Étant une adulte (hahem) sans enfants, mon avis sur la question est très, très théorique, mais je pense qu'il vaut mieux expliquer à un enfant plutôt que lui interdire (en tout cas, lui interdire juste parce que ce n'est pas pour les enfants).
Et la dernière pub du CSA, elles montrent des adultes finalement assez gênés qui se retrouvent à devoir expliquer aux enfants des images choquantes. Bah je trouve ça bien, justement, ce côté timide, gêné, de part et d'autres, parce que les gosses ont aussi conscience que ce qu'ils regardent dérange.
Du coup, je trouve le slogan très nul « Les images choquantes, il vaut mieux les éviter, sinon, il faudra en parler ».
Attention, je ne dis pas qu'il faut mettre le gamin devant des contenus -16 ans, mais que les éviter, sans discussion, sans explication, n'est pas la solution non plus.
Ça me fait penser aux parents qui justement ne veulent pas qu'il y ait des couples homosexuels à la télé, parce qu'après, les gamins posent des questions, et il faudra en parler.
Peut-être que ça parle plus à de vrais parents qui sont confrontés réellement aux difficultés de parler, d'expliquer à des enfants, mais moi, ça me choque qu'on préfère finalement laisser des enfants dans l'ignorance plutôt que de leur expliquer pourquoi les images sont choquantes.
Je suis pas tout-à-fait d'accord avec ça. Je pense au contraire que le "sinon il faut en parler" est très pertinent. Enfin, en tous cas, je le comprends différemment. Je vais donner mon point de vue de baby-sitter qui garde des enfants 2 fois par semaine, en fin d'aprem, pour l'aide aux devoirs entre autres choses, puisque je suis plutôt polyvalente. Je précise le contexte: ils sont 7, de 4 à 16 ans. Le père travaille à plein temps et rentre très tard, la mère, qui travaille à mi-temps, est présente quand je suis chez eux; je l'assiste parce qu'ils sont nombreux et que certains d'entre eux ont des activités extra scolaires les soirs où je suis là et qui nécessitent que quelqu'un "fasse le taxi". Sans parler des courses et de tout le reste. Voilà pour le contexte. Pour rentrer dans le sujet, je vais juste rapporter une anecdote. Un soir où j'étais là, la grande, qui est en seconde (on l'appellera Ninon) était en train de regarder un épisode de Game of Thrones sur OSC dans le salon. Tranquillou. Avec les petits. Je ne blâme pas forcément les parents qui sont débordés et qui en plus sont d'une génération très différente et ne sont pas toujours très au fait des nouvelles séries. Mais quand j'ai vu ça, j'ai juste pété un câble dans ma tête. Ce que j'ai fait? Ben j'ai fait mon boulot et j'ai essayé de le faire au mieux. J'ai commencé par faire sortir les plus jeunes en leur expliquant que ce n'était pas une série pour eux. Ceux de 10 et 12 ans ont un peu essayé de marchander mais ils ont fini par piger le message et sont sortis de la pièce. Mais surtout, surtout... J'ai parlé à Ninon. Parce que c'est elle qui est en âge de vraiment comprendre que ça craint, c'est elle qui peut avoir un avis raisonnable sur la question. J'ai été très calme, je lui ai expliqué (et elle était d'accord avec moi), que cette série pouvait être très choquante pour ses frères et soeurs bien plus jeunes qu'elle. Je lui ai dit que je ne voulais pas la spoiler mais que l'épisode 9 (elle en était à la saison 3) allait vraiment être encore plus violent que d'autres et que le fait que les plus petits puissent se trouver face à ce genre d'image, ben c'était pas ok. Elle a entendu ce que je lui ai dit. Par la suite, elle a fait attention de bien regarder le reste toute seule et après avoir vu le fameux épisode, elle m'a même reparlé de la discussion qu'on avait eue (et comment c'était horrible, et comment j'avais raison, etc).
