau blanche - parce que la question de la beauté esthétique rejoint
aussi les autres formes de discriminations que tu mentionnes et notamment le racisme - on peut aussi mentionner la norme "yeux clairs, nez fin, voire un peu retroussé"), le teint uniforme, la coiffure, le style vestimentaire et la qualité des vêtements, etc. Or, il est plus aisé de maîtriser l'uniformité de son bronzage quand on peut bronzer à loisir (ce qui n'est pas forcément le cas quand on travaille dans les vignes...); il est plus aisé d'utiliser les bons produits pour se laver et s'hydrater le visage ou suivre un traitement dermatologique approprié quand on connaît un bon dermato, une bonne pharmacie, qu'on a les moyens de s'offrir de bonnes crèmes; il est plus aisé de soigner sa coiffure quand on sait intuitivement quelles sont les coiffures à la mode, quand on a le moyen de se payer un bon coloriste capillaire, etc.; je ne parle même pas des vêtements, ça me paraît évident que tout le monde n'a pas les moyens de se payer des fringues coupées expressément pour soi. Un dentiste, un dermato, un coiffeur, un styliste, un nutritionniste, un coach sportif, une esthéticienne... tous ces services sont payants, et ça demande aussi un certain capital social que de savoir quel spécialiste est au top dans son domaine. Sans compter que même avec un nez de travers, on peut se payer une opération de chirurgie esthétique si on en a les moyens. Bref, l'argent n'achète pas nécessairement la beauté si on est difforme, mais si on a un physique banal ou quelques défauts, ça peut largement y contribuer.
Du coup, je pense que c'est intéressant de resituer le critère de la beauté dans un axe social et économique.
De la même façon, la pression mise sur les femmes lorsqu'il s'agit d'apparence esthétique est particulièrement lourde (puisque le discours courant c'est "sois belle, ma fille"), et ça recroise encore une fois une autre forme de discrimination, celle du sexisme. Mais je tiens ceci dit à mesurer ça directement, parce que je pense aussi que la discrimination esthétique/plastique touche aussi les hommes (après tout, le pendant de "sois belle, ma fille" c'est "sois fort, mon fils").