Tout ça pour dire qu'il faut, à mon avis, procéder au cas par cas et qu'un enfant, selon son âge, ne peut pas forcément comprendre de quoi on parle quand on évoque la violence. Je vais citer Ricoeur pour le coup: « Le mal, c'est ce contre quoi on lutte, quand on a renoncé à l'expliquer ». C'est-à-dire qu'il y a une part d'innommable et de non-sens dans la violence, quelque chose d'injustifiable, dont l'existence dépasse les mots qu'on tenterait de trouver pour l'expliquer. Ricoeur dit encore qu' « il n'y a pas de langage direct, non symbolique du mal subi, souffert ou commis ». En parler ne suffit pas car certaines questions liées à l'expérience du mal sont vouées à rester sans réponses (une victime peut-elle avoir des réponses aux questions
Pourquoi? Pourquoi moi? Pourquoi comme ça? On ne peut répondre au pourquoi parce qu'il est vain de tenter de justifier le mal). D'autre part, en relation avec notre sujet, une autre problématique s'impose: qu'est-ce que connaître et qu'est-ce que connaître le mal en particulier? Peut-on le savoir si on n'en n'a pas fait l'expérience, que ce soit par des mots, des coups ou des représentations? Quand commence cette expérience? Comment arrive-t-elle? Peut-on (doit-on) l'éviter aux plus jeunes? Maintenant, je vais appliquer tout ce que je viens de dire à l'anecdote que j'ai rapportée. Bon, d'abord on est d'accord qu'on ne parle pas de sujets aussi graves que ceux qu'évoque Ricoeur; comme il s'agit d'une fiction, la violence n'est bien sûr, pas subie ou commise en tant que telle; il ne s'agit que d'une représentation. Néanmoins, ce n'est pas sans rapport.
Ninon a donc 16 ans. On peut supposer (et c'est ce dit la signalétique) qu'elle a l'expérience et le recul nécessaires pour encaisser lcette représentation de la violence (qu'elle soit d'ordre moral ou physique) qu'on peut trouver dans une série comme GoT. Mais qu'en est-il de son frère de 6 ans qui pleure et fait une comédie parce qu'on lui a dit que ce n'était pas pour lui parce que c'est
violent? Est-ce qu'il sait vraiment ce que signifie
violent, qu'est-ce que ça lui évoque? En a t-il une idée aussi précise qu'un adulte? A moins de l'avoir vécue avec force ou d'en avoir été le témoin précoce, on peut répondre non à cette question. Les exemples de violence ne sont pas encore là, ou alors ils sont franchement non exhaustifs, c'est sensé se résumer à pas grand chose encore, non? Parce qu'à 6 ans, un enfant n'est pas sensé connaître le genre d'horreur qui a lieu dans ce monde, ou en tous cas, il n'est pas encore prêt pour ça. Je sais pas, mais à moins de lui avoir donné un exmple précis pour bien lui faire comprendre ce que j'entends par
violence dans GoT, je vois pas. Mais on ne peut pas faire ça. Parce que ce serait encore faire acte de violence, pas dans les images mais dans les mots cette fois, et franchement, c'est pas mieux. Alors qu'est-ce qu'il reste? L'interdit. L'interdit associé à des mots comme
violent ou
choquant qu'il ne comprendra pas, qui resteront vagues parce que c'est un enfant. Il n'est pas raisonnable. Il n'a pas l'expérience. Donc je comprends parfaitement le "sinon, il faut en parler", dans le fond, ça a beaucoup de sens. Parce que c'est le genre d'images sur lesquelles on ne peut tenter de mettre des mots que quand l'expérience du visionnage a déjà eu lieu. Sinon c'est peine perdue, ou comme je l'ai dit, ça reste des mots vagues, sans contenus. L'interdit est donc très utile voire indispensable. En plus, il a une dimension symbolique non négligeable; on peut le transgresser, mais pour autant que la transgression ait lieu, ça ne le supprime pas. Ça montre en plus qu'on traite des contenus qui ne sont pas anodins avec une réponse qui n'est pas banale. On est obligé d'en passer par là, parce qu'un enfant peut comprendre qu'on lui interdise des choses mais il ne comprendra jamais aussi bien qu'un adulte
pourquoi on les lui interdit.